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"Orfeo" de Monteverdi : une nouvelle adaptation jeune et jubilatoire, entre opéra et théâtre

Une adaptation d'Orfeo, jouée jusqu'au 5 février au théâtre des Bouffes du Nord à Paris, propose une version ludique, jeune et surtout grand public de l'opéra de Monteverdi.

Article rédigé par franceinfo, Thierry Fiorile
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Scène d'Orfeo, par la compagnie La Vie brève. (JEAN-LOUIS FERNANDEZ)

Voilà un excellent moyen d'appréhender l'opéra sans crainte d'être écrasé par les codes et le faste de l'art lyrique. Orfeo, je suis mort en Arcadie au théâtre des Bouffes du Nord à Paris, propose une adaptation de cet opéra. Il s'agit bien sûr d'opéra, mais tout autant de théâtre. Une version très jeune et jubilatoire du chef d'oeuvre de Monteverdi.

Un mythe arrangé en joyeux foutoir

La compagnie La Vie brève, qui propose cette adaptation, et ses deux chefs de bande, Jeanne Candel et Samuel Achache, ont inventé un style, une façon d'adapter les grands opéras. Déjà, avec Didon et Enée, un crocodile trompeur, récompensé du Molière du meilleur spectacle musical en 2014, ils amenaient Purcell sur des rives bien éloignées du baroque.

Là, ils s'attaquent à ce qui est considéré comme le premier opéra de l'histoire, en 1607. Ils sont 14 sur scène, aussi brillants comédiens que musiciens ou chanteurs et, à première vue, c'est le foutoir.

Le mythe grec d'Orphée, qui va perdre deux fois sa bien aimée Eurydice, est passé à la moulinette d'une troupe qui, entre deux grands airs lyriques, propose un théâtre drôle et poétique, souvent absurde, comme la scène où Charon tente d'expliquer au Cerbère, qui garde les enfers de ses trois têtes canines, pourquoi on ne le nourrit pas. C'est déroutant, très accessible, fragile aussi.

Un résultat certainement dû à une méthode de travail bien particulière, comme l'explique Jeanne Candel, la metteuse en scène : "On pose des questions à tous les acteurs, musiciens et chanteurs du projet. On les provoque et ils nous répondent par des matériaux, des arrangements, des scènes, des improvisations... C'est un va-et-vient, c'est du rebond entre nous et eux, ce qu'on leur demande, ce qu'ils nous répondent. C'est très empirique, on essaie de faire feu de tout bois et d'avancer ensemble."  

Un opéra jazzy

Malgré tout, on entend les grands airs d'Orfeo. Les voix sont sublimes, surtout dans la proximité d'un petit théâtre comme les Bouffes du Nord. Les arrangements, eux, sont à l'image de la troupe : contemporains. Certains airs sont soutenus par une partition minimaliste, quelques notes de violoncelle, ou par une fanfare aux couleurs jazzy.

"On était partis sur l'idée qu'on allait travailler une matière plus hétérogène et qu'on prendrait plus de liberté, qu'on mettrait plus de nous, c'est-à-dire de nos origines musicales... Nous sommes des musiciens de jazz donc [nous avons mis du jazz]", explique Florent Hubert, qui a dirigé la partie musicale.

Nous avons voulu oser, parce qu'il nous a semblé que Monteverdi avait lui aussi osé en inventant cet opéra, en rassemblant des styles de musique et des langages assez divers.

Florent Hubert, compagnie La Vie brève

Cette version garde malgré tout le sérieux de l'opéra, car ce travail d'adaptation musicale est considérable, il est au service des parties chantées. Mais le côté ludique est aussi très présent : une chanteuse lyrique en short, un Orfeo en costume de ville qui prépare son mariage, des comédiens en combinaison d'apiculteurs... A priori, c'est décalé, mais c'est directement lié au livret, simplement actualisé.

De cet apparent chaos naît une mélancolie qui souligne les enjeux de l'opéra, sur l'amour impossible ou la force de l'art face à la mort. 

Un "Orfeo" de Monteverdi comme vous ne l'avez jamais vu ni entendu. Thierry Fiorile a assisté à une représentation.

Orfeo, je suis mort en Arcadie, d'après l'opéra de Monteverdi, au théâtre des Bouffes du Nord jusqu'au 5 février et en tournée partout en France.

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