"L'Empereur d'Atlantis" : la résistance par la musique au camp de Terezin
Ce jour-là, au Théâtre de l’Athénée, à Paris, plusieurs classes d’adolescents découvraient « L’Empereur d’Atlantis ». Une fois les lumières éteintes, la dissipation initiale a fait place à un merveilleux silence d’écoute, ininterrompu jusqu’à l’applaudissement final, particulièrement nourri. Rare. Signe de la réussite de l’Atelier de recherche et de création pour l’art lyrique (l’Arcal), dans sa tache de transmission, au plus grand nombre (y compris aux jeunes), et avec autant de finesse, d’une musique, une écriture et avant tout, sans doute, un contexte.
Créer pour résister
L’opéra fut composé en 1943 par Viktor Ullmann sur un livret de Peter Kien, respectivement un musicien et un peintre et auteur internés dans le camp-ghetto de Theresienstadt, dit Terezin, en Tchécoslovaquie. Ce n’était pas un camp d’extermination, même si 33 000 juifs y ont trouvé la mort, mais plutôt un camp de transit, en attendant un départ vers l’Est, comme à Auschwitz-Birkenau, où furent d’ailleurs envoyés l’année suivante, Ullmann, Kien et nombre de leurs collègues.
Zuzana Ruzickova, une rescapée de Terezin rencontrée par Louise Moaty pour la préparation de sa mise en scène, internée alors qu’elle était adolescente, dut sa survie à l’attachement à la musique et finit par devenir claviciniste de profession. « L’empereur d’Atlantis ou la mort abdique », n’aura donc jamais été créée à Terezin, sans doute à cause d’une interdiction par le Conseil juif, gouvernement interne du ghetto. Visionnaire, l’écriture de Kien évoque ce qui se joue au delà des murs d’enceinte : un monde dévasté, dirigé par un tyran, un certain Empereur Overall, qui décrète une guerre totale de tous contre tous. Mais, ajoute le texte d’une grande richesse poétique, cette folie belliqueuse est empêchée par la Mort elle-même, personnage crucial de l’opéra qui, bafouée, statue que les hommes ne pourront plus mourir… « L’un des vrais thèmes de l’oeuvre est la mort, qui demande de retrouver sa place dans la vie, une place presque de fertilité : « je suis la mort, la mort jardinière (…) je suis celle qui libère de la peste et non la peste elle-même ». La musique épouse en partie ce lyrisme, ensemble hétéroclite des influences de Schönberg (dont Ulmann fut l’élève) et de Berg et de musique populaire, de jazz et de musique légère. A l’image de l’instrumentation de l’opéra, imaginée en fonction de ce qui était disponible à Terezin : on y trouve le piano, le clavecin, l’harmonium, mais aussi un banjo et un saxophone…
A la fois abstraite et très proche du texte, la mise en scène sert une musique « pas toujours joyeuse mais très souvent gaie, qui donne à voir l’esprit de vie qui animait les auteurs », ajoute Louise Moaty. Sur scène, le contexte de la création de l’opéra est présent, mais transcendé : de vrais parachutes se mouvant comme des toiles pour les changements de tableaux et une tour métallique qui pourrait évoquer un mirador, mais aussi une superposition de tableaux lyriques. Louise Moaty préfère évoquer la puissance poétique de l’ensemble et un « espace de l’entre deux, d’ombres et de lumières, de présence et d’absence », quand la mort abdique et que l’Empereur n’a pas encore accepté de mourir…
"L'Empereur d'Atlantis ou la mort abdique" de Viktor Ullmann
Le 30 janvier au Théâtre de l’Athénée à Paris
Le 11 février à Niort
Le 13 février à Poitiers
Le 5 avril à Massy
Le 9 avril à Saint-Quentin-en-Yvelines
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