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Vingt ans après Accentus, Laurence Equilbey lance l'orchestre Insula : interview

1992-2012... Vingt ans après les débuts de l'ensemble vocal Accentus, qui a acquis au fil du temps un rayonnement international, Laurence Equilbey déborde de projets, d'espérances et d'ambitions pour les années à venir. Sa dernière réalisation s'intitule Insula, l'orchestre qu'elle a fondé en cette année anniversaire. Explications et interview express !
Article rédigé par franceinfo - Annie Yanbékian
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Laurence Equilbey
 (Jana Jocif)

Deux décennies de succès ne l'ont pas blasée. Laurence Equilbey regarde toujours vers l'avenir. Elle prépare des échéances proches, en novembre, qui lui tiennent à coeur : le coup d'envoi de la première saison d'Insula, sa nouvelle formation, totalement instrumentale. Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, Laurence Equilbey ne concentre pas toutes ses activités sur la musique vocale. Depuis environ dix ans, parallèlement à la direction d'Accentus, choeur de 32 chanteurs, elle collabore avec l'Orchestre de l'Opéra de Rouen Haute Normandie, l'Orchestre de chambre de Paris (ex-Ensemble orchestral de Paris), mais aussi avec des phalanges allemandes et anglaises.

Laurence Equilbey avait envie d'aller plus loin dans l'exploration d'un certain répertoire germanique situé entre 1750 et 1830. Elle a soumis un projet de nouvelle formation orchestrale, sur instruments d'époque, au département des Hauts-de-Seine. Cette phalange, créée en cette année 2012, a été baptisée Insula, du nom d'une région du cerveau qui sert à transfomer les sensations en émotions. Insula Orchestra démarre donc sa première saison avec Mozart en novembre en Ile-de-France.
 

Laurence Equilbey
 (Jana Jocif)
La rencontre
Paris, fin juin. Nous avions fixé rendez-vous avec Laurence Equilbey à son bureau parisien, dans le Xe arrondissement. L'exercice consistait en un questionnaire imposant un survol synthétique et forcément sélectif des (quelques) années passées...

- Culturebox : Pourriez-vous me citer un compositeur qui vous a marqué particulièrement ces vingt dernières années ?
- Laurence Equibey : C’est toujours difficile d’en dire un seul… Comme disait Casals quand on lui demandait : « Quelle est votre suite préférée ? » Il répondait : « Celle que je suis en train de travailler. » Si je devais n’en dire qu’un, je dirais plutôt Robert Schumann. J’ai fait « Le Paradis et la Péri » et ses dernières ballades, deux projets à la fois inédits et très importants pour moi.

- Une œuvre ?
- Puisque je parlais de Schumann, je vais dire « Le Paradis et la Péri ». Sinon, l’autre œuvre pourrait être la Messe en si mineur (de Bach, ndlr), que j’espère faire un de ces jours...


"Le Paradis et la Péri" (extraits), de Robert Schumann, par Accentus, le Philharmonique de Bruxelles et le Vlaams Radio Koor (Paris, Cité de la Musique, 7 février 2010


- Un pays ? Peut-être l’Allemagne ?
- Oui, disons, la Germanie en général. J’ai passé ma petite enfance en Forêt noire, j’y suis restée longtemps. Ensuite, j’ai fait mes études en Autriche. Par la suite, j’ai passé beaucoup de temps en Suède. Donc, pour vous répondre, j’engloberais toute cette zone germanique et nordique.

- Une collaboration marquante ?
- Nikolaus Harnoncourt, avec qui j’ai travaillé comme chanteuse à Vienne. Cela a été fondateur de beaucoup de choses. C’est quelqu’un qui m’a beaucoup inspirée.

- J’allais justement vous demander : un inspirateur ?
- Il y en a plusieurs, outre Harnoncourt. Claudio Abbado en a été un, lui aussi. Tous ces chefs que j’ai rencontrés à Vienne... Et le Suédois Eric Ericson, évidemment, plus spécifiquement pour le chœur.

- Une image marquante ?
- Je réfléchis… Cela dépend de l’époque, j’en ai beaucoup. Mais ce qui me vient en tête à cet instant précis, ça serait un spectacle auquel j’ai assisté : l’ouverture du « Ring » au Met, à New York, avec la scénographie de Robert Lepage. C’est ce qui m’a marquée le plus récemment, même si ça remonte à mai 2011…

- Une année inoubliable ?
- On va dire cette année 2012, puisque je crée Insula Orchestra. Cela ne s’oublie pas ! Il y a 1992 pour Accentus et 2012 pour Insula, vingt ans après.


Vidéo de présentation du dernier album d'Accentus, "Mendelssohn, Christus et Cantates chorales" (octobre 2011, Naïve)


- Un souvenir particulièrement heureux ?
- Un souvenir particulièrement heureux… Qu’est-ce que ça peut être… Si, je crois que j’en ai un qui est vraiment récent : la « Création » de Haydn à la Salle Pleyel (le concert anniversaire d’Accentus, en avril, ndlr). C’est un souvenir vraiment heureux.

- Un moment difficile ?
- Là, maintenant... Le décès de Brigitte Engerer (l’entretien a lieu le 27 juin, quelques jours après la disparition de la pianiste). C’est une immense perte. C’est une amie, une artiste fantastique avec qui j’ai fait trois disques et une centaine de concerts. C’est difficile. Ça va être dur à accepter.

- Je voulais vous demander : une absence… J’ai donc ma réponse.
- Oui, en ce moment, c’est cela… Après, il y a bien sûr des gens qui ne sont pas connus. Quelques amis qui sont partis trop tôt, pour cause de maladie, sida, suicide, mal-être… C’est difficile. Il faut faire attention aux gens. Il faut s’en occuper avant qu’ils se pendent… Il y a parfois des gens qui ont des trajets difficiles. Et notamment chez les artistes. Il faudrait que ce pays s’occupe un peu plus de ses artistes.

- Un combat ?
- En ce moment, je suis engagée avec la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques, ndlr) et plusieurs autres mouvements sur l’égalité hommes-femmes dans les arts du spectacle. Il y a un réel déséquilibre, une réelle injustice. Je me suis donc engagée à leur côté au nom de la justice.

- Avez-vous senti une évolution ces dernières années ?
- Non, aucune. Même une régression. Il faut le dire, il faut le faire savoir.

- Comment l’expliquez-vous ?
- En période de crise, les choses se crispent. Les cliques et les réseaux se resserrent, les gens veulent maintenir leur position, puisque tout le monde a peur. Cela gèle, cristallise les problèmes.


La célèbre adaptation par Accentus de l'Adagio "Agnus Dei" pour cordes opus 11 de Samuel Barber ("Transcriptions", Naïve, 2003), qui a donné lieu à un DVD en 2008


- Un regret ?
- Des regrets, j’en ai quelques uns. Il arrive des moments formidables, et en même temps, tous les jours, on mesure à quel point il faut se battre pour réussir à s’exprimer. C’est plutôt cela que je regrette : avoir tellement à combattre pour pouvoir pratiquer mon art, même si j’ai la chance de pouvoir faire de la musique à haut niveau très souvent.

- Une fierté ?
- Accentus est une grande fierté. C’est un instrument que j’adore, qui a un très bon niveau artistique, et qui a ouvert des voies radicalement nouvelles en France. Dans son sillage, la situation du chœur en France a beaucoup évolué. Accentus n’est pas le seul responsable, mais il a beaucoup participé à cette évolution. On est très fier de ça. Maintenant, la suite reste à construire pour être tout aussi fière…

- Un défi ? Peut-être Insula ?
- Insula n’est pas vraiment un défi, dans le sens où, j’espère, le projet est maintenant sur les rails. Le défi consiste, maintenant, à en faire un orchestre d’un très haut niveau. C’est mon ambition. L’autre défi serait plutôt de trouver un camp de base, une maison de production de type opéra, dans laquelle je puisse faire mes projets un peu avant-garde, avec les plasticiens. Pour l’instant je n’arrive pas tellement à le réaliser. Mais c’est quelque chose que j’ai en moi et qui se fera un jour !


Laurence Equilbey présente son projet Insula Orchestra (2012)

> Prochains (et surtout premiers !) concerts d'Insula (liste et infos ici) : le 20 novembre à Chaville (Hauts-de-Seine), à l'Atrium, pour un programme Mozart (Grande Messe en ut mineur), repris à Boulogne-Billancourt (21), Issy-les-Moulineaux (22) et enfin Versailles (24 novembre)

> Prochains concerts d'Accentus : le 19 octobre à Saint-Quentin-en-Yvelines, le 20 octobre à la Cité de la Musique (Paris) pour un programme Bach, Mantovani, Mendelssohn

> à écouter : "Best 20", le best of d'Accentus, sorti le 20 mars 2012 chez Naïve
Accentus, "Best 20" (2012)
 (Naïve)
Laurence Equilbey en quelques dates
1962 : naissance le 6 mars à Paris
1991 : création d'Accentus, ensemble vocal a cappella, qui sera lancé en 1992
1995 : création du Jeune Choeur de Paris (au Conservatoire régional de Paris)
1998 : résidence à l'Opéra de Rouen Haute-Normandie, création de "Granum Sinapsis" de Pascal Dusapin le 19 septembre à Strasbourg
2003 : Accentus participe à la création de l'opéra de Pascal Dusapin "Perelà, l'homme de fumée" le 24 février à l'Opéra-Bastille (direction : James Conlon)
2004 : une nomination au Grammy Awards pour l'album "Transcriptions", qui a atteint le chiffre de 120.000 exemplaires vendus.
2012 : fondation d'Insula

Accentus a reçu trois Victoires classiques, au titre du meilleur ensemble vocal, en 2002, 2005 et 2008. Dès l'année suivante, cette catégorie était supprimée... Hélas.

> Le site web de Laurence Equilbey
> Le site web d'Insula
> Le site web d'Accentus
 

Les musiciens cités par Laurence Equilbey
> Pablo Casals, violoncelliste et chef d'orchestre espagnol (1876-1973)
> Nikolaus Harnoncourt, chef d'orchestre autrichien né en 1929
> Claudio Abbado, chef d'orchestre italien né en 1933
> Eric Ericson, une référence pour la musique de choeur, il est né en 1918, Suède

> Hommage : Accentus et Brigitte Engerer à la Cité de la Musique le 5 mars 2011

Le combat pour la parité hommes-femmes dans la culture
> Le site de la SACD, Société des auteurs compositeurs dramatiques
> "Trop peu de femmes dans le spectacle vivant", combat de la SACD et de Laurence Equilbey


Plus de vidéos pour les amateurs !


Le programme présidentiel de Laurence Equilbey, pour Télérama.fr (février 2012) !


Laurence Equilbey alias Iko et Emilie Simon dans "Remember me" (Purcell), extrait projet "Private Domain" (Naïve, 2009)

Outre sa double casquette de chef de choeur et d'orchestre, Laurence Equilbey s'intéresse de près aux musiques actuelles. Ainsi, en 2009, sous le pseudonyme "Iko" (pour "iconoclaste"), elle a coréalisé un album avec des artistes de la scène électro, "Private Domain".


Une journée avec... Laurence Equilbey (Alain Duault, Marie Guilloux, émission diffusée sur France 3 le 17 décembre 2011)


Laurence Equilbey invitée de "Musique Matin", sur France Musique, pour les 20 ans d'Accentus, par Christophe Bourseiller (15 mai 2012)


Laurence Equilbey invitée de "Femme d'exception", sur France Info, par Céline Baÿt-Darcourt  (29 mai 2011)


Interview de Laurence Equilbey par Antoine Pecqueur : Accentus et la musique contemporaine (Paris, novembre 2010) : à propos des compositeurs Philippe Manoury et Bruno Mantovani


Laurence Equilbey, invitée de l'émission "V.I.P." sur la chaîne KTO (2 avril 2011)


Extrait promotionnel du DVD "Transcriptions" (2008), mise en image de deux albums à succès

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