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Eminem : les 4 raisons pour lesquelles son nouvel album "Revival" déçoit

"Revival", le premier album studio d'Eminem depuis 4 ans, s'annonçait comme un brûlot politique pourfendeur de l'Amérique de Trump. Mais il manifeste surtout une volonté de ratisser large, sur un terrain ultra pop et entouré d'une nuée de featurings assommants. La longueur de ce disque, plus d'une heure et quart, achève de le rendre indigeste.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Eminem rate son retour avec "Revival".
 (Dennis Van Tine//MaxPPP)
1.
Une production outrageusement pop

S'il y a bien quelque chose qui met tout le monde d'accord contre ce 9e album studio d’Eminem c'est sa production, totalement ratée. Les fans n'ont pas de mots assez durs pour vilipender le travail de Rick Rubin (co-producteur exécutif) et d'Alex Da Kid, très présent ici, tant la musique de cet album est à côté de la plaque. "Revival" multiplie en effet les samples grossiers et les appels du pied à la pop-rock, en samplant notamment  "I Love Rock'n'Roll" de Joan Jett & The Blackhearts (sur "Remind Me") et "Zombie" des Cranberries (sur "In Your Head"). Qu'ont-ils voulu faire ? Clairement élargir l'audience du rappeur de Detroit, qui à ce stade n'en avait sans doute pas besoin, quitte à trahir toute sa base de fans et à tourner carrément le dos au hip-hop dont on cherche la trace sur ce disque. Mais qu'est-il advenu de Dr Dre, découvreur et producteur historique d'Eminem ? Il est toujours crédité en tant que co-producteur exécutif et mixeur, mais il était soit peu inspiré, soit peu investi (soit les deux).

2.
Trop d'invités de luxe aux refrains : la fausse bonne idée

Multiplier sur un album les invités, surtout les invités de luxe, est souvent signe de manque d'inspiration. C'est clairement le cas ici. Afficher Beyoncé, Ed Sheeran, Alicia Keys, Pink, Skylar Grey et Kehlani au générique ressemble surtout à un gage d'accès aux oreilles des plus jeunes. Mais en quoi la super star du rap en avait-il besoin ? Pour les refrains, manifestement. Soit sentimentaux, soit criards, arrivant toujours à peu près au même moment après qu'Eminem a déversé sa hargne (un style dont Alex Da Kid est coutumier depuis longtemps), ils diluent son propos et irritent plus qu'ils n'apportent quelque chose. Exceptée Beyoncé, à sauver du naufrage - on fait partie de ceux qui ont défendu le single "Walk On Water", avant d'apprendre qu’Adele avait été choisie au départ pour sa partie… Quant à Ed Sheeran, il a écrit et domine à ce point "River" qu’on peine à y voir autre chose qu’une chanson d'Ed Sheeran featuring Eminem (et non pas l'inverse).

3.
Un engagement politique limité 

Avec "Campaign Speech" en octobre 2016 puis dans le freestyle très remarqué "The Storm" aux BET Awards un an plus tard, deux titres qui ne figurent pas sur cet album, Eminem s’était montré de plus en plus engagé et enragé contre l’actuel locataire de la Maison Blanche. Ce qui avait laissé augurer un album politiquement cinglant, lesté de toute la férocité et l’humour grinçant dont on le sait capable. Las, sa critique de l'ère Trump reste ici limitée. Elle est concentrée sur deux titres (sur 19), deux vrais brûlots certes mais qui ne brillent pas musicalement et ne tiennent pas la comparaison avec l’analyse plus subtile d’un Kendrick Lamar. 

Sur "Untouchable", très rock, Eminem dénonce les injustices raciales et les violences policières contre les Noirs américains et signe le texte le plus politique de sa carrière. Il y endosse dans la première partie la voix d’un policier blanc raciste avant de parler dans la seconde partie depuis la perspective d’un Noir vivant dans l’Amérique de Trump, "cette nation qui ressemble à une plantation de coton". L’autre brûlot s’intitule "Like Home", et il crucifie Donald Trump, "ce perroquet" qui ne fait que répéter ce qu’il a entendu sur Fox News et tente de diviser "cette terre sacrée que nous chérissons".  
 
Mais au fond, c'est quand Eminem revient à son nombril et à ses obsessions personnelles qu'il est le plus pertinent : dans le titre dédié à Kim, son amour de jeunesse épousée deux fois, auprès de laquelle il s'excuse dans "Bad Husband". Et dans le bouleversant "Castle", une lettre à leur fille Hailie, 21 ans, qui se poursuit sur le final "Arose", un titre introspectif qui revient sur son expérience de mort imminente lors d’une overdose en 2007. Deux brûlots + trois-quatre titres introspectifs = 6. Le reste sonne comme du remplissage.

4.
Un disque beaucoup trop long

En multipliant les propositions et les chansons, Eminem et ses producteurs ont sans doute tablé sur la nouvelle façon de consommer la musique : le streaming. Et avec lui l’écoute de morceaux à la carte – les plus jeunes n’écoutent que rarement des albums entiers aujourd’hui. Reste que pour le fan d’Eminem et l’auditeur concentré, dix-sept titres (si l’on exclut les deux interludes) et 77 minutes, c'est beaucoup trop long. La formule étant toujours un peu la même, en dépit de la liste d’invités longue comme le bras, sa logorrhée verbale lasse dès la moitié du disque. Dès lors, l’écoute de "Revival" s’avère aussi exténuante qu'une route de montagne en lacets dont on ne voit jamais la fin. Décidément, le "médicament" Revival que nous vantait Dr Dre ne passe pas. Eminem devrait demander au docteur de changer d’assistants et nous préparer un simple EP bien dosé pour la prochaine fois.

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