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"WAP", le clip de Cardi B qui chante crûment le désir féminin, choque les conservateurs américains

"WAP", le clip des rappeuses américaines Cardi B et Megan Thee Stallion, choque les conservateurs américains, ce qui ne l'a pas empêché de devenir un des tubes de l'été.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Cardi B à Los Angeles, le 22 juin 2020 (IMAGE PRESS AGENCY / SIPA)

Une ode au désir féminin, accompagnée d'images défiant les règles habituelles de la pudeur : WAP, clip de la rappeuse Cardi B en collaboration avec Megan Thee Stallion, est devenu un des tubes de l'été, au grand dam des conservateurs américains.

La plupart des paroles de WAP - y compris son titre, une abréviation argotique qui évoque un vagin lubrifié - sont particulièrement crues. Musicalement, la chanson sortie mi-août est assez basique, bâtie autour d'un air contagieux apparu dans les années 1990 dans une boîte de nuit de Baltimore, Whores in This House, de Frank Ski.

Mais Cardi B, 27 ans, ancienne stripteaseuse originaire du Bronx, et Megan Thee Stallion, 25 ans, originaire du Texas, prennent un malin plaisir à marteler les paroles les plus osées. Et dans la vidéo, les deux rappeuses déambulent en talons aiguille et bodys déshabillés, dans le décor kitsch d'une riche demeure, entre félins et serpents.

Des voix conservatrices crient au scandale

Beaucoup de critiques en ont fait la louange, alors que le tube devenait viral sur le réseau TikTok. Mais à l'approche de la présidentielle américaine, des voix conservatrices ont crié au scandale.

"WAP (que j'ai entendu par hasard) m'a donné envie de me verser de l'eau bénite dans les oreilles", a tweeté James Bradley, républicain de Los Angeles qui briguera le 3 novembre un siège à la Chambre des représentants. Ben Shapiro, éminent éditorialiste conservateur, a lui dénoncé la vidéo comme une régression pour le mouvement féministe, ce qui lui a valu de nombreuses moqueries.

Tout cela n'a fait que doper le succès de WAP. "Ils parlent, ils parlent et les chiffres augmentent", déclarait récemment Cardi B, une fan du socialiste Bernie Sanders qui soutient désormais le démocrate Joe Biden pour la présidentielle.

Certains sur les réseaux sociaux ont fait remarquer que les mêmes conservateurs soutenaient un président, Donald Trump, qui s'était vanté, en des termes tout aussi vulgaires, d'"attraper les femmes par la chatte".

"Une femme qui parle de plaisir sexuel est immorale"

Pour Sherri Williams, spécialiste des médias à l'American University de Washington, les critiques étaient prévisibles. "Le patriarcat punit toujours les femmes qui parlent de leurs expériences sexuelles", explique-t-elle à l'AFP. "Une femme victime d'agression sexuelle se voit reprocher son comportement ou sa tenue. Une femme qui parle de plaisir sexuel est immorale."

L'hypocrisie va encore plus loin, selon l'universitaire, quand on considère que les deux rappeuses sont noires, et que les femmes noires ont longtemps été traitées comme des marchandises, comme esclaves ou comme cobayes de recherches gynécologiques. La vidéo va aussi à l'encontre de l'idée que le féminisme appartient avant tout aux "femmes blanches, hétérosexuelles et aisées", souligne Sherri Williams.

Politiquement engagée, jeune maman sans complexe face à son succès, Cardi B incarne les idéaux du féminisme, mais "comme c'est une ancienne stripteaseuse, venue de la téléréalité et des classes populaires (...), certains refusent de la considérer comme féministe", dit-elle encore.

Un "nouveau repère culturel"

L'éminente gynécologue et éditorialiste Jen Gunter s'attendait elle aussi aux critiques. "Dans notre société, il est honteux pour une femme de parler de son corps", avance-t-elle. "Il n'y a rien de plus dangereux pour les hommes faibles qu'une femme qui revendique sa sexualité." Pour elle, WAP est un "nouveau repère culturel", qui permettra de démonter les fausses informations sur la sexualité féminine et d'aider les femmes qui ont du mal à accepter leur corps. Il est rare que la culture populaire "évoque le vagin de façon constructive", analyse-t-elle. WAP permet "aux femmes de s'exprimer comme les hommes le font - je pense c'est un formidable pas en avant".

Après le discours de la première dame Melania Trump à la convention républicaine mardi 25 août, une candidate républicaine au Congrès, DeAnna Lorraine, a estimé dans un tweet que l'Amérique avait "besoin de beaucoup plus de femmes comme Melania Trump, et de beaucoup moins de Cardi B". La rappeuse new-yorkaise lui a répliqué en tweetant une vieille photo dénudée de la "First Lady", ancienne mannequin, en concluant : "C'est tout ce que je dis."

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