Lomepal bouscule le rap français avec "Flip" : 5 bonnes raisons de l'écouter
Ecouter ne serait-ce qu'une seule fois les 5 premiers titres de son album "Flip" ou regarder les vidéos de cette page, c'est adopter Lomepal. Non seulement son rap-chant harponne d'emblée mais ses refrains sont aussi terriblement obsédants. Au hasard, le génial "Baise le sy-sy-système, t'aimes pas trop le 6-6-6 mais le 6-6-6 t'aime" (Lucy). N'espérez pas y échapper. Pas plus qu'à "Cerveau cassé comme la voix de Janis" (Pommade).
Ultra compréhensibles, les textes ne laissent personne sur le bord de la route. A la fois drôles, pleins d'esprit et sensibles, voire sentimentaux, et souvent critiques de la société sans en avoir l'air, ils sont irrésistibles.
"Je mets plus de temps à essayer de bien tourner une phrase pour qu'elle soit compréhensible avec toute la subtilité que je cherchais à lui donner plutôt qu'à trouver des rimes", souligne ce Parisien du 13e arrondissement. Ses paroles fourmillent par ailleurs de références, soit musicales – Hendrix, Kurt Cobain, Janis Joplin –, soit cinématographiques – Miyazaki, Kusturica, Brokeback Mountain, Ray Liotta, maître Yoda. Jubilatoire.
Côté musique, la singularité et la diversité sont reines sur cet album sur lequel plusieurs figures de l'électronique signent une partie des instrumentaux (l'étoile montante Superpoze, Guillaume de The Shoes) et de la réalisation (Alex Gopher et Julien Delfaud de Superdiscount) avec Pierrick Devin, aux manettes du dernier opus de Phoenix. On remarque également le travail des Belges Le Motel, JeanJass et Ponko. Quant au fidèle beatmaker de Lomepal, le Français Stwo, il ne signe faute de temps que trois titres (dont les excellents Lucy et Bryan Herman): producteur très en vue, il vient en effet de rejoindre l'équipe de… Drake.
Avant, Lomepal était un rappeur ultra technique. Avec du flow, de la punchline et des rimes multisyllabiques. Mais maîtriser le rap ne lui suffit plus. Sur son premier album, on le découvre aussi chanteur. Le résultat est un drôle de rap-chant modulé, un style de phrasé hybride qui rappelle parfois celui de Stromae ou de son complice Romeo Elvis.
"Maintenant que je sais mieux utiliser ma voix, je trouve que rapper c'est limité", reconnait Lomepal. "Chanter m'intéresse davantage, ça ouvre plus de possibilités. Mais j'ai encore beaucoup à apprendre. Au niveau du rap, la technique passe après désormais, c'est l'émotion qui gagne."
"J'ai appris de mes erreurs : c'était trop dense, il y avait trop de mots dans mes morceaux, il fallait faire respirer un peu. Le chant fait désormais partie de ma boîte à outils, mais ça ne veut pas dire que je vais m'en servir tout le temps.
En ce moment on me demande mais est-ce que tu fais encore du rap ? Oui, "Flip" est un album de rap… mais la moitié c'est du chant. La démarche c'est "ne me classez pas dans une case".
Avec cet album, Lomepal prend le large. Il s'émancipe du rap game, il s'affranchit des codes, du regard des autres et fait passer sa vraie personnalité au premier plan.
"Disons que c'est plus assumé que ce que je faisais avant. Maintenant je me fiche de toutes les règles du jeu, j'ai juste envie de faire mon propre truc. Je suis décomplexé et j'ose montrer ma vulnérabilité."
Le processus ne s'est pas fait en un jour. Depuis ses premiers pas rappologiques en 2011 avec Nekfeu, les paroles de Lomepal tournent autour de lui et de son expérience. Dans ses EP "Cette foutue perle" (2013), "Seigneur" (2014), "Majesté" (2015) et "ODSL" (2016), tout est (presque) vrai, tout est vécu. Mais il est passé au fil du temps de l'ego trip pur aux réflexions plus personnelles, puis carrément intimes. Il dévoile désormais ses failles sans honte, une fragilité mâtinée d'une bonne dose d'humour, et devient ce faisant universel. Son album peut parler à tous.
"Je ne veux plus me fixer de limites, j'ai voulu décomplexer totalement ma musique, être le plus naturel possible. Ca passe aussi par beaucoup d'honnêteté. Ce qui m'intéresse maintenant c'est d'arriver à traduire une émotion quelle qu'elle soit."
Y compris la nostalgie amoureuse et les regrets sentimentaux au centre des chansons "Bécane" et "Yeux Disent".
La pochette de "Flip", sur laquelle Lomepal apparaît en semi travesti dont le maquillage coule, c'est du jamais vu dans le rap français. Cette image, qu'il a voulue et travaillée, colle parfaitement à l'idée de l'album. Celle de la vulnérabilité mais aussi de la double face : mélancolique et fun, sensible et crue, introspective et critique de la société.
"Ce côté double ça me permet d'éviter la banalité. C'est ma manière à moi, avec beaucoup d'humour noir et d'autodérision, de rendre les émotions plus subtiles. (…) Je voulais que l'album s'appelle Flip parce que c'est une figure de skate mais aussi pour ce que cela signifie en anglais : "retournement". Comme de passer du rire aux larmes. De homme à femme. De fragile à énervé. De fier à vulnérable."
"Si je fais une pochette comme ça c'est pour l'assumer jusqu'au bout. Avec mon ex on a eu cette idée en regardant le clip de Mac Demarco "My Kind of Woman", dans lequel il se travestit. C'est l'idée de se chercher, cet espèce de malaise : être un peu mal maquillé, essayer d'être femme mais ça ne marche pas, il y a pas mal d'émotion dans le regard, on voit que je viens de pleurer..."
"En plus ça me permettait de faire une pochette que personne ne fait, de sortir du rap jeu, d'assumer mon univers et de virer tous les connards qui ne comprennent rien. Tous ceux qui sont choqués par la pochette, c'est parfait : je ne vous veux pas dans mon public, c'est que vous n'êtes pas ouverts d'esprit et vous n'aimerez pas mon album."
"Jamais un vrai skateur n'avait été aussi bon en rap", s'amuse-t-il en mode egotrip sur l'hommage au skateur californien "Bryan Herman". C'est sans doute vrai. Le skate, qu'il pratique depuis l'âge de 10 ans avec passion, est présent tout du long de ce disque en filigrane, qu'il s'agisse du titre de l'album (le flip est une figure de skate), des bruits de raclements caractéristiques de la planche avec lesquels il débute, ou de la chanson "Bryan Herman" qui lui est entièrement consacrée.
"Tout le monde kiffe le skate aujourd'hui, c'est hype, alors que quand j'étais petit ça n'intéressait pas grand monde", remarque Lomepal. "Avec la chanson "Bryan Herman" je veux rappeler que je suis un vrai skateur, que c'est ma culture et que je la connais à 100%".
Même son ouverture musicale, ce gars dont "les tibias ressemblent à des couteaux à pain" (dix fractures, six entorses), il la doit au skate. "Vers l'âge de 12 ans, je me suis mis à regarder les vidéos de skateurs en boucle pour examiner tous leurs tricks. Sur les vidéos, chaque partie de skateur est montée avec une musique très précise. Et il y a de tout : du rock, du jazz, du rap, du punk. Je suis devenu fan de ces musiques sans savoir de quoi il s'agissait. De 18 à 22 ans j'ai ensuite écouté du rap non-stop. Puis je me suis replongé dans mes premières influences, ces styles différents, notamment rock, qui me distinguent de tous mes amis du rap."
Le rap et le skate ont des similarités. Leur pratique est obsessionnelle et l'entrainement se pratique à haute dose.
"Ma principale qualité c'est la persévérance, l'acharnement. Je n'abandonne jamais quand j'aime quelque chose, le skate comme la musique. Pourtant j'étais trop nul au départ. Mais je me suis dit "je vais tout faire pour être très fort."
Son premier album est en tout cas un sans faute.
"Flip", le premier album de Lomepal (Idol).
Lomepal poursuit sa tournée avec deux dates à la Gaité Lyrique (Paris) les 6 et 29 novembre. Il est aussi le 8 novembre à Rennes, le 9 novembre à Angers, le 17 novembre à Marseille et le 25 novembre à Cenon.
Petit souvenir d'un concert fiévreux le 30 juin à la Maroquinerie...
https://twitter.com/Nijikid/status/880918869770215425
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.