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La musique d'Ali Farka Touré merveilleusement réactualisée sur l'album "Ali" de Vieux Farka Touré et Khruangbin

Le fils du Malien Ali Farka Touré, lui même guitariste et chanteur accompli, s'est allié au trio texan Khruangbin pour rendre hommage à son père sur cet album rassembleur et apaisant. 

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le musicien et chanteur malien Vieux Farka Touré avec le trio texan Khruangbin (le guitariste Mark Speer, toujours perruqué en public, tout comme la bassiste Laura Lee Ochoa, et à droite le batteur Donald Johnson). (DEAD OCEANS)

Faut-il encore présenter l’immense guitariste africain Ali Farka Touré ? Disparu en 2006, ce héros national au Mali est connu dans le monde entier pour ses collaborations avec Ry Cooder et Toumani Diabaté et pour son blues singulier infusé de tradition ouest-africaine, surnommé le blues du désert.

Son fils Vieux Farka Touré, qui a pris la relève, souhaitait lui rendre hommage sur un album en reprenant certains de ses classiques et cherchait un groupe pour l’épauler dans cette tache. Sur les conseils de son manager, ce guitariste accompli est allé voir Khruangbin en concert et l’affaire s’est scellée à Londres en un temps record.

Khruangbin, ce modèle de cosmopolitisme 

Fort de trois albums parus depuis 2015, dont le formidable Mordechai en 2020, le groupe texan Khruangbin (qui signifie "avion" en thaïlandais) a connu pour sa part une ascension fulgurante ces dernières années dans le sillage de ses tournées internationales. Constitué de Mark Speer à la guitare, de Laura Lee Ochoa à la basse et de Donald Johnson à la batterie, le trio brasse de nombreuses influences venues aussi bien de la funk thaï et du dub que du psychédélisme et des musiques latines - on les a vus en avril dernier à l’Olympia reprendre à leur sauce avec une fluidité folle aussi bien Gainsbourg que Snoop Dogg, Chris Isaak et le thème de Midnight Express, dans un exercice espiègle façon blind-test.

"Pour moi, la musique est magique, elle est spontanée, c'est l'énergie entre les gens", dit Vieux Farka Touré dans le communiqué de presse. "Je pense que Khruangbin comprend très bien cela."

Huit relectures de chansons d'Ali Farka Touré

Enregistré en une semaine en 2019 lors de sessions live proches de l’improvisation dans la grange de Khruangbin au Texas, l’album Ali, fruit de leur collaboration, est une petite merveille. Il est constitué de huit reprises, choisies soigneusement par Vieux dans le répertoire de son père, des plus connues comme Diaraby et Savane, aux plus obscures tels Alakarra. Mais il s’agit davantage de réécritures que de reprises à proprement parler. Comme l’explique Khruangbin à la BBC, Vieux les a fait travailler en aveugle, ne les informant jamais à l’avance des titres qu’ils allaient jouer, afin de permettre aux Texans de suivre leur instinct en toute liberté.

Sur le titre d’ouverture Savanne, dans lequel il réimaginent Savane (avec un seul n) sorti sur le dernier album d’Ali Farka Touré en 2006, la six cordes de Vieux répond au rythme reggae-dub des Texans, offrant au morceau une nouvelle profondeur et une amplitude remarquable. Diarabi, un titre du célèbre album d’Ali Farka Touré avec Ry Cooder Talking Timbuktu (1994), est ici métamorphosé, avec ses chœurs enjôleurs, en une chanson douce et sensuelle. Sur le très dansant Tongo Barra, le chant dynamique en dialecte songhai de Vieux est porté par les motifs de blues enjoués de Mark Speer pour un résultat joueur et voluptueux. Quant à la sécheresse bienheureuse de Lobbo, elle devient ici un bijou où les riffs des deux guitaristes s’entremêlent et dialoguent avec des chants d’oiseaux.

Laura Lee Ochoa et Mark Speer de Khruangbin en concert au Golden Gate Park de San Francisco (Californie, Etats-Unis), le 29 octobre 2021. (JEFF KRAVITZ / FILMMAGIC, INC / GETTY IMAGES)

La formule magique de Khruangbin

Ali remet donc la musique d’Ali Farka Touré au goût du jour, comme le souhaitait son fils, tout en trempant le son si caractéristique de Khruangbin aux sonorités de l’Afrique de l’Ouest. La guitare virtuose et le chant malien de Vieux Farka Touré s'accordent parfaitement avec le sens de l’espace et l’appétit cosmopolite des Texans. C’est un album réalisé "dans un esprit ouvert à l’expérimentation, tout en s’appuyant sur la culture africaine, la source", explique Vieux à la BBC. "C’est différent et nouveau mais aussi familier et universel."

Comme sur tous ses projets, Khruangbin réussit une nouvelle fois à tisser une musique envoûtante sur coussin d’air, si rêveuse et lumineuse qu’on n’est pas loin de penser que le trio texan détient la formule magique du son "feel good". Quoi qu'il en soit, la grande vérité galvaudée selon laquelle la musique est un langage universel est ici vérifiée: Khruangbin et Vieux Farka Touré ne parlent pas la même langue mais dialoguent divinement sur ce disque avec leurs instruments.

"Ali" de Vieux Farka Touré et Khruangbin (Dead Oceans) sort le 23 septembre

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