"Peter Grimes", 1er acte du Festival Britten à l'Opéra de Lyon
Benjamin Britten ferait-il peur à certains programmateurs ? Toujours est-il que les œuvres de ce très prolixe compositeur ne trouvent pas si souvent le chemin des scènes lyriques françaises. L’opéra de Lyon nourrit au contraire une véritable fidélité aux ouvrages lyriques de Britten, proposant régulièrement un éclairage de l’un des opéras du Britannique. Pour son désormais traditionnel festival de printemps, il donne à voir et entendre trois opéras distant chacun les uns des autres d’une dizaine d’années ("Peter Grimes", 1945, « "Le tour d’écrou", 1954, "Curlew river" 1964). Pour commencer,"Peter Grimes", l’œuvre qui fit entrer Benjamin Britten dans le panthéon des grands compositeurs de son pays.
Depuis Henry Purcell au XVIIe siècle, l’Angleterre n’avait pas brillé par ses compositeurs de musique, Britten en créant en 1945 ce « Peter Grimes » se révéla un maître de l’art vocal, tout autant choral que soliste, offrant une palette orchestrale complexe et nourrie de ses grands aînés Mozart, Verdi, Mahler ou Berg, voire Gershwin par certains accents de Porgy and Bess.
Vindicte populaire
Toute cette richesse musicale se retrouve dans « Peter Grimes », son premier opéra. L’histoire d’un pêcheur mis au ban de son village pour soupçon de maltraitance de ses jeunes apprentis est ici suggérée dans un décor portuaire ébauché par une barque crevée et rouillée présente tout au long de l’œuvre. Un fond de plaques métalliques usées ferme le fond de scène et enferme l’action dans un huis clos villageois. D’emblée la bonne idée du metteur en scène Yoshi Oida est de placer les chœurs aux balcons dans la salle. Il invite ainsi le public à partager l’opinion des villageois.
Ils accusent sous forme d’un procès en place publique Peter Grimes d’avoir fait prendre des risques à son jeune apprenti qui a perdu la vie. Cette idée de mise en scène se diluera un peu au fil de la représentation. Tout l’opéra de Britten va se jouer de flux et reflux sur le regard porté sur cet étrange personnage dont on ne sait s’il maltraite ou non ses jeunes apprentis.
Moral ou amoral, Britten laisse comme souvent planer le doute. Le débat est ouvert entre le révérend, le pharmacien, la rentière, le capitaine et toute la petite société qui fréquente le pub local, la tenancière et ses nièces légères. Tous sont habillés de tenues anciennes, victoriennes, voire tout droit sortie de Mary Poppins pour l’institutrice, bien vaillante avec Peter Grimes. Ces tenues contrastent avec le décor de containers mobiles illustrant une activité portuaire. Cette stylisation moderne et raffinée vient se frotter aux costumes plus victoriens et convenus des interprètes.
Un bain musical sans concession
La mise en scène de Yoshi Oida nous offre ici des moments de fulgurance dans les tableaux d’ensemble. Il fige souvent l’action. Car la musique complexe et puissante de Britten emporte tout le reste : Le souffle du chœur en grand effectif, les fragilités d’Alan Oke dans les airs de Peter Grimes, les accents touchants, révoltés ou craintifs de Michaela Kaune en institutrice Ellen Orford ou les certitudes vacillantes d’Andrew Foster-Williams en capitaine Balstrode sont soutenus par un orchestre très nuancé, emmené par Kazushi Ono.
Les intermèdes orchestraux très subjectifs des mouvements marins font chavirer la salle dans ce malaise envoûtant qui hante toute l’œuvre de Britten. Innocence et culpabilité, pureté enfantine et perversité adulte dans un bain musical sans concession. Comme un coup de tonnerre en 1945, Britten fit son entrée dans le monde lyrique avec cette partition. Laissez-vous embarquer dans l’aventure pour prendre le large dans l’œuvre passionnante de Benjamin Britten dont le voyage est programmé jusqu’à la fin du mois d’avril sur la scène lyrique lyonnaise.
Festival Britten, en alternance « Peter Grimes », « le tour d’écrou » et « Curlew River » à l’opéra de Lyon jusqu’au 29 avril
Tél : 04 69 85 54 54
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