Cet article date de plus de dix ans.

Apple rachète Beats de Dr Dre, qui devient le plus riche des rappeurs

C'est désormais acté : Apple s'offre Beats Electronics, connu pour ses casques audio estampillés Dr Dre et pour son nouveau service de musique en ligne par abonnement, Beats Music. Le groupe à la pomme va débourser au total 3 milliards de dollars pour cette acquisition qui sera bouclée fin septembre. L'opération, qui fait de Dr Dre le rappeur le plus riche du monde, laisse les analystes sceptiques
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Jimmy Iovine et Dr Dre fondateurs en 2006 de Beats Electronics (ici en février 2013).
 (Todd Williamson / AP/Sipa)

Beats Electronic a été co-fondé en 2006 par Dr Dre et Jimmy Iovine, producteur et patron du puissant label Interscope (filiale de Universal). Les deux hommes font partie de la corbeille de mariage, même si leurs fonctions futures chez Apple restent encore floues pour l'instant. Selon le Wall Street Journal, ils devraient s'occuper à la fois des produits électroniques et des activités de streaming musical.

Dr Dre crève le plafond des revenus pour un rappeur
Comme il s'en était vanté lors des premières rumeurs de rachat il y a trois semaines, le rappeur et producteur Dr Dre, 49 ans, devient "le premier milliardaire du hip hop".  Forbes a calculé mercredi qu'un rachat de Beats pour 3 milliards ferait passer la fortune du producteur après impôts à entre 700 et 800 millions de dollars, détrônant ainsi de la première place Sean "Diddy" Combs dont la fortune est estimée à 700 millions de dollars.

"Le hip-hop est désormais au coeur de la culture populaire américaine", affirme Robert Thompson, professeur à l'université Syracuse dans l'Etat de New York. "Si un artiste de hip-hop arrive à se faire un nom et gagner de l'argent, puis est assez malin pour explorer d'autres pistes, cela devient un véritable conte de fée à l'américaine", dit-il.
 
Dre, dit "le Docteur", natif de Compton, un quartier dur de Los Angeles, est considéré par beaucoup comme le plus grand producteur de hip-hop dont il a révolutionné le son à plusieurs reprises. D'abord dans les années 80 avec le gangsta-rap au sein de son groupe NWA, puis avec le courant G-Funk californien la décennie suivante. Découvreur et producteur de Snoop Dogg et d'Eminem, il a travaillé avec les plus grands, de 2Pac à 50Cent.

Qu'est-ce qu'Apple gagne à acheter Beats ?
Mais cette acquisition de la firme de Cupertino, la plus chère de son histoire, laisse pourtant beaucoup d'analystes du secteur dubitatifs. Le patron d'Apple,Tim Cook, affirme dans le Wall Street Journal que cette acquisition va aider la firme à combler le fossé entre la Silicon Valley et Hollywood.

Bob O'Donnell, analyste chez TECHnalysis Research, se dit néanmoins "un peu perplexe" sur ce qu'Apple gagne dans l'opération: "D'un côté les produits Beats sont bien connus, mais pour les gens intéressés par l'audio haut de gamme ce ne sont pas les meilleurs produits" et ils "s'adressent à une population différente" de celle qui achète traditionnellement les produits Apple."

Les casques ?
Les casques audio Beats by Dre, en dépit de leur prix très élevé (plus de 200 dollars alors que selon le New York Times certains ne coûtent que 14 dollars à fabriquer) et d'une qualité d'écoute critiquée, constituent l'essentiel du chiffre d'affaires de Beats Electronics.

Selon le cabinet NPD, cité par Le Monde, la société contrôle plus d'un quart du marché des écouteurs/casques aux Etats-Unis. Et près de 60% pour les appareils vendus à plus de 100 dollars. Selon Rolling Stone, les casques Beats seraient numéro un du secteur et auraient rapporté 500 millions de dollars à la société en 2012.


James McQuivey, du cabinet Forrester, juge pourtant lui aussi ce rachat "déconcertant ", rapporte Le Monde. "Normalement, les importantes acquisitions stratégiques se justifient par le rachat de quelque chose que vous ne possédez pas: une nouvelle technologie prometteuse, une large base de clients ou un ticket d'entrée dans une industrie désirable, explique l'analyste. Rien de cela s'applique à Beats". Mais "Apple n'est pas stupide", nuance-t-il, spéculant sur les plans cachés de la firme de Cupertino.

La musique en ligne ?
Pour certains experts, le pari d'Apple est surtout motivé par le service de musique en ligne sur abonnement (10 dollars par mois) en streaming de Beats, lancé en janvier aux Etats-Unis et auquel les spécialistes du secteur prédisent un bel avenir. Tim Cook, le patron d'Apple, souligne dans le Wall Street Journal, avoir été séduit par Beats Music : "nous pensons que c'est le premier service (de streaming) sur abonnement qui a tout bon". 
 
L'analyste Bob O'Donnell remarque que si Beats Music a "un nombre relativement limité de clients" (110.000 abonnés payants début mars), ses fondateurs ont "des contacts dans l'industrie" musicale susceptibles de renforcer la crédibilité d'Apple dans ce secteur qu'il n'a que trop tardé à investir.

Si le groupe à la pomme est une référence pour les téléchargements payants de musique en ligne avec sa boutique iTunes, les modes de consommation sont en effet en train de changer à grande vitesse. L'an passé, le nombre de téléchargements légaux a reculé pour la première fois aux Etats-Unis. Au lieu de payer pour télécharger, les fans de musique s'abonnent de plus en plus à des services d'écoute de musique en ligne comme Spotify, qui revendique plus de 10 millions d'abonnés.
Apple avait lancé l'an dernier son propre service de streaming, iTunes Radio, mais ce dernier a, semble-t-il, du mal à décoller.  "L'addition de Beats va encore améliorer notre offre musicale, du streaming gratuit avec iTunes Radio au service par abonnement de première classe de Beats, et bien sûr l'achat de musique dans la boutique iTunes", a souligné mercredi Eddie Cue, vice-président d'Apple chargé des services en ligne.

S'adjoindre un tandem charismatique apprécié des jeunes ?
Enfin, pour certains experts, l'opération est aussi une façon pour Apple de relancer ses capacités d'innovation en s'adjoignant des personnalités de talent, et se résumerait finalement surtout à un recrutement coûteux, celui deJimmy Iovine, 61 ans.

Certes, ce dernier est considéré comme un visionnaire dans le monde de la musique depuis des décennies. Mais pourra-t-il, même en tandem avec Dr Dre, remplacer Steve Jobs, l'ancien patron charismatique d'Apple disparu en 2011, dont il était un ami de longue date ? Seul l'avenir le dira.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.