Cet article date de plus de six ans.

Migos, Lomepal, Moha La Squale : le rap a triomphé à We Love Green 2018

On avait pu y découvrir PNL il y a deux ans et Damso l’an passé. Mais pour sa 7e édition le festival écolo a soudainement viré de bord cette année avec pas moins de six gros concerts rap et une nuée d’affiliés. Avec Migos, Lomepal, OrelSan, Moha La Squale, Myth Syzer et Tyler The Creator, le rap a mis le feu à la pelouse du bois de Vincennes, éclipsant régulièrement le reste de la programmation.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Le totem du festival 2018 à We Love Green.
 (Laure Narlian / Culturebox)

Des Bisous pour commencer

L’épopée rap a débuté en douceur samedi avec le producteur français Myth Syzer, auteur d’un récent album tout amour baptisé "Bisous". Sur la modeste scène Canopée, Myth Syzer a réussi la gageure de réunir quasiment tous les invités de ce disque sensuel monté sur coussin d’air, un bonheur qu’on n’attendait pas si complet. Ont ainsi défilé avec lui au micro les chanteuses Oklou, Aja (La Femme), Bonnie Banane et Lolo Zouaï, mais aussi les rappeurs Ichon et Loveni de son collectif Bon Gamin ainsi que Jok’Air. Un casting quatre étoiles pour une entrée en matière convaincante, qui a mis le public en joie et pas seulement sur le hit "Le Code" (Bonnie Banane géniale en doudoune sur robe de soirée argentée, désolée on a foiré la photo mais on a l'extrait vidéo).
Le producteur Myth Syzer avec la chanteuse Aja (La Femme) samedi à We Love Green.
 (Laure Narlian / Culturebox)

Lomepal à pas de géant

 La fièvre a grimpé d’un coup pour Lomepal, qui prenait le relais sur la scène la plus proche, celle de la Clairière, cause de toutes les frustrations du week-end. Ce chapiteau, devant lequel il était impossible de voir les artistes passés les premiers rangs, s’est rapidement révélé inadapté, une grande partie du public étant condamnée à entendre sans voir ou à se rabattre devant un écran (le seul du festival) installé à l’écart sur la pelouse. Ce fut le cas pour Lomepal mais aussi plus tard pour Migos et dimanche pour King Krule et Tyler The Creator, qui auraient tous mérité une scène à leur (dé)mesure.

Car oui, Lomepal, encore confidentiel il y a un an, a connu depuis une notoriété fulgurante grâce à son obsédant premier album "Flip", dans lequel il mêle habilement chant et punchlines rap – "on est à 150.000 ventes aujourd’hui, c’est au-delà des espérances et c’est grâce à vous", a-t-il lancé. Le rappeur-skateur parisien est aujourd’hui une star et son public adolescent et très féminin (les ballons licornes en témoignaient) le lui a bien fait savoir samedi, reprenant tous ses morceaux par cœur et improvisant de vigoureux pogos aux premiers rangs. Il est l’un des seuls artistes ce week-end à avoir osé plonger dans la foule (sur le dévastateur "Pommade" après avoir fait monter tous ses amis sur scène) et son concert restera comme l’un des plus chauds du festival.
Le rappeur Lomepal samedi sur la scène Clairière de We Love Green.
 (Edmond Sadaka / SIPA)

La remise à niveau OrelSan

A peine le temps d’aller applaudir Sampha et Jorja Smith, de passer une tête au think tank sur les nouveaux enjeux environnementaux et d’avaler une délicieuse pizza frite, que l’on assiste tout à coup à une incroyable ruée. Lorsque les premières notes du concert d’OrelSan débutent sur la grande scène, des ribambelles de visages juvéniles déboulent à cent à l’heure de tous les coins du site, déjà en transe.

OrelSan va leur donner durant plus d’une heure des raisons de se défouler avec une setlist très similaire à celle de l’AccorHotel Arena il y a deux mois. Certains titres sont écourtés, voire expédiés ("Christophe") et aucun invité ne vient lui donner la réplique mais l’émotion est au rendez-vous pour "La Terre est Ronde" et la folie se déchaîne par trois fois, au début et à la fin du set, sur le hit sismique "Basique". A ce stade, We Love Green a désormais "les bases", comme il dit. (Notez que les rappeurs, souvent vêtus à We Love Green comme pour une virée au Groenland, ont quant à eux visiblement perdu le nord, de OrelSan et Jok'Air en gros coupe-vent à l'un des Migos en col roulé par 28 degrés à l'ombre.)
OrelSan samedi au festival We Love Green 2018.
 (Edmond Sadaka / SIPA)

La claque Migos

On avait peut-être les bases mais on n’était pas prêts pour la monumentale claque qui nous attendait ensuite avec Migos. Meneurs de la "trap", le genre dominant du rap, les trois rappeurs Quavo, Offset et Takeoff sont de vraies superstars aux Etats-Unis. Les voir sous le petit chapiteau de la Clairière à We Love Green était tout à fait improbable, limite humiliant pour eux qui ont d’ailleurs fait faux bond la veille au festival espagnol Primavera après avoir négligemment raté leur avion.

Ecrabouillés par les fans en délire, on assiste à un truc de fou, un truc inouï. La foule est littéralement hors d’elle, en lâchage complet devant ce trio d’embrouilleurs venus des bas fonds d’Atlanta. Siglés des pieds à la tête, les bouches garnies d’or et lestés de lourds colliers et bracelets de diamants (il y en a pour cher !), le gang Migos offre un set ravageur et sauvagement rythmé, à base de hits que l’on connaît tous sans forcément le savoir, de "Bad and Boujee" à "Walk it talk it" ou "Stir Fry". Le public a le feu aux fesses comme jamais. Une tornade inédite qui restera dans les annales du festival.
Le rappeur Quavo de Migos, samedi soir à We Love Green.
 (Edmond Sadaka / SIPA)

Moha La Squale = Mr 100.000 volts

Dimanche, c’est Moha La Squale, le bad boy du 20e en pleine ascension, que l’on attendait avec le plus d’impatience. Venu présenter son album tout juste sorti "Bendero", il n’a pas failli à sa réputation. Débarqué comme un bulldozer en braillant "ma gueule" le sourire jusqu'aux oreilles (normal, la banane c'est le nom de son quartier), arpentant la petite scène Canopée de long en large comme un fauve en cage, cette forte tête semble avoir mis les doigts dans la prise. Son débit verbal à cent à l’heure impressionne (même s’il est accompagné de sa propre voix sur le disque en filet de sécurité) mais il est à ce point survolté qu’il écourte lui même ses propres morceaux, extraits aussi bien de son album que de ses livraisons Facebook de l'an passé ("Thug Life" par exemple, qui emprunte un beat inusable de Dre Dre), faisant de son concert un mix en dents de scie de titres avortés. On ignore à quoi carbure ce Mr 100.000 volts, peut-être tout simplement à l’adrénaline d’un succès inespéré, mais Moha pourrait alimenter à lui seul le festival en électricité propre, lui qui n’a que le mot "sale" à la bouche.
Moha La Squale à fond sur scène dimanche à We Love Green 2018.
 (Laure Narlian / Culturebox)
 
C’est à Tyler The Creator, éminence grise du collectif Odd Future que revenait l’honneur de clôre dimanche ce cycle rap. Un fois encore l’exiguité de la scène Clairière ne nous aura pas permis d’en profiter pleinement. Juché en hauteur, en tenue de chantier jaune fluo, il est devenu moins volubile entre les morceaux que par le passé mais reste une vraie bête de scène. Si celui dont on suivait avidement les moindres faits et gestes il y a 7-8 ans a progressivement disparu de notre champ auditif personnel, ce n’est pas le cas du public très dense venu chanter avec lui ses derniers hits comme "Boredom" et "Who Dat Boy".
https://www.instagram.com/p/Bjj5AVdHW7V/?hl=fr&taken-by=ibeyi2

Une nuée d'artistes avec un pied dans le rap

Alors oui, le rap était partout ce week-end à We Love Green. Mieux : s’ils n’étaient pas rappeurs, beaucoup d’artistes avaient un lien direct avec le rap. Les deux sœurs d’Ibeyi par exemple. Elles étaient invitées sur le très beau titre qui conclut le dernier album d’OrelSan. Ce dernier a d’ailleurs fait une apparition surprise samedi à leur concert pour interpréter ce "Notes pour trop tard".
L'adorable Angèle samedi sur la scène principale de We Love Green.
 (Laure Narlian / Culturebox)

Prenons ensuite la prometteuse chanteuse belge Angèle, qui a su s'emparer samedi de l'espace de la grande scène avec encore plus d'aisance qu’à la Cigale où on l’a vue il y a quinze jours : qui ignore encore qu’elle est la petite sœur du rappeur Roméo Elvis et qu’elle a forgé ses armes scéniques en assurant les premières partie du rappeur Damso ?
Le Londonien Sampha, magnifique samedi sur la scène de la Clairière à We Love Green.
 (Laure Narlian / Culturebox)

Chez les étrangers, c’est la même chose : la jeune anglaise Jorja Smith, qui a confirmé samedi sa très belle voix et sa non moins stupéfiante plastique, a été repérée et a travaillé avec Drake et Kendrick Lamar. Le Londonien Sampha, magnifique samedi à We Love Green, est aussi un familier du rap dont la voix sublime a d’abord été repérée sur des chansons de Drake, Frank Ocean et Kanye West. Quant à The Internet, qui lorgnaient vers le funk à la George Clinton sur la grande scène dimanche, il s'agit d'anciens membres du collectif rap Odd Future de Tyler The Creator. 
La prometteuse anglaise Jorja Smith, samedi sur la scène Canopée de We Love Green.
 (Laure Narlian / Culturebox)

On s’en voudrait cependant de laisser croire que We Love Green s’est soudain transformé en We Love Rap. Les trois figures féminines qui ont brillé dimanche au bois de Vincennes dans des registres totalement différents étaient là pour le rappeler : ainsi,  l'ancienne timide Charlotte Gainsbourg n’a jamais parue aussi détendue et semble avoir enfin trouvé sa voix, et la fantasque Björk a offert un show féérique digne d’une comédie musicale. Quant à la productrice et dj Nina Kraviz, elle a donné en clôture un set techno efficace bien capable d’avoir converti au passage quelques amateurs de rap.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.