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Mécénat : Stradivarius, les cordes sensibles

Lorin Maazel, chef d'orchestre américain et violoniste virtuose, a décidé de se séparer de son prestigieux violon, un Guadagnini de 1783. Une vente aux enchères en ligne a lieu jeudi, orchestrée par la maison spécialisée Tarisio, basée à New York et Londres. L'argent récolté servira à aider des jeunes musiciens, en l'occurrence des invités du Festival de Castleton (Virginie), créé par Maazel en 2009.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec agences)
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Lorin Maazel lors d'une répétition à Vienne le 30 décembre 2004
 (AFP / Dieter Nagl)

Les plus illustres instruments à cordes, les Stradivarius et Guarnerius, atteignent des prix astronomiques. Désormais, ce sont souvent des sponsors qui en font l'acquisition lors d'enchères en salle ou en ligne. Des artistes peuvent bénéficier de ces ventes, mais pas seulement.

Le 20 juin 2011, le "Lady Blunt", un Stradivarius de 1721, propriété de la Fondation japonaise de musique, a été vendu aux enchères par la maison Tarisio pour la somme record de 15,9 millions de dollars. L'argent a été récolté pour aider les victimes du tsunami. L'identité de l'acheteur n'a pas été révélée. "Il est souvent difficile de savoir qui achète ces instruments", a confié à l'AFP le luthier parisien Bernard Salin. "Les acheteurs, des sponsors très riches, des millionnaires, veulent généralement rester anonymes."

Jeudi, il suffira d'un clic sur internet, probablement d'un autre acquéreur anonyme, pour mettre fin à une histoire de plusieurs décennies entre Lorin Maazel, 81 ans et son violon. "J'ai joué ce Guadagnini pour la première fois à l'âge de 15 ans et il a été depuis mon plus proche compagnon." Il se dit "heureux" que la vente profite à de jeunes artistes.
 

Le violon de 2,5 millions d'euros du musicien autrichien a été volé à son domicile au printemps 2007, avant d'être retrouvé une semaine plus tard à Vienne. Le virtuose le présente à la presse le 6 juin 2007.
 (AFP / Dieter Nagl)

Les grandes entreprises prêtent les instruments aux virtuoses
Le virtuose russe Maxim Vengerov a été l'un des derniers musiciens à pouvoir s'offrir un Stradivarius, en 1998. Aujourd'hui, les virtuoses se voient prêter leur instrument par des entreprises engagées dans le mécénat. Ainsi, le violoniste Renaud Capuçon joue sur un Guarnerius del Gesu ayant appartenu au virtuose américain Isaac Stern (1920-2001), et que lui a prêté la Banque Suisse Italienne. Laurent Korcia joue sur un Stradivarius de 1719, le "Zhan", prêté par LVMH. David Grimal dispose aussi d'un Stradivarius mis à sa disposition par une banque du Liechtenstein.

Toutefois, d'autres musiciens, comme l'Américaine Hilary Hahn, préfèrent s'offrir un instrument moins prestigieux et en être l'unique propriétaire.

"Les sponsors parient sur le fait que le musicien auquel ils prêtent va être très connu et que ce succès valorisera leur instrument", estime le luthier Bernard Salin. "Un violon ayant appartenu à Isaac Stern ou à Yehudi Menuhin, c'est un bon investissement."

"Maintenant, la plupart des sponsors prêtent sur des durées limitées avec des contrats renouvelables", ajoute le luthier. Un soliste bénéficiant de ce prêt doit jouer tous les deux ou trois ans devant une commission en vue d'évaluation... Quant aux fondations, elles ne confient pas leurs instruments au delà d'un certain âge du musicien. "Les fondations et les sponsors dictent leur règles", selon Bernard Salin. Le luthier déplore au passage qu'en France, les violons solos des grands orchestres doivent batailler afin de se voir confier des instruments de qualité.

Il resterait 600 Stradivarius dans le monde
Quelque 600 Stradivarius sont répertoriés sur la planète, sur les mille fabriqués par Antonio Stradivarius (1644-1737), le plus connu des luthiers de Crémone avec la famille Guarnerius, dont Giuseppe (surnommé "del Gesu"). Selon les experts, les plus beaux violons relèvent de la période de la maturité de Stradivarius, entre 1710 et 1725.

La sonorité exceptionnelle des Stradivarius a engendré de nombreuses théories qui ont nourri leur mystère. Des scientifiques sont finalement parvenus à analyser le processus de fabrication, notamment le vernis. Ils ont découvert qu'ils étaient élaborés à partir d'ingrédients communs aux artisans de l'époque.

Les Guarnerius, dont 90 violons sont parvenus jusqu'à nous (sur 200 fabriqués), possèdent des sonorités plus puissantes et plus sombres dans les graves que les Stradivarius. Quant à Lorenzo Guadagnini, il a perpétué la tradition des Stradivarius. Celui de Lorin Maazel, apprécié pour sa puissance, a été fabriqué trois ans avant la mort du luthier.

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