Orelsan s'assagit sur "La fête est finie" : première écoute morceau par morceau
Nous avons écouté pour vous le troisième album d'Orelsan sorti vendredi. Voici nos impressions à chaud, morceau par morceau.
Orelsan est de retour vendredi avec un troisième album, son premier en solo depuis six ans. Sur "La Fête est finie", le rappeur normand âgé de 35 ans montre une facette assagie, plus vulnérable, mais avec le moral résolument en berne. Dans ce 14 titres très introspectif, il ose la vraie chanson d'amour, la parodie, les conseils de grand et même les allusions politiques. Premières impressions.
1"San"
Cette première chanson dont le titre signifie "monsieur" en japonais (le monsieur qu’il aspirait à être et n’est pas devenu ?) dresse une sorte de bilan de la vie d’Orel San sur quelques notes de piano. Dans ce texte désenchanté et auto-référencé (certaines paroles font écho à son premier album "Perdu d’avance"), il confie regretter "la magie du début", n’avoir "jamais été aussi perdu" et répète comme un mantra "je ne craquerai pas". Un bilan assez sombre donc, qui plante parfaitement le décor de cet album plus dark que fun : visiblement, oui, la fête est finie.
Meilleure punchline :
"Je ne veux pas rester figé, piégé, dans mon personnage comme une prise d’otage à Disney/Mal vieillir comme un vieux punk, quand tu crois qu’t’es Bart mais t’es Monsieur Burns"
2"La Fête est finie"
On enfonce le clou du spleen et du coup d'oeil dans le rétroviseur avec cette ballade synthétique un poil moins sombre que le titre d'ouverture. A écouter quand le jour se lève et que la fête tire à sa fin.
Meilleure punchline : "Un jour tu te rends compte que personne n'écoute tes histoires/T'étais un jeune cool, maintenant t'es plus qu'un oncle bizarre" et "On était censés changer les choses depuis quand les choses nous ont changés?/On était censés rien faire comme les autres, est ce que tout le monde mentait ?"
3"Basique"
Tout le monde connaît ce single ravageur désormais. Une chanson forte mais, basique musicalement, ultra dépouillée, dont le rythme va s’accélérant.
Meilleure punchline : Il n’y a que ça sur ce titre, alors au harsard : "Les mecs du FN ont la même tête que les méchants dans les films (simple)/ Entre avoir des principes et être un sale con, la ligne est très fine (basique)/ Hugo Boss habillait les nazis, le style a son importance (simple)/ Les dauphins sont des violeurs, ouais, méfie-toi des apparences (basique)"
4"Tout va bien"
Un titre terriblement désabusé sur les faux semblants et accablé par les horreurs du monde, livré comme on raconterait des bobards à un enfant pour ne pas l’affoler. "Dors, dors, petit, tout va bien". Orelsan est ici au bord du chant (et pas loin des larmes). La jolie mélopée orientale qui illumine cette quasi berceuse découragée est co-signée Stromae et Skread.
Meilleure punchline : "Si les hommes se tirent dessus, c’est qu’ya des vaccins dans les balles et quand les bâtiments explosent c’est pour fabriquer des étoiles/ Et si un jour ils ont disparu c’est qu’ils s’amusaient tellement bien, ils sont partis loin faire une ronde, tous en treillis main dans la main."
5"Défaite de Famille"
On a tous encore sur l’estomac des repas de famille qui ne passent pas. Avec sa ribambelle de personnages caricaturaux (la tata autoritaire, le tonton raciste, le beau-frère alcoolo, l'ado "wesh"), ce titre féroce consolera tous ceux qui ont en horreur ces ripailles hypocrites - "il a suffi d'un petit héritage pour qu'on voie vos vrais visages". On parie donc sur un pic de streaming de ce brûlot durant les fêtes de fin d'année. Musicalement, de petites notes féériques sournoises soulignent le contraste avec une réalité pitoyable bien loin du conte de fée.
Meilleure punchline : "Polo, si tu veux m’impressionner c’est pas en roulant des joints compliqués, en utilisant beaucoup trop wesh pour un blondinet/Vu qu’ton père a un problème avec les Arabes, c’est une très belle ironie/Au passage il a moins de chances de mourir du terrorisme que de l’alcoolisme."
6"La Lumière"
Ca commence comme une parodie de Daft Punk. On visualise les deux têtes casquées dont les voix auto-tunées disent "j’sais pas ce qu’ils ont glissé dans mon verre pour que la nuit devienne la lumière." Et puis, surprise, la chanson se mue aussitôt en parodie de PNL - à moins qu’il ne s’agisse d’un hommage ? Hum. L’instru et ses nappes synthétiques planantes sont clairement calquées sur celles des frangins des Tarterêts. Même les paroles du refrain, "j’aurai plus jamais froid, je serai plus jamais seul", résonnent comme la géniale parodie de PNL du Palmashow.
Meilleure punchline : "L’univers a changé elle est dans chaque pensée/ Le cœur bat trop fort, la terre commence à trembler / Deux verres dans les mains / Un pour moi un pour mon destin/ J’linvite à danser comme si j’savais le faire/ Elle prend ma main, elle prend ma vie entière".
7"Bonne meuf"
Dans cet album plutôt dépressif, c’est sans doute le titre le plus drôle. Sur un gimmick très similaire à celui de Basique, Orelsan fait de l’auto-dérision vacharde en ping-pong avec une voix féminine synthétique. Un exercice de style régressif et jubilatoire qu’il a entièrement réalisé (et dont la musique semble néanmoins empruntée à Fakear, de Caen lui aussi).
Meilleure punchline : "J’ai même insulté les "bonnes meufs"/Dans des chansons sur les "bonnes meufs"/Qui m’ont rendu connu comme une "bonne meuf"/Mais j’crois qu’jsuis devenu une "bonne meuf "/On me parle dans la rue comme une "bonne meuf"/On me suis dans la rue comme une "bonne meuf" (…)/ J’fais gaffe à mon image comme une "bonne meuf "/Alors j’fais des régimes comme une "bonne meuf" (…) Maintenant j’pourrais baiser plein de "bonnes meufs"/Sauf qu’entre temps j’ai trouvé la "bonne meuf"/ Donc je m’en bat les couilles des "bonnes meufs".
8"Quand est-ce que ça s'arrête"
Sur le thème de l'impossibilité d'être comblé quoi qu'on fasse, y compris lorsqu'on accède à la célébrité, ce titre pourrait être le "I Can't Get No Satisfaction" d'Orelsan. Musicalement, le titre rappelle le style de Petit Biscuit mais c'est le talentueux Guillaume Brière de The Shoes qui est aux manettes.
Meilleure punchline : "T'aimais mieux quand j'étais moins connu, sauf que tu me connaissais pas non plus".
9"Christophe" (featuring Maître Gims)
Voilà un titre qui nous a d'abord laissée perplexe. S'agit-il d'un "poke" ou d'une méchante pique contre Christophe Maé et Keen V ? La clé est à chercher du côté du refrain : "J’aurais pu sauver la vieille France, sauver la patrie de mon enfance, donner aux racistes de l’espoir, mais j’fais de la musique de noir". Malgré tout, on attend des éclaircissements sur ce qui ressemble à un petit délire entre copains. Musicalement nous voilà téléportés direct sur un album de Maître Gims : le même son, les mêmes rythmes.
Meilleure punchline : désolée, elle n'est pas imprimable ici.
10"Zone" (featuring Nekfeu et Dizzee Rascal)
"Laissez moi j’suis dans ma zone, j’ai rien fait par rapport à mes ambitions" : encore un titre bien dépressif "hanté par le passé" à l’instru menaçante très cinématique signée Skread. Si Orelsan s’amuse à marier son nom avec celui de Nekfeu – "Neksan, Orelfeu" - la fusion ne se fait pas, chacun livrant son couplet à la queue leu leu. Côté vélocité et nombre de syllabes à la minute, c’est Dizzee et Nekfeu qui se tirent la bourre : quand ces deux tueurs du micro prennent leur tour, Orelsan paraît hors jeu. Si ce titre vous déçoit à la première écoute dites vous une chose : c’est le genre qui vous gagne et triomphe à la fin.
Meilleure punchline : "J’faisais ça pour le kiff à la base, j’faisais mes clips et mes disques à l’arrache/ Mais comme d’hab il y a toujours un type qui a la rage, un truc de business qui détruira la vibe/ Yes, j’ai vu la célébrité comme un mirage, plus qu’un album et j’me fais refaire le visage."
11"Dans ma ville, on traîne"
Cet hommage sensible et très imagé à son fief, Caen, a tout pour devenir un hymne tant la description déprimante qu’il en fait est universelle, commune à la majorité des villes moyennes françaises. "Dans ma ville on traîne entre le béton, les plaines, dans les rues pavées du centre où tous les magasins ferment/On passe les week-ends dans les zones industrielles près des zones pavillonnaires où les baraques sont les mêmes". Musicalement, Skread lorgne vers Londres, la drum'n'bass et le UK Garage, tandis que le phrasé d’Orelsan progresse sur le beat sans temps morts : bonne pioche.
Meilleures punchlines : "Ma ville est comme la première copine que j’ai jamais eue/ J’peux pas la quitter pourtant j’passe mon temps à cracher dessus" et "On a trainé dans les rues, taggué sur les murs, skaté dans les parcs, dormi dans les squares, vomi dans les bars, dansé dans les boîtes, fumé dans les squatts, chanté dans les stades, traîné dans les rues."
12"La Pluie" (featuring Stromae)
Sur le papier, ça a de la gueule : Orelsan sur une instru de Stromae, avec Stromae en featuring. C’est donc logiquement un des titres les plus attendus de cet album. Du coup, il déçoit un peu, en tout cas à la première écoute. Contrairement à l’empreinte très forte que l'auteur de "Papaoutai" avait laissé sur ses dernières productions pour Disiz, on ne retrouve pas instantanément ici sa patte; juste le côté très appuyé et obsédant du refrain, avec un saxophone pour réchauffer l’ensemble. Ca ferait sans doute un bon tube mais on grelotte quand même, d'autant qu'Orelsan continue sa complainte, et perso on a vite eu envie de passer à la suivante.
Meilleure punchline : "La classe moyenne, moyennement classe où tout le monde cherche sa place/ Julien Clerc dans le monospace, je freestylais dans ma tête sur le bruit des essuie-glace."
13"Paradis"
"J'avais un petit diable sur mon épaule, maintenant j'ai ta tête sur mon épaule", résume Orelsan dans cette chanson d'amour sur laquelle il chante plus qu'il ne rappe. Ici, l'obsédé textuel nous apprend qu'il est en couple depuis 7 ans et tend fermement la main aux femmes : à celles qui s'étaient distancées, dégoûtées par ses violentes tirades misogynes passées, il montre qu'il a aussi un petit coeur.
Meilleure punchline : "J'vois pas pourquoi tu t'inquiètes quand tu prends du poids/ Pour moi c'est ça de pris, ça fait toujours plus de toi".
14"Notes pour trop tard" (featuring Ibeyi)
L'album se referme sur ce texte magistral, ponctué des choeurs purs des frangines d'Ibeyi, dans lequel Orelsan se pose en grand frère pour la nouvelle génération. A 35 ans, Aurélien a connu son lot de déboires et appris quelques leçons, de quoi livrer une poignée de conseils bien sentis. "Le passage à l'âge adulte est glissant dans les virages/ Devenir un homme ya pas d'stage, pas d'rattrapage" mais vous pouvez vous fier à oncle Orelsan. Jeunes auditeurs, prenez des notes.
Meilleure punchline : "Autre chose que tu dois savoir : tu baiseras pas, ce soir/ Une fois qu't'auras compris ça, ça t'enlèvera un poids/ Parce que t'as beaucoup trop la dalle et ça va s'voir/ Parce que t'es beaucoup trop timide, tu vas beaucoup trop boire/ Apprends à la fermer, t'auras l'air mystérieux/ Apprends à t'vendre un peu mieux, tu baiseras dans un mois ou deux."
"La fête est finie" d'Orelsan sort vendredi 20 octobre (Wagram Music)
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