Cet article date de plus de trois ans.

Rétribution du streaming musical : changer de répartition serait-il forcément plus égalitaire ?

Le Centre national de la musique s'est penché sur le système, de plus en plus décrié, de rétribution des artistes par les plateformes de streaming musicales. Il en a conclu qu'un changement du système de répartition ne permettrait pas aux artistes qui perçoivent peu aujourd'hui de gagner davantage. 

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une jeune femme écoute de la musique au casque. (ULLSTEIN BILD DTL. / GETTY IMAGES)

C'est une petite musique de grogne qui se fait de plus en plus insistante depuis l'an dernier : les artistes, fragilisés plus que jamais par la crise sanitaire, se sentent spoliés par les plateformes de streaming musical. Ces dernières sont accusées d'avoir un système de rémunération opaque et inégalitaire qui privilégierait les plus gros artistes au détriment des plus petits. 

Mais changer le système de répartition des plateformes musicales, en passant du pot commun aux écoutes par artiste, impacterait peu la rétribution des musiciens actuellement marginalisés. C'est en tout cas la conclusion du Centre national de la musique (CNM) après une étude du cabinet Deloitte.

Comment fonctionne aujourd'hui la répartition des revenus du streaming ?

Aujourd'hui, un abonné qui paye 10 euros mensuels et écoute peu de fois ses chanteurs favoris voit une grande partie de cette somme migrer vers d'autres artistes beaucoup plus streamés (par les abonnés en général). C'est ce qu'on appelle le "market centric" (pro rata des écoutes totales), opposé au modèle théorique du "user centric", qui s'appuierait sur les écoutes individuelles des abonnés.

Les grands gagnants actuels se concentrent dans un cercle fermé de poids lourds comme Drake ou Ariana Grande. La fronde de la majorité des autres artistes, y compris des figures comme Robert Smith, de The Cure ou Nile Rodgers de Chic, est montée ces derniers mois sur les réseaux sociaux.

"Certains seront peut-être déçus de voir que, si on passait au user centric, les changements en valeur absolue pour la plupart des artistes ne représenteraient pas grand-chose", assure Jean-Philippe Thiellay, président du CNM, instance qui chapeaute la filière musicale française

Cela changerait quoi de s'appuyer sur les écoutes individuelles ?

Dans les conclusions de l'étude, Jean-Philippe Thiellay note d'abord qu'un passage au user centric "aurait pour effet de fortement atténuer les redevances touchées par le Top 10 artistes (-17,2 %), de stabiliser le milieu du classement avec une faible augmentation des redevances perçues et de permettre aux artistes les moins écoutés (en dessous du 10.000e rang) de profiter d'une augmentation de leurs redevances (+5,2 %)".

En termes de genres musicaux, "la musique classique (+24 %), le hard rock (+22 %), le blues (+18 %), le pop rock (+17 %), le disco (+17 %) et le jazz (+10 %) bénéficieraient d'augmentations importantes en pourcentage, tandis que le rap (-21 %), le hip hop (-19 %) verraient leurs redevances baisser", détaille-t-il.

Mais, comme il l'écrit, "l'impact du user centric en valeur relève du symbolique pour la plupart des catégories analysées. Les pourcentages de hausse élevés, par exemple pour le classique, s'appliquent à des assiettes tellement faibles, que, en valeur, on est dans l'épaisseur du trait".

"Au-delà du 10 000e artiste le plus écouté, tous genres musicaux confondus, l'impact serait au maximum de quelques euros par an en moyenne par artiste (...). Ceux qui recevaient peu des plateformes de streaming ne gagneraient pas davantage", souligne-t-il encore.

Que faire alors ? Engager un débat avec l'ensemble des acteurs

"On considère essentiel que ce débat (sur le mode de répartition NDLR) ait lieu", assure de son côté Antoine Monin, responsable chez Spotify, qui a, tout comme Deezer, joué le jeu pour cette étude de Deloitte - Apple et Amazon refusant pour leur part d'y participer. Mais le mode user centric "ne résoudrait pas tout", souligne-t-il.

"Il ne faut pas oublier que les plateformes ne rétribuent pas directement les artistes, cela se fait par l'intermédiaire des maisons de disques. Une réflexion sur un autre modèle de rémunération ne pourra se faire qu'avec tous les acteurs : artistes, auteurs, compositeurs, labels, distributeurs, sociétés de gestion collective, etc", continue Antoine Monin.

"Le combat pour les artistes qui réclament une meilleure rémunération est ailleurs, et le CNM va étudier différentes pistes", promet Jean-Philippe Thiellay.  Dans ses conclusions, ce dernier demande aussi que "soient clarifiés (les) mécanismes" des playlists soupçonnées d'orienter les choix des utilisateurs vers des genres dominants (rap, r'n'b, etc) ou vers de la musique d'ambiance au kilomètre parfois générée par ordinateur.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.