À Marseille, huit rappeuses prennent le pouvoir en remixant le tube "Bande Organisée" de Jul
Si l’original compte aujourd’hui plus de 210 millions de vues, le remix a déjà dépassé le million de vues. Un coup de boost pour mettre en lumière le rap féminin, trop ignoré selon elles.
C'est une nouvelle petite bande organisée qui a vu le jour à l'automne 2020 dans les quartiers de Marseille. Une chouette équipe de huit rappeuses bien décidées à se faire entendre. Et pour se faire connaître au-delà de la cité phocéenne, les huit copines ont décidé de remixer Bande organisée, produit par Jul et son équipe qui a cartonné tout l'été avec plus de 210 millions de vues. "C'était pour faire du buzz donc c'était un coup de pub assumé", assure Tehila Ora, du groupe Bonnie.
Les femmes trop invisibles dans le rap
Comme dans le clip d'origine de Jul, la nouvelle version de Bande organisée (1,1 million de vue sur YouTube) rassemble huit artistes de la scène rap. "Nous sommes huit personnes d'origine différentes, on est cosmopolites, on représente bien Marseille", rapporte Tehila Ora. Durant six minutes, Saaphyra, Veemie, Lil So, Ladyland, Léna Morgan, Mina West, Mely et elle-même s'emparent chacune d'un couplet et chantent en coeur le refrain avec énergie et beaucoup d'humour.
On nous a souvent dit que les femmes devaient être à la cuisine, et du coup moi j'ai eu envie de les cuisiner
Saaphyrarappeuse, membre du groupe Bonnie
Une version 100% féminine qui porte plusieurs messages et deux objectifs : changer l'image de la femme véhiculée dans les clips de rap et la replacer au centre de la création.
Le regard franc et une volonté de fer, des punchlines foncièrement féministes, pas étonnant que Saaphyra revendique son inspiration chez Diam's, la grande soeur du rap. "C'est mon exemple, dans son côté militant", assure la rappeuse avant d'ajouter, "nous aussi on est des bonshommes mais on ajoute une touche de sensibilité".
Pour Veemie, ce projet est aussi l'occasion d'envoyer valser le rap qui dénigre l'image de la femme. "J’aime bien mettre mes atouts en valeur et c'est une manière pour moi de m'affirmer et de contrôler mon image. Parce qu'en tant que femme noire, j'ai été un peu sexualisée, animalisée sans mon consentement, sans que j'aie à dire quoi que ce soit. Du coup, c'est une manière pour moi de prendre le contrôle", rapporte Veemie.
Écrire la suite avec Bonnie
Si les filles se sont amusées à reprendre le titre mythique de Jul, aujourd'hui l'objectif est de dévoiler leur univers personnel, mais aussi à travers un nouveau projet. C'est d'ailleurs dans le décor de leur deuxième clip qu'on les retrouve. Un décor qui rappelle étrangement le bureau du film Scarface. "On est des femmes d'affaire, on travaille énormément que ce soit dans nos vies personnelles et dans la musique, on fait beaucoup de choses à la fois et on le vaut bien", assure la chanteuse Tehila Ora.
Cette unité soudaine entre rappeuses, c'est aussi un coup de boost personnel pour leurs carrières. Lil So, la cadette du groupe, a connu la galère de la rue. Elle voit le rap comme un exutoire pour exprimer toutes les violences qu'elle a vécues à La Castellane. Aujourd'hui, elle vient tout juste de signer sur le label 13ème art.
Je parle plus de la rue, d'où j'ai grandi, des choses que j'ai pu voir et voilà, ça fait ma force aujourd'hui
Lil Sorappeuse
Toutes ont des messages à faire passer, toutes veulent plus de femmes médiatisées. De quoi inspirer Mina West pour la création du collectif Bonnie à Marseille. "J'ai remarqué qu'on n'avait pas soulevé qu'un mouvement au niveau artistique, on a vraiment soulevé un mouvement au niveau féminin. Ce collectif rassemble les femmes qui font quelque chose de leurs mains, des femmes indépendantes", explique la jeune artiste. Et comme dirait Lena Morgane, "à Marseille, les madames prennent la relève !".
Voir cette publication sur Instagram
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.