Qui sont les fans qui restent habités par Tokio Hotel ?
Le groupe de rock allemand, qui rassemblait des miliers d'ados au milieu des années 2000, donne deux concerts en France cette semaine. Franceinfo a rencontré ces admirateurs qui n'ont pas laissé tomber le quatuor, même s'il est passé de mode.
"Il pleut un peu, mais on tient le coup !" Malgré une météo capricieuse en ces premiers jours de printemps, Julia patiente dans la bonne humeur depuis 9h30. Car dans quelques heures, mardi 21 mars, cette étudiante en école de commerce de 23 ans va retrouver sur la scène de l'Olympia, à Paris, son groupe fétiche depuis "dix ans, au moins" : Tokio Hotel.
A l'occasion de la sortie, début mars, de leur nouvel album, Dream Machine, le groupe de pop-rock allemand, qui s'est fait connaître en Europe au milieu des années 2000, mais qui peine à retrouver le même succès (seules 6 300 personnes se sont procuré leur précédent opus Kings of Suburbia, en 2014, selon Le Figaro), s'est lancé dans une tournée mondiale.
Leur passage en France compte deux étapes : Paris, donc, et le Transbordeur de Lyon, mercredi. Des salles moins grandes que les Zéniths que le quatuor remplissait à toute vitesse il y a une dizaine d'années. Mais ces deux rendez-vous donnent l'occasion pour la formation du chanteur Bill Kaulitz, dont le look androgyne-gothique semblait à l'époque tout droit sorti d'un manga, de retrouver un public d'inconditionnels passé, pour la plupart, de l'adolescence à l'âge adulte. Franceinfo a interrogé une poignée de ceux qui n'ont pas lâché l'affaire.
Des textes sur l'acceptation de soi marquants
"Je devais avoir 14 ans quand je les ai découverts, raconte Julia à franceinfo. Je passais du temps en ligne sur des forums consacrés à la musique quand je suis tombée sur eux. J'ai tout de suite accroché au fait qu'ils chantaient en allemand, je trouvais cela rafraîchissant." Les thèmes évoqués par le groupe résonnent chez la jeune femme, qui vit alors à Lyon.
Leurs chansons parlaient de mal-être, du fait de ne pas se sentir accepté tel que l'on est. Je n'étais pas bien dans ma peau à l'époque, et leur musique m'a apporté un soutien que je ne trouvais nulle part ailleurs.
Julia, fan de Tokio Hotelà franceinfo
Anouck ne dit pas autre chose. Aujourd'hui âgée de 23 ans, elle raconte avoir découvert le groupe alors qu'elle rendait visite à sa grand-mère allemande, il y a onze ans. "Durch den Monsun passait à la radio. Ma grand-mère m'a aidé à traduire les paroles, se souvient avec gourmandise celle qui travaille aujourd'hui en alternance au sein du département communication d'un laboratoire pharmaceutique. Non seulement leurs textes sur l'acceptation de soi parlaient à l'ado ronde que j'étais, mais, en plus, ils étaient particulièrement beaux gosses. Et ça, ça comptait à l'époque !"
"Tous mes amis du collège étaient fans !, renchérit John, 24 ans, qui a découvert Tokio Hotel en 2007 à la télévision grâce au clip de Übers Ende der Welt. En pleine crise d'adolescence, j'y suis allé à fond dans le cliché : posters sur les murs, look gothique... J'ai même choisi allemand en LV2 grâce au groupe, comme la moitié des gens de ma classe", se marre ce Rennais devenu graphiste. Une passion qui lui a valu pas mal de moqueries.
Aujourd'hui, il y a peut-être 20% de mecs parmi le public de Tokio Hotel. Mais il y a dix ans, c'était plutôt du 5%, contre 95% de filles ! On les présentait comme un boys band entouré de groupies.
John, fan de Tokio Hotelà franceinfo
"A 20 ans, je vivais le phénomène comme ma sœur de 13 ans"
Cette admiration n'était pas forcément évidente à vivre non plus pour Audrey. Elle n'aime pas se qualifier de "groupie", mais concède avoir traversé une période d'"idolâtrie". Cette nourrice à domicile aujourd'hui âgée de 30 ans faisait presque figure d'ancêtre dans la foule d'adolescentes qui se pressaient dans les fosses des salles de concert d'Europe au milieu des années 2000. "J'avais beau avoir 20 ans à l'époque, je vivais le phénomène comme ma petite sœur de 13 ans. J'achetais tout : CD, posters, DVD."
Nancy, Bercy, Parc des Princes, Essen (Allemagne)... Accompagnée de sa cadette, Audrey a vu Bill et sa bande sur scène à une dizaine de reprises. "Une fois, nous avons dormi deux soirs de suite devant une salle de concert pour être sûres d'être bien placées, sourit-elle. C'était parfois assez hard, mais aucune autre expérience n'aurait pu nous souder comme cela."
Tous les fans interrogés n'apprécient pas de la même manière le virage pris par le groupe vers des sons plus électroniques, à l'image de leur dernier single, What If.
Leur musique actuelle n'a vraiment plus rien à voir avec ce qu'ils faisaient il y a dix ans. Et je trouve cela très bien ! On a grandi, eux aussi. Mon style a évolué en même temps que le leur.
Julia, fan de Tokio Hotelà franceinfo
"Les textes du dernier album, Dream Machine, évoquent le fait de repartir de zéro, de créer quelque chose de nouveau après avoir tout vécu trop vite... C'est très autobiographique, explique John. Cela me parle sans doute un peu moins qu'à l'époque, mais je crois qu'ils pourraient évoquer n'importe quel sujet, ça me plairait quand même !"
Des packs VIP pour les concerts à 3 000 euros
Un sujet froisse toutefois la plupart des fans interrogés : les packs VIP vendus à prix d'or. Le forfait le moins onéreux coûte 72 euros, tandis que le pack "Dream Machine" grimpe à 3 000 euros. A ce prix, le fan fortuné a droit à une arrivée au concert en limousine, une nuit dans le même hôtel que les stars, une entrée dans les loges et un verre partagé avec le groupe.
"J'ai acheté le pack 'Scream', qui permet de voir la fin des répétitions, et de prendre une photo de groupe en compagnie de tous ceux qui l'ont également acheté, explique Audrey. Cela me coûte 72 euros, auxquels il faut rajouter le prix du billet d'entrée pour le concert."
Je n'aime pas qu'ils se fassent de l'argent ainsi, car on n'est pas toutes sur un pied d'égalité. Il y a des centaines de filles qui pleurent parce qu'elles n'ont pas les moyens de s'offrir ces packs.
Audrey, fan de Tokio Hotelà franceinfo
"C'est une logique très commerciale, qui s'explique sans doute par le fait qu'ils vendent moins de disques qu'il y a dix ans. Mais cela leur permet aussi d'éviter l'hystérie des fans que l'on voyait lors des premières tournées", tempère Anouk. L'étudiante en communication a déboursé 200 euros, plus le prix du billet, pour avoir droit à une photo seule avec le groupe. "Des copines paient ce prix plusieurs fois pendant la tournée, mais pour moi ça sera juste une fois, assure-t-elle. J'ai grandi : maintenant, je suis la force tranquille !"
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