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On y était : Tobias Jesso Jr à la Gaîté Lyrique

En se rendant au véritable premier concert en France de Tobias Jesso Jr, auteur d’un merveilleux premier album de pop dépouillée paru en mars, on aurait pu envisager d’être submergée au point, peut-être, de verser une larme à l’écoute de ses chansons sentimentales. On a effectivement pleuré, mardi soir, à la Gaîté Lyrique. Mais de rire !
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Tobias Jesso Jr le 6 mai 2015 sur scène à Londres.
 (LNP/REX Shutterstock/SIPA)

Qui l’eut cru ? Sous le songwriter suave se cachait un candidat au stand-up comedy club

Le Canadien, phénomène pop en devenir à l’énorme potentiel, débarque à l’improviste sur scène, et si ce n’était son visage juvénile fendu d’un large sourire, rien dans son look ne le distingue d’un roadie de scène venu effectuer les derniers réglages. 
 
Plutôt que de s’installer derrière le piano noir qui trône sur l’estrade, il se dirige vers une guitare acoustique abandonnée en bord de scène par Flo Morrissey qui assurait la première partie et bredouille quelques mots avant de s’attaquer à "The Wait". La voix est aussi claire que sur la version disque de cette adorable bluette. Avant d’avoir eu le temps de dire ouf, Tobias plie ses deux mètres de hauteur et ses longues jambes derrière le piano pour un "Can We Still Be Friends" impeccable,  toujours seul. "Oh non, tout le monde me regarde, je ne peux pas me planquer", remarque-t-il, hilarant.


 

Seul sur scène tout du long

Grand timide, peu rompu à la scène (il a donné jusqu’à présent moins d’une dizaine de concerts, dont un de 30 mn au dernier Pitchfork festival parisien), Tobias Jesso Jr, 29 ans, masque son trac sous une proximité volubile avec le public.
 
Pour introduire "True Love", il souligne que ce titre n’est pas sur l’album et rebondit sur une réflexion d’un spectateur selon lequel "il aurait mérité d'y être". "Oui je suis d’accord mais ce n’était pas mon choix", répond le musicien, s’interrompant au piano. Et de raconter à l’assistance, sur un ton amusé, qu’il avait écrit 44 chansons pour son premier album "Goon", paru en mars, et que le choix final est revenu aux producteurs.
 
En revanche, c’était bien son choix de jouer seul sur la tournée. "Je ne serai pas accompagné", nous avait-il expliqué en janvier. "Je sais que ce serait plus impressionnant d’être entouré d’un groupe, mais je ne veux pas que cela me définisse. Je veux que mon album et mes concerts soient centrés sur mes chansons."


Trac, pudeur et timidité

Mélange d’embarras et d’assurance, Tobias manifestera tout du long ce soir un talent insoupçonné d’amuseur public, qu’il ne semble pas vraiment maîtriser, et dont il a sans doute sous-estimé les effets comiques. Il y a là clairement une forme de pudeur et de timidité. Et une façon très efficace de désamorcer l’émotion que dégagent ses chansons touchantes.
 
Impossible en effet de se laisser aller au romantisme face à ce garçon facétieux en sweat-shirt informe roulé jusqu’aux coudes qui s’interrompt entre chaque titre, pour lancer des "voyons voir ce que j’ai en magasin ?", comme s’il venait improviser deux ou trois chansons sur un coin de piano à une fête entre copains. Toutefois, si ces interruptions entravent la fluidité du show, ses plaisanteries n'altèrent en rien la qualité remarquable de ses oeuvres ni leur interprétation, résolument impeccable.

 



La magie affleure, entre deux blagues

 En fait, Tobias est "mort de trouille", comme il l'avoue avant "Bad Words". Pourtant, il faut du cran pour apparaître aussi à poil sur scène, comme sur le très Lennonien "Just a Dream", dont la délicatesse nous avait foudroyée sur sa première démo et qui prouve encore sa magie ce soir, toute nue, sans les cordes de la version album.
 
Roi de l’auto-savonnage de planche, ce mélodiste surdoué sabote ensuite consciencieusement la fin de "Hollywood" en reproduisant avec un bruit de bouche tordant les cuivres qui concluent ce titre sur l’album, résultat d’une heureuse improvisation en studio. Puis nous informe avant "Without You" que "le type qui figure dans le clip (ci-dessus) est le nouveau mec de mon ex. J’étais au mariage, vous imaginez l’ambiance !" Fou rire garanti.
 
Après nous avoir gratifié d’une première scénique pour "Crocodile Tears" et d’une reprise de "Georgia on My Mind", le musicien prévient que le concert tire à sa fin et qu’il ne fait jamais de rappel. "Du coup, les gens applaudissent pendant 10 mn dans le noir ou bien je reviens et ils sont tous en train de boire un coup.  Alors quand je dis c’est la dernière, c’est la dernière un point c’est tout."
 
Il revient pourtant, aimanté par le sentiment "de culpabilité" face au chahut du public qui en redemande après ces curieuses 60 mn de concert en dents de scie. Et offre une dernière pirouette poignante, un inédit à la guitare "sur ma mère (et son cancer), où il est surtout question de moi", à l’issue duquel Tobias se sauve et ne revient pas. Il y a encore du chemin avant de pouvoir tenir les stades, mais sa voix et son jeu passent parfaitement l’épreuve de la scène, y compris en version solo dépouillée, terriblement casse-gueule. Quant à son auto-dérision permanente, elle nous a rassuré sur son intégrité et sa sincérité. Survivront-elles aux requins de Hollywood ?
 
La setlist :
 
The Wait
Can We Still Be Friends
True Love
Bad Words
Just a Dream
Tell The Truth
Hollywood
Thirteen (reprise de Big Star)
Without You
Can’t Stop Thinking About You
Crocodile Tears
Georgia on My Mind (reprise)
How Could You Babe
Inédit

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