"Simon Boccanegra" à l'Opéra Bastille : d’amour, de vengeance et de patriotisme

Giuseppe Verdi explore dans cet opéra les relations complexes entre un père et sa fille et les rouages du pouvoir. Le public a réservé une longue ovation à "Simon Boccanegra", version Calixto Bieito.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Ludovic Tézier, Nicole Car et Charles Castronovo dans Simon Boccanegra, à Opéra-Bastille, le 8 mars 2024. (VINCENT PONTET / VINCENT PONTET)

Comme toujours chez Verdi, le message est politique. Tout est politique. Le compositeur italien explore une nouvelle fois, avec Simon Boccanegra, la relation filiale père-fille, la lutte des classes (patriciens contre plébéiens) et l’unité de son pays. Toute son œuvre est imprégnée de ces thématiques politiques et personnelles.

Et c’est dans cet opéra, peut-être le moins connu de son répertoire, que Giuseppe Verdi interroge le plus profondément les relations complexes et un père et sa fille. Très marqué par la perte de son enfant Virginia, âgée d’un an, en 1838, Verdi n’a jamais cessé de travailler sur ce lien. Le compositeur a vécu une succession de drames personnels. Une année après la mort de sa fille, il perd son fils de deux ans et une année plus tard sa jeune épouse.

Au nom de la fille

Dix-neuf ans après la perte de sa fille, il crée Simon Boccanegra. Peu satisfait de sa version, et devenu député, il confie au librettiste Arrigo Boito le soin de revoir son œuvre. Et c’est ainsi que la version définitive est créée à La Scala de Milan en 1881.

Ce mercredi 12 mars, Ludovic Tézier laisse éclater toute sa voix, aussi puissante que nuancée, devant une assistance conquise à l'Opéra Bastille. Le baryton incarne un Simon Boccanegra complexe, un despote éclairé qui de tyran deviendra humaniste, rassembleur et conciliateur, et un père rongé par le remords et habité par l’amour.

Qui est donc Simon Boccanegra ? Le personnage a réellement existé. Né en 1301, il est élu le premier doge de Gênes à l’âge de trente-huit ans. Il entre en guerre contre les quatre familles nobles de la cité, emmenées par la famille Grimaldi. Il meurt empoisonné le 14 mars 1363 alors qu’à la fin de sa vie, il œuvrait à rassembler tous les clans. Pour le mythe, il avait été corsaire avant d’être élu doge. D’où sans doute la forte empreinte de la mer dans cet opéra, ses décors et dans la mise en scène de Calixto Bieito. En réalité selon les historiens, c’est son frère qui était corsaire et non l’homme politique.

Seul décor, la coque d'un bateau

La mise en scène de Calixto Bieito permet d’installer tous les personnages principaux. Avec pour seul décor la coque d’un bateau, structure à deux niveaux ouverte d’un côté, les artistes se meuvent dans un espace réduit, ce qui accentue l’intensité et la dramaturgie. La (désormais inévitable) présence de la vidéo ne manque pas d’ingéniosité. La réalisatrice Sarah Derendinger accompagne l’œuvre avec son installation vidéo sans la surcharger. Et donne de la profondeur au second plan.

Sur le plan vocal, Simon Boccanegra a enthousiasmé le public. Ludovic Tézier dans le rôle-titre, Nicole Car, Mika Kares, Charles Castronovo et Etienne Dupuis ont été très applaudis. L’un des moments forts : la fin du premier acte avec un chœur impressionnant. Les effets visuels sont renversants.  

Scène de "Simon Boccanegra" à Opéra-Bastille, le 8 mars 2024. (VINCENT PONTET)

Fiche

Titre : "Simon Boccanegra"

Durée : 3h00 avec 1 entracte

Langue : Italien

Sous-titrage : Français / Anglais

Musique : Giuseppe Verdi

Livret : Francesco Maria Piave, Arrigo Boito

Direction musicale : Thomas Hengelbrock

Mise en scène : Calixto Bieito

Distribution : Ludovic Tézier dans le rôle-titre, Nicole Car, Mika Kares, Charles Castronovo, Etienne Dupuis, Alejandro Baliñas Vieites, Paolo Bondi et Marianne Chandelier.

Lieu : Opéra-Bastille, Place de la Bastille, 75012 Paris

Dates : jusqu’au 3 avril.

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