Johnny Marr, Eels, Jeanne Added et Balthazar ont brillé dans l'ombre de The Cure vendredi à Rock en Seine
Marquée par le concert événement de The Cure, la première journée très ensoleillée de Rock en Seine a réservé une multitude d'autres bonnes surprises.
Après une première journée un peu boudée l'année dernière pour cause notamment de PNL en tête d'affiche qui n'était pas du goût de certains aficionados du festival, les programmateurs de Rock en Seine ont préféré miser sur quelques valeurs sûres du rock en ce vendredi d'ouverture. En locomotive incontestée, The Cure a donné un concert magistral dont nous avons fait le compte rendu complet, mais d'autres artistes ont attiré notre attention.
Johnny Marr : un revival réjouissant des tubes des Smiths
Pas facile de placer des chansons récentes dans un concert d’une heure quand on a la discographie de Johnny Marr. L’ancien guitariste des Smiths a livré une prestation endiablée sur l’une des plus (trop) petites scènes de Rock en Seine.
Reconverti chanteur, Johnny Marr a entamé son show par The Tracers, issue de son dernier album Call The Comet. Introduction efficace, mais pas aussi populaire que le tube Bigmouth Strikes Again des Smiths, qu’il choisit de jouer ensuite. Le public est réveillé et danse, les mains se lèvent, la communion peut commencer. Les quelques chansons solo de Johnny Marr rencontrent un vrai succès dans la foule, comme Get The Message et une version très rock de Getting Away With It de son ancien groupe Electronic. Une reprise de I Feel You de Depeche Mode surprend et réjouit une partie des spectateurs.
La foule exulte réellement lorsque le guitariste virtuose redonne vie aux chansons des Smiths. Après How Soon Is Now ?, Johnny Marr reprend This Charming Man, déclenchant de nombreux cris de joie et un mini pogo. Mais sur la grande scène, il ne reste que 20 minutes avant le concert de The Cure. Des spectateurs quittent le concert, du regret plein les yeux et se retournent régulièrement pour profiter encore un peu de la performance du guitariste. Celui-ci achève son show sur l’inévitable There Is A Light That Never Goes Out, qui distille une belle dose de nostalgie mélancolique avec une véritable ovation à la clé. Entre Johnny Marr et son public, il y a bien une lumière qui ne s’éteindra jamais. Un énorme coup de coeur.
Regardez le concert de Johnny Marr vendredi 23 août sur la scène 4 vents.
Tous en choeur avec Jeanne Added
Robert Smith et sa bande voulaient bien signer en exclusivité française à Rock en Seine, à condition que l'artiste qui les précedait sur la Grande scène soit à la hauteur. Il s'agissait de Jeanne Added. Ils ont écouté et trouvé ça très bien. Or, on peut le dire, c'était encore mieux que prévu. Car la chanteuse française a concocté un spectacle unique avec les choeurs Accentus, un prestigieux ensemble vocal.
Et c'est ainsi que Jeanne Added a véritablement fait vibrer, avec un son d'une rare puissance, la scène principale du festivall. La chanteuse a très progressivement fait monter le tempo. Puis est arrivé un de ses titres phares, Radiate. Sur scène, la chanteuse dévoile une incroyable énergie communicative. Quand elle entame Mutate, c'est tout simplement explosif. Les spectateurs dansent et tapent généreusement dans leurs mains, d'autres se placent plus loin, à l'ombre, étendus dans l'herbe.
Entraînante sur des sons plus pop, lancinante sur des tonalités électro, Jeanne Added offre à Rock en Seine un très beau moment, tout simplement. L'ensemble de chœur Accentus donne une profondeur supplémentaire à ses chansons, même si sa voix profonde se suffit à elle-même. "Elle a une voix terrible", complimente une fan. Très vite vient l'heure du rappel, Suddenly you need more (…) Just want to do it again, chante Jeanne Added. Deux fans qui crient dans la foule "Jeanne, on t'aime !"
La fèvre Balthazar
Alors que les premières notes de Balthazar résonnent à 17h pétantes en ce vendredi très ensoleillé, on a une petite pensée pour les fans de Cure qui attendent sous le cagnard depuis trois heures, sans musique, agglutinés devant une scène déserte. Ils devront patienter encore mais en belle compagnie car c’est le groupe belge Balthazar qui inaugure la grande scène cette année.
Sourire aux lèvres et l’oeil rieur, les cinq musiciens flamands entament leur set avec un morceau très symbolique, Blood Like Wine, véritable hymne qui a marqué leur excellent premier album Applause (2010). Maarten Devoldere et Jinte Deprez, le deux leaders-chanteurs qui se connaissent depuis le lycée, prennent un malin plaisir à se succéder au micro, alternant poses de crooners et de rockers, bien décidés à embarquer le public dans leur fièvre musicale. Car c’est quasi exclusivement des titres de leur dernier album Fever qui seront joués ce soir. Un disque à la teinte plus groovy et chaloupée que les précédents qui fonctionne à merveille dans la torpeur de l’après midi.
Maarten quitte la scène pour se balader dans le public qui répond bien volontiers à toutes les sollicitations. Malgré le léger changement de style du groupe et une période de séparation due à des projets personnels des deux leaders un peu fatigués par les tournées incessantes (le très réussi Warhaus pour Maarten Devoldere et un bel album sous le nom de J. Bernardt pour Jinte Deprez), Balthazar garde tout le charme de sa nonchalance festive, qui fait mouche à chaque fois, dans les petits salles et les grands festivals comme ce soir à Rock en Seine.
Les reprises surprises de Eels
Ceux qui en étaient restés aux gentilles mélodies de Eels, celles de l'icônique album des années 90 Beautiful Freak, vont découvrir ce soir une toute autre facette de la bande de Mark Oliver Evereett. Avec ses éternelles lunettes noires et une corne de brume de supporter de foot à la main, l'âme du groupe fait son entrée avec trois camarades de jeux en pantalons rouges, rigolards et visiblement prêts à en découdre vu les premiers riffs énergiques de Out in the Street. Car c'est avec une reprise (celle du vieux titre des Who, pas celui de Springsteen) que débutent les hostilités.
Voix mûre et éraillée sur grosses guitares et franches rythmiques, la recette fonctionne à merveille sur un public qui arrive en masse depuis la grande scène ou vient de se terminer le concert flamboyant de Jeanne Added. Deuxième morceau et deuxième surprise, avec une nouvelle reprise, encore plus surprenante : Prince et son Raspberry Berret dans une réjouissante version bluesy un peu grasse. On a l'impression de voir sur scène de vieux potes qui se font plaisir en reprenant leurs morceaux préférés. Le groupe a tout de même un nouvel album à défendre, The Deconstruction, et c'est avec Bone Dry que les cinq compères font momentanément redescendre un peu la température.
Ce sera de courte durée car une bonne partie de la discographie de Eels de 1996 à aujourd'hui est représentée ce soir avec évidemment une mention spéciale pour le tube Novocaine for the soul repris en choeur par des fans de tous âges. Ces efficaces versions brutes de décoffrage laissent la place à de facétieuses digressions comme une parodie de défilé de mannequins et une présentation pleine d'humour des musiciens durant laquelle Mark Oliver Everett commence par se présenter lui-même "Me ! Me ! Me !", (une blague qui repose toutefois sur une vérité, le groupe, c’est effectivement lui et différents musiciens se greffent sur ses idées depuis 1995).
Le concert se termine dans une simulation de hug collectif avant que le groupe, sans son chanteur, se lance dans une mini reprise de The End des Beatles. Lors de cette tournée, Eels reprend aussi parfois les Stones ou Brian Wilson sur scène. Difficile de tout faire en une heure de show. Séance de rattrapage possible pour une deuxième date en France le 10 septembre à Lyon.
Bagarre prêt à tout cramer
Alors que les guitares de The Cure affolent les fans en délire du côté de la Grande scène, Bagarre s’apprête à faire son entrée sur celle des 4 Vents. Le quinquet nous avait confié regretter de passer à côté des Cure mais une fois sur scène, plus rien de cela ne compte, le public est au rendez-vous… "Puisque tout est foutu et que l'Amazonie est en feu, on peut tout brûler ce soir à Paris" !
Ce vendredi, le groupe aux relents punk valse entre les genres et transmet son énergie incandescente aux festivaliers. Les membres de Bagarre sont tour à tour chanteur, batteur ou encore bassiste et semblent connaître le secret pour enflammer un public. Pogo dans les airs et slogans subversifs : "index à l'envers, gloire à l'amour solitaire"... Et gloire à Bagarre, qu'on retrouvera à l'Olympia en novembre, avec un deuxième album, dont ils n'ont encore rien dévoilé.
Le cri de détresse punk de We Hate You Please Die
“On est ni en groupe joyeux, ni un groupe triste, on est juste des gamins en colère”. Voilà un groupe comme il en existe peu sur la scène rock française. A la croisée du hardcore, du garage et du rockab, We Hate Please Die (un nom qui en dit long) met le feu à la pelouse dès le premier morceau.
Avec une parité parfaite (deux filles, à la basse et à la batterie et deux garçons, au chant et à la guitare), une parité de hasard et d'amitiés, le jeune groupe se déchaîne sur une scène des 4 vents écrasée de soleil. Rien ne semble pouvoir freiner leur énergie phénoménale : le chanteur, comme possédé, se lance dans la foule en délire, et le public prend rapidement le tempo au rythme d'un pogo.
Le groupe originaire de Rouen n’hésite pas à lâcher de petites piques: “on est super contents d’être là, c'est lopulence à Rock en Seine, même s’il faut fermer les yeux sur les sponsors genre Coca-Cola et Nestlé... Nique le grand capital”. On retiendra le charisme du chanteur moustachu aux chaussettes rouges,dont le côté déconneur cache mal la sensibilité : "Il n'y a pas longtemps on jouait encore dans des caves. Bon, je ne vais pas vous faire le couplet Oliver Twist", s'excuse-t-il, le sourire jusqu'aux oreilles. On retiendra aussi le son minimaliste et ramassé de la guitare et de la basse ainsi que l’héroïsme de la batteuse, qui a tenu une cadence infernale sous un soleil de plomb avant de dézinguer rageusement ses fûts au moment de quitter la scène. Si un retour du rock se profile doucement, on mise tout sur cette urgence à l'os. Notre gros coup de cœur de cette première journée.
Regardez le concert de We Hate You Please Die vendredi sur la scène 4 Vents.
La voix singulière de Silly Boy Blue
La toute nouvelle scène des 4 vents est encore déserte en ce début d’après-midi lorsque débarque Ana Benabdelkarim alias Silly Boy Blue. Seule sur scène, la jolie brune qui tire son nom d’un titre de David Bowie, attire en un clin d’œil une petite foule solide. Personne ne semble pourtant la connaître. Comme des marins à la dérive attirés par le chant des sirènes, les festivaliers répondent à l’appel de sa voix irrésistible, à la fois fragile et puissante.
Penchée sur un petit clavier, dont elle tire des berceuses électroniques mélancoliques, ou sur une guitare aux notes liquides qu’elle empoigne avec hargne, elle laisse aussi régulièrement son home studio portable envoyer seul la musique tandis qu’elle occupe le devant de la scène au micro. A raison, elle mise beaucoup sur sa voix. “Je suis très honorée de chanter à Rock en Seine et surtout le même soir qu’un certain groupe que j’aime beaucoup”, dit-elle en désignant son T-shirt aux armes de The Cure.
Française, Silly Boy Blue chante en anglais des histoires d'amour douloureuses qui sentent la rage et la détresse du vécu. Sensible et impliquée, elle souligne son propos de grands gestes des bras et de trépignements charmants. Son humour achève de nous convaincre : on reverra cette fille prometteuse.
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