Mc Solaar : l'album "Prose Combat" fête ses 20 ans
"Prose Combat" de MC Solaar reste une pierre angulaire du rap français, l'album de la reconnaissance. Sorti en février 1994, après les très remarqués "Bouge de là" et "Qui sème le vent récolte le tempo", il s'écoule à un million d'exemplaires et récolte deux Victoires de la Musique. L'excellent site abcdrduson revient avec Le Mouv sur l'avènement de ce disque, en compagnie de ceux qui l'ont fait.
Divisé en quatre gros chapîtres, cet article fleuve passionnant fait le tour de "Prose Combat' : musique, paroles, écriture, inspiration, production, marketing, photos, succès à l'étranger...
L'occasion de rappeler notamment que ce disque est musicalement le fruit de l'alchimie de trois musiciens : Christophe Viguier (Jimmy Jay), Hubert Blanc-Francard (Boom Bass, moitié de Cassius) et Philippe Cerboneschi (Zdar, producteur notamment des deux derniers albums de Phoenix).
"Les deux premiers composent les titres, le troisième les mixe". Or, la découverte de la techno house à ce moment là par Philippe Zdar a beaucoup compté pour le son de ce disque, dont Daft Punk était très admiratif...
Comment se fait-il alors que le joyau "Prose Combat" et ses pépites ("Nouveau Western", "Obsolete", "La Concubine de l'hémoglobine" etc...) ne soient plus joués nulle part, en voie de disparition dans la mémoire collective ? De fait, l'album n’est plus disponible, ni en magasin, ni sur les plateformes de streaming, souligne l'équipe d'abcdrduson . La raison ? "Un conflit jamais résolu entre MC Solaar et PolyGram, sa maison de disques de l’époque". Deux fois plus de raisons d'en parler, donc : pas question de laisser tomber ce disque dans les oubliettes de l'histoire !
Quelques extraits de ce dossier choral très complet à lire dans son intégralité sur le site du Mouv.
MC Solaar (rappeur) : Prose Combat, ce n’était pas un album préparé. C’était un album fait sur le moment. On avait très peu de maquettes de prêtes. J’écrivais, et j’enregistrais dix minutes après. Je partais d’un principe, qui était celui de l’écriture automatique et de la deadline. Je ne prenais aucune note quand j’étais dans la vie normale. L’écriture automatique, ça venait du chanteur Antoine dans Les Élucubrations. Ce côté « Allez c’est parti ! » où tu te laisses guider par ton stylo.
Jimmy Jay (producteur, Dj): Prose Combat a été un disque fait à l’arrache. J’ai le souvenir de ne pas dormir, de bosser tout le temps, mais aussi de faire ce que j’aime.
MC Solaar : Je savais que j’étais dans un métier où il faut des mots, alors j’achetais tous les journaux, de l’extrême gauche à l’extrême droite : La Forge, Le Bolchévik, Rivarol… Pour employer un mot qui était à la mode à cette époque, il fallait que je sois up to date. Je devais savoir ce qui se passe. Dans la vie, depuis que j’ai 16-17 ans, je me demande toujours : « C’est quoi la vraie info ? » Pour un sujet donné, il y a différentes façons de voir. C’est comme ça que je gagne d’autres savoirs.
Philippe Zdar (producteur, ingénieur du son): J’ai découvert la techno à la fin de l’année 1992, au cours d’une rave sur une péniche. J’ai eu une épiphanie, ça a complètement transformé ma vie, et ça a été hyper important pour Prose Combat. Pendant qu’on faisait l’album, la nuit je mixais les premiers morceaux de Motorbass [duo formé avec Étienne de Crécy, alors assistant au studio Plus XXX]. Je me cachais, j’avais honte de les faire écouter aux garçons, je fermais même la porte à clé. (...) La façon dont j’utilisais la compression et les reverb pour faire de la house, ça se retrouve dans Prose Combat. Avec aussi ces ad libs un peu hypnotiques à la fin de morceaux : avant, nos morceaux faisaient 3 minutes 10, là ils faisaient 4 minutes 30. Tout ça, ça venait de cette nouvelle musique que je venais de découvrir.
Jimmy Jay : Tout mon argent passait dans les samples. J’allais acheter mes disques à Londres, au magasin Soul Jazz. Mais mon plus grand souvenir, c’est le Japon. À Tokyo, j’ai trouvé un magasin au sous-sol d’un grand centre commercial, rempli de raretés. Au mur, il y avait des photos de Dr. Dre, Q-Tip, Pete Rock… Tous les producteurs américains s’y approvisionnaient. J’ai trouvé 80% des samples de Prose Combat dans ce magasin.
Philippe Ascoli (directeur artistique, label Polydor): De La Soul avait samplé Gainsbourg avant. Je me souviens qu’on avait eu une discussion avec Hubert [Boom Bass] à ce sujet. On se demandait : «Pourquoi les Américains le font, et pas nous ?» Et un jour, Hubert l’a fait. Super morceau. «Nouveau Western », c’est la starification de Solaar. Il y a eu un avant et un après. Avant, bon, on se disait « C’est qui ce mec ? Il est sympa. » Après, on savait que Claude allait compter dans la chanson française.
Armand Thomassian (chef de projet, label Polydor): Claude était l’équivalent potentiel de ce que les Daft Punk sont devenus. C’était le truc frenchy le plus sexy qu’on envoyait à l’étranger.
Philippe Zdar : Quand j’ai rencontré les Daft, j’étais sur la terrasse d’un bar. Thomas Bangalter est venu me voir et m’a dit « C’est toi qui a fait «Obsolète » ? Le son de ce morceau, en France, c’est le summum. »
Découvrez les autres déclarations autour de "Prose Combat" sur le site du Mouv
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