Cinq fois où David Bowie a été censuré, à voir à l'expo "Bowie Odyssée" au Palace
En repoussant toujours plus loin les limites, David Bowie a affronté plusieurs fois la censure. Alors que l’homme aux mille visages fait l’objet d’une exposition de fans au Palace à Paris jusque fin août, retour sur quelques censures notoires dont il a fait l’objet.
C’est Jean-Charles Gautier, l’un des plus grands collectionneurs au monde de documents et d’objets sur David Bowie qui nous sert de guide pour ces censures petites et grandes classées par ordre chronologique dont on trouve la plupart des originaux à l’exposition Bowie Odyssée à voir au Palace jusqu'à la fin août.
Le Vasarely de la pochette de "Space Oddity" (1969)
"David Bowie sort en 1969 l’album Space Oddity sur Philips en Angleterre. Sur la pochette, on voit la photo d’un Bowie juvénile à la chevelure bouclée, avec une œuvre de l’artiste hongrois Victor Vasarely en fond", rappelle Jean-Charles Gautier. "Lorsque les épreuves arrivent aux Etats-Unis chez le label Mercury, ils décident aussitôt de remplacer l’œuvre de Vasarely par un fond bleu neutre. Pourquoi ? Non pas pour une question de droits mais parce que Vasarely était un farouche partisan du communisme". Bien que l’époque du Maccarthysme soit terminée depuis une dizaine d’années, le communisme restait malvenu en Amérique. Dans la foulée, Mercury changea aussi le titre de l'album en Man of Words/Man of Music."
La pochette de "The Man Who Sold The World" (1970)
"Cet album a eu quatre versions de pochettes différentes", détaille Jean-Charles Gautier. "Le tirage anglais original de cet album montre Bowie vêtu d’une robe, assis sur un canapé dans une position lascive, en train de distribuer des cartes par terre. L’idée provocante de Bowie avec cette photo de Keith MacMillan, est celle d’un androgyne qui ferait la pluie et le beau temps sur la planète, une entité gérant ce qu’on appellerait aujourd’hui "le nouvel ordre mondial". Les Américains ont bien entendu refusé cette image et ont produit un autre visuel, celui d’un dessin de cowboy armé d’un fusil, qui a peu à voir avec l’esprit du disque."
"La pochette allemande de l’époque, elle, est un peu plus percutante. Il s’agit de ce qu’on appelait sur le marché la world cover. On y voit un dessin de Bowie avec une main en train d’envoyer une pitchenette sur la planète. L’année suivante, lorsque Bowie est passé de Mercury au label RCA, l’album a été réédité avec la pochette en noir et blanc que tout le monde connaît désormais, une photo de Brian Ward sur laquelle Bowie apparaît en pied, guitare en bandoulière, en train de lever haut la jambe gauche."
La pochette de "Diamond Dogs" (1974)
"La pochette de cet album est un dessin du Belge Guy Peellaert montrant Bowie avec un corps de chien", rappelle notre guide. "Son dessin original comportait les parties génitales de l’animal. L’histoire dit que lorsque RCA aux Etats-Unis a eu en mains le visuel ils ont dit : il est hors de question de sortir une telle pochette et ils ont gommé les parties en cause. Mais entre temps, les représentants de la maison de disques avaient entamé leur tournée chez les disquaires et laissé en promo quelques épreuves en vue de repasser prendre les commandes. Quelques jours plus tard, les managers ont dit vous me rapatriez tous les représentants avec leurs stocks et on passe tout au pilon. Quelques copies originales ont quand même subsisté, une petite vingtaine. Récemment une copie mise aux enchères à 7 000 dollars s’est envolée à 30 000 dollars".
"Par ailleurs, un autre dessin de Guy Peellaert, repris d’une photo de Terry O’Neill, devait figurer sur le rabat intérieur. Refusé lui aussi du fait des parties génitales du chien et de l’agressivité générale de l’image. Mais à l’exposition on a le poster promo, rare à trouver en bon état."
La PLV (Publicité sur le Lieu de Vente) de "Young Americans" (1975)
"La pochette de Young Americans, qui montre un Bowie lissé, gentil, une cigarette à la main, presque normal, est totalement contraire à l’esprit sulfureux du disque", remarque Jean-Charles Gautier. "Car il évoque sur cet album tout ce que l’Amérique se refuse à voir concernant sa jeunesse : la drogue, le sexe, la guerre, la corruption. Pour ça, Bowie voulait illustrer la pochette par une photo que l’on voit en PLV à l’exposition, et qui a tout de suite été retirée du marché. Il est en costume militaire kaki, drapeau américain au second plan, et brandit un verre de lait tout en regardant vers les étoiles. Dans son regard on a l'impression que le lait est la panacée absolue. Or à l'époque Bowie était très maigre parce qu’il prenait énormément de cocaïne et ne se nourrissait que de lait. A tel point que John Lennon lui avait dit : arrête tes conneries parce que sinon tu vas y passer. Mais avant que RCA ne censure la pochette, des PLV pour faire la promo de l'album avaient commencé à être fabriqués. Il y en a donc eu très peu. Celui que l'on voit à l'exposition est une vraie rareté et j'en suis très fier."
Les scènes d'ébats torrides de "L'Homme qui venait d'ailleurs" (1976)
"Il existe deux versions du film de Nicolas Roeg. Une version de 2h05 et une d’environ 15 minutes de plus. Ces 15 minutes concernent essentiellement la séquence de jambes en l’air entre Bowie et l’actrice Candy Clark, dont le personnage de Mary-Lou s’éprend de lui (en tant que Thomas Jerome Newton) dans le film. Dans cette séquence, Bowie est entièrement nu et durant les ébats on voit tout, mais vraiment tout. Ça a evidemment été censuré. Je crois que les versions longues sont disponibles aujourd’hui en DVD. Il faut veiller à ce que le film fasse bien 2h20 au moins. Pour l’anecdote, lors de la projection à la presse du film en France, en 1977 au Gaumont des Champs-Elysées, à laquelle Bowie assistait en compagnie de Sydne Rome, des seaux sur pied en métal contenant des verres et des bouteilles d’alcool se trouvaient au bout de chacune des allées. Les journalistes étaient invités à se servir à volonté. De sorte que très peu ont vraiment suivi le film (qui raconte la destinée d’un extra-terrestre arrivé sur notre planète en quête d’eau, et qui finit par devenir alcoolique). Bowie en était très amusé. Il était super joueur, manipulateur, et il aimait provoquer le trouble. Rien ne lui plaisait plus que d’entendre quelqu’un qui ne comprenait rien à ce qu’il avait écrit."
Exposition Bowie Odyssée, 50 ans de fanmania
A voir au Palace, 8 rue du Faubourg Montmartre, 75009 Paris
Tel : 01 48 74 03 65
Du lundi au vendredi, 12h à 21h, samedi 10h à 21h, dimanche 10h à 19h
Entrée 12-14 euros
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