Myth Syzer : 4 bonnes raisons d'ouvrir les bras à son album "Bisous"
On le sait, le rap est en passe de dominer la nouvelle chanson française. Mais le rap traîne encore avec lui un univers de bad boys, de durs à cuire aux sourcils froncés. Si la vulnérabilité a désormais droit de cité, on parle encore rarement d'amour avec franchise dans le rap, déplore Myth Syzer, 28 ans. Avec son premier album "Bisous", le producteur originaire de La Roche-Sur-Yon pulvérise les dernières fausses pudeurs : il se met au chant et se roule dans le sentiment et le sirop, aussi bien textuellement que musicalement.
Son objectif revendiqué : relier les gens qui écoutent du rap à ceux qui écoutent de la variété. Avec comme modèle absolu "Première Consultation", l'album de Doc Gynéco sorti en avril 1996, il y a 22 ans. Il s'en approche de près tant ses love songs mêlant rap et chanson, douceur pop ensoleillée et groove électroniques R&B, séduisent immédiatement. Mais avec ses mots doux, son second degré, ses refrains obsédants, pas un gros mot à l'horizon et si peu pour écorcher les oreilles les plus tatillonnes, il vise encore un cran au-dessus du Doc : l'universalité. On parie sur son succès. Parce que, franchement, on n'aurait jamais imaginé se laisser vamper si facilement par des titres aussi mielleux. On le sent, son triomphe n'est qu'une question de mois. A la rentrée, l'été passé, tout le monde connaîtra au moins un de ses hymnes.
L'album débute sur coussin d'air au piano avec "Cœur brisé", une chanson d'amour dans laquelle Myth Syzer assure être toujours "deep in love" de sa chérie. De fait, la thématique sentimentale et sensuelle court tout du long de ce premier album, né précisément durant et après une rupture. Séduction, désir, amour, séparation, manque, regrets : la pelote romantique se déroule de "Cœur brisé" à "Poto", de "Sans toi" à "Coco Love". Pour autant, rien n'est jamais tout à fait grave ici et l'on touche rarement terre dans cette virée à cœur ouvert, légère et cotonneuse. Le résultat : des productions françaises de grande qualité qui n'ont rien à envier à la première division américaine - même si les paroles, elles, laissent encore à désirer.
Mais comment un producteur connu jusqu'ici pour fournir ses instrus sombres à des rappeurs comme Damso, Jok'Air ou Hamza, a-t-il soudain basculé du côté romantique de la force ? Le déclic a été "Le Code", une chanson livrée l'été dernier un peu à tâtons et qui a plu au-delà des espérances (un million de vues sur YouTube). Epaulé de Bonnie Banane, Ichon et Muddy Monk, Myth Syzer y changeait radicalement de style musical et osait pour la première fois chanter. "Allo mon amour, je suis dans votre cour, donne-moi le code du bâtiment mon amour, je te ferai la cour, oui tous les jours, je te ferai l'amour mon amour mon amour", roucoulait le refrain en apesanteur de ce hit langoureux que l'on retrouve sur "Bisous". Ce renouvèlement risqué lui a porté chance et l'a inspiré. Un projet de EP quatre titres prévu dans la foulée s'est alors transformé en album.
Un peu lassé du rap après dix ans dans le "game" – une production pour "Vodka Redbull" de La Fouine, alors qu'il n'avait que 17 ans lui avait mis le pied à l'étrier - il a eu récemment envie d'aller voir ailleurs. L'occasion d'aller tendre l'oreille du côté de la chanson française, celle d'Etienne Daho, Laurent Voulzy, Alain Souchon ou Bernard Lavilliers. Ces références se mêlent dans "Bisous" à ses amours de jeunesse, Dr Dre, Eminem et Snoop Dogg mais aussi Doc Gyneco, Mc Solaar et Alliance Ethnik. Et au choc majeur que fut la découverte ultérieure du producteur culte de Detroit J Dilla disparu prématurément d'une maladie rare du sang en 2006. Le nom Myth Syzer est d'ailleurs un clin d'œil au titre "Mythsysizer" de J Dilla.
Tout en étant moderne, et même pile poil dans l'époque, son recentrage fleure bon la nostalgie d'un temps révolu, entre années 80 et 2000, ces dernières étant considèrées par lui comme un indépassable "âge d'or" musical. Un regard dans le rétro que viennent surligner les visuels kitsch (pochette et clip de "Le Code") orchestrés par Julia et Vincent, et leur esthétique second degré à grands renforts de tons pastels et de halos, digne des sitcoms les plus mièvres.
Avant même d'être producteur, Thomas (le vrai prénom de Myth Syzer) est un gars toujours à l'avant-garde, en alerte sur les nouveautés musicales, le genre à dégoter avant tout le monde les perles de demain. Le casting de son premier album "Bisous" en est le reflet. Excepté l'invité de marque Doc Gyneco, venu poser sur "La Piscine", et quelques figures du rap comme Roméo Elvis, Hamza et Jok'Air, les featurings de "Bisous" comptent beaucoup de noms en devenir. Comme le chanteur et producteur suisse Muddy Monk ou les rappeurs Loveni et Ichon avec lequel Myth Syzer compose le collectif Bon Gamin.
Mais surtout de nombreuses voix féminines, de l'imprévisible chanteuse de R&B Bonnie Banane à la prometteuse franco-américaine Lolo Zouaï, de Clara du duo Agar Agar à la chanteuse et productrice française Oklou, en passant par la délicate Aja, repérée chez La Femme. Car Myth Syzer tenait beaucoup à offrir à ses bluettes des points de vue féminins.
L'avenir ? Myth Syzer y pense déjà. Il aimerait chanter davantage et peaufiner son écriture pour proposer plus que les quelques refrains et gimmicks qu'il s'offre sur "Bisous" entre deux interventions de ses invités. Un nouvel album est déjà quasi bouclé, assure-t-il. Un disque différent, plus rentre-dedans et moins poli, dont le lascif "Ouais bébé", 13e et dernier titre de "Bisous", est censé offrir un avant-goût. En attendant, la scène est son prochain challenge. Pas simple pour ce beatmaker de l'ombre de devoir assurer soudain en pleine lumière. Myth Syzer y travaille et a déjà recruté un groupe (basse, batterie, claviers) en vue du festival parisien We Love Green où il est attendu le 3 juin. On compte sur sa nombreuse famille d'invités pour venir renforcer les quatre coins du filet de sécurité. Hâte.
Myth Syzer a sorti l'album "Bisous" (Believe/Animal 63) le 27 avril
Myth Syzer est en concert à Paris (Vincennes) au festival We Love Green le dimanche 3 juin 2018, ainsi que le 15 juin au festival Marsatac.
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