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Opéra de Dijon : les amours confinées du "Palais enchanté" diffusées gratuitement en ligne le 11 décembre

L'opéra est mis en scène par le Belge Fabrice Murgia pour l'Opéra de Dijon. Mise en ligne dès vendredi, la captation servira l'oeuvre, assure le metteur en scène : "ce sera un film d'opéra plutôt qu'un opéra filmé". 

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Répétition du "Palais enchanté" à l'auditorium de Dijon, le 2 décembre 2020. (JEFF PACHOUD / AFP)

Enfermés dans un palais-labyrinthe sans pouvoir s'embrasser, se retrouver, s'aimer : Le Palais enchanté de Luigi Rossi, écho à notre confinement, est recréé à l'Opéra de Dijon, après près de 400 ans d'oubli, et retransmis en ligne dès vendredi 11 décembre. C'est au travers de vitres que les mains des amants Ruggiero et Bradamante se "touchent". C'est par l'intermédiaire d'un téléphone qu'ils se parlent de cellule à cellule. C'est à travers un labyrinthe aux pièces innombrables qu'ils tentent désespérément de se retrouver.

C'est le mage Atlante qui a ainsi frustré leur amour : pour empêcher le chevalier Ruggiero (Fabio Trümpy) d'épouser Bradamante (Deanna Breiwick), le sorcier les a enfermés dans un palais dont la magie attire d'autres amants comme des mouches. "Les personnages se croisent mais s'arrêtent très peu et interagissent très peu ensemble. L'événement s'abat sur plusieurs personnes différentes, comme nous qui sommes confinés à New Delhi ou Barcelone", explique le metteur en scène belge Fabrice Murgia.

Répétition de l'opéra "Le Palais enchanté" à l'auditorium de Dijon le 2 décembre 2020.  (JEFF PACHOUD / AFP)

"Sorte de métaphore de la situation extérieure", le palais "organise en quelque sorte la distanciation sociale entre les personnages, les sépare, les empêche de se retrouver, de s'aimer, de s'embrasser", acquiesce Leonardo Garcia Alarcon, chef d'orchestre helvético-argentin et grand maître du baroque. Au fil du temps, "la nervosité monte", décrit Fabrice Murgia: "les murs deviennent insupportables et le labyrinthe devient un peu fou", à l'image de ces danses de Saint-Guy qu'entame régulièrement sur scène un éphèbe à moitié nu.

"Un fracas émotionnel fort"

Une quête de l'être aimé, éperdue et vaine, s'engage dans la confusion la plus totale, soigneusement entretenue par Atlante (Mark Milhofer) qui joue de stratagèmes pour mieux perdre ses marionnettes. Sur scène, un décor génial de portes et de fenêtres dessine un dédale démoniaque où un système très efficace de tournettes (décors rotatifs) laisse découvrir à chaque demi-tour tantôt un ascenseur, tantôt un aéroport, tantôt une vitrine rose néon du quartier chaud d'Amsterdam...

Avec cet opéra "absolument dingue", Fabrice Murgia, 37 ans, a trouvé peinture sur laquelle utiliser "mes pinceaux, les outils de ma génération", en l'occurrence l'image. "Je savais que ça allait matcher avec la caméra. C'est très storyboardable", explique le directeur du Théâtre Wallonie Bruxelles, reconnu pour ses techniques innovantes que ne renierait pas l'opéra d'origine, créé en février 1642 à Florence dans un esprit déjà très avant-gardiste.

A même la scène, deux caméras filment ainsi les acteurs. Les images sont projetées sur le fond de la scène, offrant un zoom sur les errements tortueux des coeurs confinés.  "C'est un fracas émotionnel fort, très propre au baroque", résume Fabrice Murgia, qui se plaît dans cette dramaturgie très complexe. "On dirait un film de David Lynch", jubile-t-il.

Une oeuvre fondatrice de l'art lyrique

Opulente, cette oeuvre monstre fondatrice de l'art lyrique ne connaît en effet aucune limite : d'une durée de 7h30 à l'origine (à peu près 3h maintenant), elle présente 27 personnages, 17 solistes, un triple choeur et huit arias. "Du point de vue des effectifs, c'est sans doute la pièce la plus riche de tout le XVIIe siècle. Monter cet opéra représente un tel défi", explique le chef d'orchestre Leonardo Garcia Alarcon.
C'est pour cela qu'elle tomba dans l'oubli : "seuls certains passages ont été refaits" depuis sa création, souligne Fabrice Murgia.

Le directeur de l'Opéra de Dijon, Laurent Joyeux, tenait à inscrire cette "oeuvre capitale et si singulière" au tableau des opéras qu'il a ressuscités, pour finir avec panache un travail de 12 ans qui s'interrompra avec son remplacement en janvier par Dominique Pitoiset. Covid oblige, le Palazzo ne sera pas présenté en salle mais diffusé gratuitement en ligne dès vendredi. La captation servira l'oeuvre, assure le metteur en scène : "ce sera un film d'opéra plutôt qu'un opéra filmé". Le spectacle sera également diffusé sur les télévisions suisse RTS et belge RTBF. Si tout va bien, il sera présenté l'an prochain, physiquement cette fois, à Nancy et Versailles.

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