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Youssoupha emballe et surprend avec son 5e album "Polaroïd Experience"

"Ceci n'est pas un album, c'est une putain d'expérience". Voici résumé en quelques mots le concept de "Polaroïd Experience", cinquième album studio très réussi de Youssoupha sorti vendredi 28 septembre. Un disque différent des précédents, sans aucun invité, qui marque un tournant dans le parcours du rappeur. Voici trois bonnes raisons de l'écouter.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le rappeur français Youssoupha en 2018 pour "Polaroïd Expérience".
 (Fifou)
1.
Youssoupha s'essaye au chant. Et ça marche !

A 39 ans, Youssoupha n'a plus rien à prouver. Avec un album disque d'or et un autre de platine à son actif, son succès est acquis. De quoi se sentir libre de se faire plaisir et d'expérimenter au cinquième album. Et plus particulièrement de s'essayer au chant. Il n'est pas le premier rappeur à moduler sa voix mais sa tentative est convaincante.

Malin, le rappeur avec un cheveu sur la langue y va doucement, progressivement, sur ce nouvel album. Sur l'excellent second titre, le freestyle "La Cassette", Youssoupha module un tout petit peu, mais on reste sur une scansion rap. Sur la troisième chanson "Devenir vieux", il y va plus franchement, mais uniquement au refrain. C'est au quatrième titre, "M'en aller", une chanson de rupture amoureuse au rythme afro-latino entraînant lorgnant sur Maître Gims, qu'il se lâche totalement avec le filet de sécurité (et le timbre nasillard) de l'autotune. Cependant, c'est sur "Par amour", un hymne à la tolérance, que sa voix douce ne se cache plus et donne enfin toute sa mesure. Les entêtants "Devant" et "Mourir ensemble", achèvent de convaincre.

Au cinquième album, Youssoupha arrive à surprendre encore. Et si son chant en rebute certains, il devrait faire tomber dans ses bras quelques bataillons de nouveaux fans.

2.
Une écriture ciselée bourrée de punchlines

Si Youssoupha chante désormais, il ne lâche rien côté textes. Lui qui avait obtenu à l'oral de français la meilleure notre de l'académie de Versailles, reste un parolier inspiré. Et comme il a beaucoup à dire, les punchlines se récoltent encore à la pelle sur cet album. Des exemples ?

La plus poétique
C'est bien l'esprit qui cherche mais c'est toujours le cœur qui trouve
(à la fois sur "Devant" et sur "Le jour où j'ai arrêté le rap")

La plus engagée
J'suis l'ennemi de Valls, j'suis l'ennemi de Macron
J'suis l'ennemi de Ménard, j'suis l'ennemi de Marion
J'suis l'ennemi de la République de François Fillon
J'suis l'ennemi de la Françafrique et de ses millions
(...)
Mais putain j'attends que les poings se brandissent
Les grands hommes ne naissent pas dans la grandeur
Non, ils grandissent
("Polaroïd Experience")

La plus egotrip
"Sur mon album y'a pas de feat, j'suis en feat avec moi-même"
(...)
Ce game a un goût d'strip-tease, j'suis tellement devenu le boss
Si j'avais fait du rock, je serais Bruce Springsteen"
("Le jour où j'ai arrêté le rap")

La plus imagée
Regarde, regarde, regarde ma pochette
J'suis tout p'tit avec une grosse tête
Avant de débarquer sur Paname
Michael Jackson dans le walkman
Trop peu, trop peu d'love en bas d'la tess
Des films porno en VHS
("La cassette")

La plus amère
C'est plus facile quand t'es blanc: demande à Vald, demande à Orelsan ou Nekfeu
Il faut l'admettre, pas besoin que quelqu'un m'aide, trop re-noi pour gagner aux Victoires de la musique de merde
("Alleluia / 1989")

3.
De très belles chansons

Cet album, cela saute aux oreilles dès la première écoute, contient plusieurs pépites du genre durables.

Il y a d'abord "Polaroïd Experience", première du disque. Elle n'est pas la chanson titre par hasard : pleine comme un œuf, elle semble contenir toutes les autres. Youssoupha y jette pêle-mêle son passé, son présent, son "amour fois mille" pour le public et sa famille élargie, ses engagements, ses espoirs, ses réflexions sur l'humanité, sur la spiritualité et sur le rap… Sur une instru délicate, cinématique et presque jazz, signée du fidèle Cehashi, le rappeur cavale, cavale, vide son cœur, vide sa tête, donne tout, c'est impressionnant.

Il y a ensuite "Devenir vieux", une chanson extrêmement personnelle tout aussi dense sur le fait de se sentir devenir ringard s'en s'être jamais vu vieillir. Toujours sur une instru subtile, presque new age, de Cehashi, Youssoupha s'essaye au chant sur le refrain.

"Moi, j'suis trop vieux pour faire des clips dans un hall d'immeuble
J'suis pas d'humeur, j'm'écroule en moins d'une heure
J'suis pas à l'écoute, ni des tendances cool, ni des rumeurs
Je meurs, le temps me catapulte, j'ai l'impression de devenir vieux, sans jamais avoir été adulte"

Remarquable également, le tube potentiel "Mourir Ensemble", une petite merveille à l'équilibre rap-chant parfait, qui dénonce la connerie générale sur un rythme dansant et un gimmick entêtant à la Stromae.

Et puis, outre la brève surprise afro trap chantée en lingala "Niama Na Yo", il y a notre gros coup de coeur pour le freestyle à la fois drôle et nostalgique de "La cassette", où les souvenirs remontent à la vue de photos d'époque.

Un extrait de "La Cassette"

"Polaroïd Experience" de Youssoupha (Bomayé Musik) est sorti vendredi 28 septembre 2018
Youssoupha est en concert à Paris le 18 avril Salle Pleyel

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