Coup de cœur musical pour le spleen magnétique de Puma Blue avec son nouvel album "Holy Waters"
Si vous ne craignez pas le spleen mis en musique, ne passez pas à côté de Puma Blue. Derrière ce nom de scène énigmatique se cache Jacob Allen, un chanteur, auteur, compositeur et producteur britannique encore largement méconnu. Plus pour longtemps, on l’espère. Auteur depuis 2017 de deux splendides EP (écoutez Want Me) et d’un ravissant premier album Praise of Shadows publié en 2021, il n’a cessé d’évoluer et d’affiner son art, entre "bedroom pop" et jazz. Originaire du nord de Londres, il s’est installé il y a deux ans à Atlanta. Cette expérience et son nouvel environnement ont enrichi d’autant sa palette, comme on le constate sur son second album, l’hypnotique Holy Waters sorti vendredi 1er septembre. Ce disque développe un onirisme noir, intense et crépusculaire, absolument irrésistible.
Voix de velours, chansons d'écorché vif
Ces onze chansons, d’une beauté et d’une délicatesse rares, ont été composées et enregistrées en s’approchant le plus possible des conditions du live, en compagnie de son groupe de scène (Harvey Grant au saxophone et aux claviers, Cameron Dawson à la basse et Ellis Dupuy à la batterie), lui-même assurant la guitare, les bruitages, la production et le chant.
La dynamique du live irrigue avec subtilité ces climats feutrés, écrins de choix pour sa voix d’écorché vif. Une voix soyeuse, jamais monotone, qui évolue de la caresse au falsetto et du murmure à la plainte pour épouser les sentiments qu’il exprime, entre désolation et lumière. Pour vous situer, on pense à Jeff Buckley, à Thom Yorke et à Beth Gibbons de Portishead.
Improvisations heureuses
L’esprit du live donne également lieu à des accidents heureux, une spontanéité voulue par l’auteur qui a privilégié cette fois les prises entières plutôt que les collages minutieux auxquels il s’adonnait auparavant. À cet égard, Gates (Wait For Me), placé au cœur du disque, est un véritable joyau. Démarré de façon dépouillée voix et guitare, ce morceau se déploie lentement et se mue dans sa seconde partie en une improvisation instrumentale à la fois funèbre (le riff de guitare, lugubre) et vibrante de sève (le piano), qui donne le frisson.
Holy Waters, dont les guitares sont parfois au bord de dérailler, n’en est aussi que plus poignant. Quant à la basse rampante et aux petites touches de saxophone envoûtantes de Hounds, elles rendent instantanément l’air plus dense, un effet dont Massive Attack est passé maître. S'il ne faut pas chercher les tubes (Pretty est ce qui s'en approche le plus), aucun titre pâlot ne vient ternir ou affadir l'ensemble : une admirable tension court tout du long.
Hanté par la mort
Les paroles de cet hypersensible sont hantées par la mort et les fantômes, notamment ceux de sa mère (Too Much, Too Much) et de sa grand-mère (Ephitaph), et à chaque phrase rôde l'ombre de proches disparus (Mirage, Gates (Wait For Me). Tristes et majestueuses, ces chansons remuent en profondeur. Bien qu'elles menacent régulièrement de nous précipiter malgré nous dans des abîmes de chagrin, elles parviennent aussi à apaiser, à consoler. Car le sentiment de proximité que Puma Blue parvient à instaurer avec l’auditeur, cette sorte d’intimité nocturne où l'on se livre comme jamais et où les heures ne comptent plus, est une autre qualité majeure de cet album.
"Le message de l’album est que la mort est difficile mais qu’elle n’est qu’une composante de la vie", résume Jacob Allen.
En bon alchimiste romantique, ce tourmenté parvient à changer le plomb de la dépression en pur diamant musical, avec une classe folle. Si l’on devait réaliser un clip pour ses merveilles, on convoquerait les contes : son verbe se manifesterait à l’image en un jet de gemmes étincelantes, de perles et de fleurs en couleurs chaque fois qu’il ouvrirait la bouche. Tout autour régneraient les ténèbres.
Holy Waters de Puma Blue (PIAS) est sorti vendredi 1er septembre 2023
Puma Blue est en concert le 9 septembre à Paris (La Maroquinerie), le 10 septembre à Tourcoing (Le Grand Mix) et le 13 septembre à Bruxelles (Botanique).
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