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"Abbey Road" des Beatles fête ses 50 ans : sept choses à savoir sur leur ultime album studio

Le dernier album enregistré par les Beatles au complet fête ses 50 ans ces jours-ci. L'occasion de revenir sur quelques recoins de ce disque légendaire jusqu'à sa pochette.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10 min
The Beatles à New York en 1968 avec, de gauche à droite : Paul McCartney, John Lennon, Ringo Starr et George Harrison. (UPI / AFP)

Pour Abbey Road, les quatre Beatles entrent sans le savoir pour la dernière fois en studio tous ensemble, à l'été 1969. L'entente n'est plus optimale entre Paul, John, George et Ringo, dont la rupture sera consommée fin 1969, mais en studio, la magie opère toujours. Les Fab Four sont en effet conscients de réaliser une pierre essentielle de leur discographie et entendent se surpasser. De fait, ce disque à la pochette iconique et au son moderne sorti le 26 septembre 1969 est un de leurs plus grands succès. Cinquante ans plus tard, le disque fait l'objet d'une réédition avec un mix tout neuf signé Giles Martin, augmenté, pour la version deluxe, de 23 démos et prises rares et inédites. L'occasion de revenir sur quelques détails insolites du making of de ce disque, mais aussi sur les derniers développements qui lui sont liés, dont la révélation d'une cassette d'époque qui bouscule quelques certitudes concernant la rupture des Beatles. 

1Les Beatles y utilisèrent leur tout premier synthétiseur

Après les sessions difficiles de l'Album blanc, pour lequel le légendaire et fidèle producteur des Beatles George Martin avait été mis sur la touche et plus ou moins remplacé par Paul McCartney, George Martin traîne les pieds pour travailler sur Abbey Road. Il n'accepte de revenir qu'à la condition d'avoir le plein contrôle sur le studio comme au début. L'ingénieur du son Geoff Emerick se laisse aussi persuader de revenir. A eux deux, ils parviendront à faire d'Abbey Road un disque au son particulièrement riche et moderne. Mais l'utilisation pour la toute première fois d'un synthétiseur par les Beatles n'est pas étranger à cette impression de son futuriste. Il s'agissait d'un synthétiseur Moog IIIP, qui venait juste de sortir. On l'entend particulièrement sur Here Comes The Sun, Maxwell's Silver Hammer et Because. Mais on l'entend aussi à la fin de I Want You à la demande de John. Il était tombé si amoureux de "ce bruit blanc" qu'il voulut le voir "prendre le dessus et envahir toute la musique" avant de l'arrêter brutalement à la fin de la chanson, provoquant "une impression de manque", rapporte l'ingénieur du son Geoff Emerick dans son livre En studio avec les Beatles (Le Mot et le Reste).

Regardez la toute nouvelle vidéo de Here Comes The Sun, qui nous invite dans les studios Abbey Road avec quelques photos rares


2Un lit avait été aménagé en studio pour Yoko Ono

John Lennon et Yoko Ono sont victimes d'un accident de voiture en Ecosse le 1er juillet 1969. A son retour, après avoir manqué les premières séances d'enregistrement, John fait installer dans le studio, à la surprise de tous, un lit avec draps, couvertures et oreillers pour Yoko Ono, à qui les médecins ont recommandé le repos. L'ingénieur du son Geoff Emerick raconte la scène dans son livre En studio avec les Beatles. Les livreurs de chez Harrods "se mirent à faire le lit d'un air très concentré. Alors, sans prononcer un mot, Yoko s'y installa et arrangea avec soin les couvertures autour d'elle. J'avais passé près de sept années de ma vie dans des studios d'enregistrement et croyais avoir tout vu… mais là c'était le bouquet." D'autant que John demande aussi à installer un micro suspendu au-dessus du visage de son épouse, pour lui permettre de dialoguer et de donner des instructions. Et que, vivant durant des semaines dans son lit, "en chemises de nuit arachnéennes rehaussées d'une tiare impériale", elle attire en permanence une "longue queue de visiteurs et de solliciteurs à son chevet" avec lesquels elle bavarde tandis que divers Beatles enregistrent dans la pièce. 

Yoko Ono et John Lennon en 1969, l'année de leur mariage et de l'enregistrement de l'album Abbey Road des Beatles. (LAWRENCE KIRSCH / MAXPPP)


3Aviez-vous noté le solo à trois sur The End ?

Si l'on excepte Her Majesty, chute de 25 secondes et bonus accidentel, The End porte bien son nom puisqu'il s'agit de la dernière chanson des Beatles parue sur leur ultime album (avant la séparation). Mais elle recèle surtout un festival de solos. D'abord, John Paul et George y croisent le fer pour la première fois sur un solo de guitare à trois. Paul, dont c'est la chanson, prend le premier solo, George le second et John le troisième et dernier. "Pour moi, cette séance a été sans aucun doute le grand moment de l'été 1969, et je n'écoute jamais ces solos de guitare sans sourire", raconte leur ingénieur du son Geoff Emerick. Mais The End recèle encore un autre solo rarissime : celui de Ringo Starr. Grâce aux trésors de persuasion de Paul McCartney et George Martin, lui qui a les solos en horreur depuis toujours, offre en effet aux Beatles le tout premier (et dernier) solo de batterie de toute sa carrière ! 

La fameuse pochette de l'album Abbey Road des Beatles du directeur artistique John Kosh, avec une photo iconique des quatre Beatles prise par Iain Macmillan le 8 août 1969. (APPLE CORPS LTD)

4La pochette la plus parodiée de l'histoire est née dans le rush

Au départ, le directeur artistique d'Apple Records John Kosh pensait travailler sur un album qui s'appellerait Get Back (futur Let it be). Puisqu'il succédait à The Beatles, plus connu sous le nom d'Album Blanc, il voulait une réponse sous forme d'un "Black album" avec des portraits de chaque membre à part sur fond noir. (L'idée sera conservée pour la pochette de Let it be, sorti en mai 1970, après la séparation.) Or, on annonce soudainement à John Kosh qu'il doit faire en urgence une pochette pour un album baptisé Abbey Road dont la sortie est imminente. Dans son souvenir, John Kosh avait deux jours devant lui. Or, le photographe Iain Macmillan (mort en 2006) avait fait six clichés du groupe au mois d'août, marchant sur le passage piéton situé juste devant les studios EMI d'Abbey Road. Il va en retenir un, avant de prendre, dans le rush, une décision capitale : ne mentionner ni le nom du groupe ni celui de l'album sur la pochette et laisser la photo parler d'elle-même. "Je me suis dit voilà les quatre Beatles traversant la rue. Si vous ne savez pas qui ils sont, vous croupissez dans une cave depuis un bail. (…) Je savais qu'il n'y avait pas besoin d'explications", confiait-il récemment au site Forbes. Idée de génie : cette pochette est devenue depuis l'une des plus iconiques et parodiées de l'histoire, notamment par les Red Hot Chili Peppers, par Kanye West et par Paul McCartney lui-même (voir la pochette de Paul is Live ci-dessous). Mais au fait, pourquoi "Macca" est-il pieds nus sur la photo d'Abbey Road ? Selon John Kosh, ses sandales étant trop serrées, Paul les avait ôtées. Le jour du shooting, le 8 août 1969, était particulièrement chaud…  

5 Une webcam est installée sur le passage piétons iconique d'Abbey Road 

Les studios d'Abbey Road, créés par la maison de disques EMI, ont été rebaptisés Abbey Road studios à la suite de l'immense succès du dernier album enregistré par les Beatles. Situés à Londres au 3, Abbey Road, dans le quartier St John's Wood, ces studios, dont les murs couverts de graffitis sont nettoyés régulièrement, ont carrément été classés monuments historiques en 2010. La photo qui orne la pochette de l'album a été prise sur un passage piéton situé en face des studios (à gauche de la photo, dans le dos des quatre musiciens). Un lieu listé ces dernières années dans les guides touristiques parmi les spots londoniens qui méritent le détour. Forcément, il ne se passe pas une heure sans que des fans viennent s'y photographier dans une position similaire à celle des Fab Four sur la pochette iconique. Pour vous en convaincre, une webcam installée sur place permet de surveiller le ballet des touristes 24h sur 24.

Un petit aperçu en time lapse de ce passage piéton iconique


6Maxwell's Silver Hammer, le morceau honni, était inspiré d'Alfred Jarry

Outre-Manche, tous les fans des Beatles le savent : cette chanson écrite par Paul McCartney, la troisième sur l'album, était détestée de pas mal d'auditeurs et en particulier des trois autres Fab Four. John Lennon la qualifiait de "truc de Paul pour grands-mères" et Ringo estimait que cétait "le pire morceaux que nous ayions eu à enregistrer". Ce qu'ils savent moins, c'est que les paroles irritantes à force d'être absurdes de cette chanson à la mélodie désuète, ont été inspirées à Paul par le concept de "pataphysique", philosophie du nonsens et de l'absurde. Un concept imaginé par le poète et romancier français Alfred Jarry, l'auteur d'Ubu Roi, auquel Paul s'intéressait de près. En dépit des critiques, Paul reste fier d'avoir été le premier à accrocher dans les charts une chanson surréaliste contenant dès les premières secondes le mot "pataphysique". Mais c'est aussi le seul titre des Beatles où l'on peut entendre le son d'une enclume censée figurer le "marteau en argent de Maxwell", métaphore des soucis qui surgissent à l'improviste quand tout va bien. Clang clang !

Ecoutez le mix 2019 de la chanson Oh! Darling réalisé par Giles Martin, fils du producteur des Beatles George Martin.


7Révélation : les Beatles avaient prévu d'enregistrer un nouvel album !

Spécialiste absolu des Beatles, l'historien Mark Lewisohn a exhumé tout récemment une cassette enregistrée il y a 50 ans, qui fait vaciller toutes nos certitudes sur la séparation des Beatles. Cette cassette, un journaliste du Guardian l'a écoutée. Nous sommes le 8 septembre 1969, deux semaines avant la sortie d'Abbey Road. John, Paul et George conversent lors d'une réunion chez Apple Records. John, qui a amené un magnéto portable, enregistre pour Ringo Starr, qui se trouve alors à l'hôpital pour des examens. "Ringo, tu ne peux pas être là, mais c'est pour que tu puisses écouter cette discussion", commence John. A l'ordre du jour ? Un projet de prochain album et la sortie d'un nouveau 45T pour Noël. Quoi ? Ne nous a-t-on pas répété depuis 50 ans que les Beatles savaient en l'enregistrant qu'Abbey Road serait leur ultime album et qu'ils voulaient finir en beauté ? Apparemment non. Durant cet  enregistrement, John suggère que chacun propose des chansons pour le single de Noël. Il propose aussi une nouvelle formule pour le prochain album : désormais, lui, Paul et George (qui vient de prouver sur Abbey Road son talent de songwriter avec les deux merveilles Here Comes The Sun et Something) auront chacun quatre chansons et Ringo deux "s'il le souhaite". Enfin, John réclame que les chansons créditées jusqu'alors systématiquement du sacro-saint Lennon-McCartney, soient créditées individuellement à l'avenir. Paul se moque alors de George, déclarant : "Jusqu'à aujourd'hui, je pensais que les chansons de George n'étaient pas si bonnes". Dans les faits, les Beatles ne se sont plus jamais retrouvés ensemble en studio et la séparation survint peu après. Mais cette cassette montre en tout cas que John n'en était peut-être pas le seul responsable et qu'elle fut moins planifiée que prévu.

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