Les textes du rappeur américain Young Thug examinés par la justice qui l'accuse de crime organisé
Les paroles des chansons de Young Thug pèseront-elles à son procès pour crime organisé ? Sont-elles des preuves qu'il est en réalité un chef de gang et que son label dissimule des activités criminelles ? Les débats de fond commencent lundi 27 novembre dans l'affaire visant cette figure très influente du rap américain, âgée de 32 ans, emblématique du courant de la trap music.
Avec une vingtaine de personnes, Jeffery Lamar Williams (de son vrai nom) a été inculpé en mai 2022 par un grand jury de Géorgie (États-Unis), pour appartenance présumée à une branche du gang des "Bloods" identifiée comme "Young Slime Life", ou YSL. Des initiales qui correspondent à celles de son label fondé en 2016, Young Stoner Life Records.
Le rappeur d'Atlanta, dont l'arrestation a été un choc pour la scène rap locale, est accusé d'association de malfaiteurs et de participation aux activités criminelles d'un gang, soupçonné notamment de meurtres et de trafic de drogue. L'interprète de Best Friend, Hot ou Check, qui a collaboré avec les plus grands noms du rap et de la pop, de Drake à Dua Lipa, Travis Scott et Justin Bieber, clame son innocence.
Des chansons comme pièces à conviction
Les procureurs s'appuient, pour preuves, sur des paroles de certaines chansons de Young Thug (signifiant jeune voyou). Ils décortiquent également celles d'un autre rappeur, Gunna, son protégé, qui a passé un accord de plaider coupable, et d'un titre posthume de Juice Wrld, mort en 2019 d'une overdose.
Jusqu'à présent, les audiences du procès ont été consacrées à la sélection des jurés, une tâche ardue qui a duré 11 mois. L'affaire entre désormais dans le dur. Au cœur du dossier, 17 extraits des titres de Young Thug, qui constituent, selon l'accusation, autant d'aveux des crimes dont le rappeur est accusé. Dans ses paroles, ce dernier évoque, comme de nombreux rappeurs, des histoires de gangsters, d'assassinats et de gros sous.
"J'aime quand les gens me demandent ce que je dis", confiait Young Thug au magazine The Fader en 2014. Et de poursuivre : "Je ne vais pas le leur dire pour autant, je vais les laisser écouter mes chansons encore 10 ans de plus avant de le faire."
Ses avocats ont cherché à exclure ces paroles des pièces à conviction, affirmant que l'utilisation de couplets pourrait influencer injustement les douze jurés appelés à se prononcer. Un argument défendu par de nombreux partisans de la liberté d'expression et d'acteurs de l'industrie musicale, qui craignent que cette pratique nuise à la créativité des artistes et affecte disproportionnellement les Afro-Américains. L'utilisation de paroles de chansons comme pièces à conviction est par ailleurs contraire au premier amendement de la Constitution américaine qui garantit la liberté d'expression.
"On ne parle pas ici de paroles de rap, mais de paroles de gang", a rétorqué le procureur Mike Carlson. "Ce sont des confessions de fin de soirée."
Une centaine de témoins vont défiler à la barre
Ce n'est pas la première fois que des vers de hip-hop atterrissent dans une salle d'audience. La défense de Young Thug, qui insiste sur le fait qu'YSL n'est rien d'autre qu'un label artistique et une pépinière d'artistes, a cité comme témoin un spécialiste du sujet, le professeur à l'université de Richmond, Erik Nielson. Selon cet expert, "cette question du rap dans les procès n'est qu'une nouvelle illustration d'un système qui s'acharne à emprisonner les jeunes hommes de couleur".
Le procès, qui se déroule dans le même tribunal d'Atlanta où l'ancien président Donald Trump sera bientôt jugé, verra défiler des centaines de témoins, dont les rappeurs T.I. et Killer Mike du duo Run The Jewels.
En guise de pied de nez, Young Thug a sorti en juin 2023 un nouvel album baptisé Business Is Business, s'affichant assis dans une salle de tribunal sur la pochette du disque.
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