Hypersexualisation, culture du viol… Un tiers des vidéos les plus vues sur YouTube présentent une "image dégradante" des femmes, selon un rapport
Dans un rapport publié jeudi, la Fondation des femmes dénonce les stéréotypes véhiculés dans les 200 contenus les plus visionnés en 2019 et 2020 en France, qui présentent "une image dégradante et humiliante des femmes".
Des personnages "stéréotypés", "sexualisés", victimes de propos violents qui contribuent parfois jusqu'à la "culture du viol". Dans son rapport "Numérique : le sexisme en liberté" publié jeudi 26 août et dévoilé par franceinfo, la Fondation des femmes dénonce "une hausse des contenus présentant une image dégradante et humiliante des femmes" sur YouTube. Pour cela, elle a étudié les 200 contenus les plus visionnés en 2019 et 2020 en France sur la plateforme, qui est la plus consultée par les 15-24 ans et la deuxième tous âges confondus, selon Médiamétrie.
Dans 68% de ces 200 vidéos, les personnages "demeurent éminemment stéréotypés", écrit la Fondation des femmes dans son rapport (document PDF). On retrouve ainsi "la sentimentale", "la poupée" ou encore "la séductrice" chez les personnages féminins et "l'hyper-viril", "le protecteur" ou "le macho" chez les personnages masculins.
Parmi ces contenus, 57% présentent ainsi des stéréotypes masculins, 39% des stéréotypes féminins. L'étude note au passage que ces stéréotypes masculins sont "associés à des valeurs positives (la puissance et le courage)" contrairement aux stéréotypes féminins, qui sont "connotés négativement (la sentimentalité et la vénalité)".
La Fondation des femmes relève par ailleurs que 21% des vidéos mettent en scène des femmes "sexualisées", notamment dans des "mouvements érotiques" ou des "poses lascives", et environ 35% présentent une "image dégradante des femmes" : elles y sont cantonnées à un rôle "esthétique et inactif", subissent du harcèlement de rue, ou sont filmées avec un cadrage insistant sur leur poitrine ou leurs hanches. "Ces procédés véhiculent l’idée que les femmes doivent paraître et se comporter d’une certaine manière pour être attrayantes, renforçant ainsi l’image de la femme-objet."
Les clips musicaux dans le viseur
Parmi les contenus les plus visionnés sur YouTube en 2019 et 2020 en France, 74% sont des clips musicaux. Ils participent grandement à donner une image dégradante de la femme puisqu'un clip musical sur quatre présente "une ou plusieurs formes de violences à caractère sexiste ou sexuel" (insultes sexistes, propos misogynes, femmes-objet, harcèlement sexuel, violences conjugales, culture du viol).
Le rapport de la Fondation des femmes détaille quelques exemples de séquences vidéos violentes à l'encontre de femmes. Dans un des clips visionnés, "le personnage principal masculin chante à côté des cadavres emballés de bâches blanches de son ex-compagne et de son amant". La culture du viol est également présente dans une autre séquence d'un des clips visionnés où "le chanteur évoque le fait d’alcooliser une femme pour avoir des relations sexuelles avec elle."
Dans son rapport, la Fondation des femmes estime que les contenus YouTube présentant une image dégradante des femmes sont passés à 34,7% en 2019 et 2020, alors qu'ils étaient de 15,5% en 2017 et 2018, selon une étude du CSA. "Nos chiffres, plus élevés que ceux présentés par le CSA, s’expliquent par l’évolution du critère avec une gradation qui n’était pas observée auparavant", précise le rapport.
Pour améliorer la représentation des femmes dans le secteur numérique, la Fondation des femmes propose donc plusieurs pistes, comme une auto-régulation des Gafam ou l'instauration de l'éga-conditionnalité dans le cadre du soutien à la création.
"Toutes ces séquences dégradantes pour les femmes, cette violence verbale et psychologique, font le lit des violences, des féminicides."
Sylvie Pierre-Brossolette, journaliste, membre de la Fondation des femmesà franceinfo
Lorsqu'il y a des scènes particulièrement choquantes dans les vidéos, "on peut demander par la loi que le CSA régule et tire la sonnette d'alarme", suggère sur franceinfo Sylvie Pierre-Brossolette, journaliste, membre de la Fondation des femmes et coordinatrice du rapport. "Si les œuvres véhiculent des séquences trop dégradantes pour les femmes, elles seraient privées de financement", précise la Fondation qui demande également de faire évoluer la loi Léotard sur la communication audiovisuelle en donnant la compétence au CSA de veiller à l'image des femmes sur internet. "L'audiovisuel a fait des progrès formidable, souligne Sylvie Pierre-Brossolette. Le pied a été mis dans la porte sur la haine en ligne, la protection des mineurs pour la pornographie. Ces deux secteurs vont être régulés par le CSA dans le cadre du numérique et des plateformes et donc nous demandons qu'on ajoute l'image des femmes"
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.