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Dans un coffret fleuve, Les Who retracent la gestion du projet culte "Who's Next / Life House"

Ce vendredi 15 septembre, dans les bacs un coffret gargantuesque des Who constitué de 10 CD autour de l'album "Who's next" sorti en 1971 et de sa longue gestation à travers le projet "Life House", ainsi que des enregistrements live de l'époque.
Article rédigé par Jean-François Convert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les Who en 1971. De gauche à droite : Pete Townshend, Roger Daltrey, Keith Moon, et John Entwistle (Trinifold Archive)

Arrivé dans les bacs le 14 août 1971, Who's next autrement dit "Le nouvel album des Who", "l'album suivant des Who" ou tout simplement "au suivant", n'avait pas un titre prédestiné à marquer les mémoires. Pourtant, ce disque est devenu une référence dans l'histoire du rock, et souvent qualifié de meilleur opus dans la discographie du groupe. Succéder à l'opéra-rock Tommy sorti en 1969 n'était pas une mince affaire, mais les Who et surtout leur principal auteur-compositeur Pete Townshend y sont largement parvenus en accouchant d'un monument, au propre comme au figuré.

Un album "monument" et novateur

Who's next est indubitablement un album monument. Rien que sa pochette en arbore un de monument. Certains y voient une allusion au mégalithe de 2001, L'odyssée de l'espace. D'autres ont émis l'idée que c'est une œuvre d'art contemporain et que les quatre musiciens expriment ce qu'ils en pensent en venant uriner dessus. Il s'agit en réalité d'un bloc servant à maintenir des terrils, situé à Easington Colliery, et que le groupe a croisé en rentrant d'un concert à Sunderland, le 8 mai 1971. Il semblerait que John Entwistle et Keith Moon étaient justement en train de discuter du long-métrage de Stanley Kubrick quand ils ont aperçu le bloc et noté sa ressemblance avec le monolithe extraterrestre du film. Pour l'anecdote, le photographe Ethan A. Russell a plus tard révélé que la plupart des membres étaient incapables d'uriner, alors de l'eau de pluie fut prise d'une boîte métallique pour réussir l'effet désiré.

La pochette de l'album "Who's next" sorti en 1971 (Universal)

Mais au-delà de sa pochette iconique, Who's next est un album phare à bien des égards. Des chansons qui ont traversé le temps, des mélodies limpides servant des textes à la fois dans l'air du temps et prémonitoires, et des arrangements novateurs utilisant les nouvelles technologies de l'époque. Le disque regorge de sonorités inédites, produites par un nouvel instrument : le synthétiseur. Deux ans avant Dark side of the moon, Pete Townshend introduit l'orgue VCS3 dans le rock. Il s'en sert d'abord pour constituer ses demos, puis intègre ses fameuses boucles dans les versions finales.

Un procédé qui ajoutera de la complexité pour reproduire les morceaux sur scène. A l'époque pas de système numérique, et des opérateurs déclenchaient des bandes sur magnétos ! Et pour que Keith Moon puisse rester calé sur le bon tempo, il devait impérativement jouer au casque afin d'avoir le clic et la boucle en permanence dans les oreilles.

Un projet artistique interdisciplinaire

Et si Who's next est en avance sur son temps, ce n'est pas uniquement par son processus d'enregistrement, mais également par son essence même en tant qu'œuvre artistique. Au départ, son auteur-compositeur Pete Townshend voulait aller bien au-delà du simple disque. Après avoir révolutionné les canons du concept album avec Tommy en 1969, qui même s'il n'est pas le tout premier opéra rock en constitue tout de même la référence étalon, le guitariste-songwriter s'attaque en 1970-71 à un projet de grande envergure qui mêle rock, théâtre, et cinéma, composition et performance scénique programmée au Young Vic Theatre de Londres. Un projet nommé Life House.

Pete Townshend était très ambitieux, trop peut-être. Son œuvre complexe ne convainc ni la maison de disques ni les autres membres du groupe. À la différence de Tommy et plus tard Quadrophenia, l'enchaînement des morceaux de Life House ne constituait pas une narration linéaire construite qui se déroulait dans les chansons, mais plutôt une sorte de maelstrom mystique que seul son auteur semblait pouvoir déchiffrer.

La fiction et l'expérience Live étaient toutes deux imparfaites, et aucune n'a été correctement réalisée. Mais une musique merveilleuse est sortie du projet, et l'idée m'a toujours hantée, car de nombreux éléments de la fiction semblent se réaliser.

Pete Townshend

à propos de son projet "Life House"

En effet, Life House prédisait un monde dystopique qui semble aujourd’hui familier : les thèmes abordés étaient ceux de la pollution, des entreprises trop puissantes et de la technologie. La vision globale de Townshend n'aboutira pas dans la forme qu'il espérait, mais en tirant le meilleur des demos de Life House, le groupe accouche de Who's next. On a connu pire comme résidu d'un projet avorté !

Une réédition fleuve

C'est pour retracer la gestation sinueuse de l'œuvre, et peut-être aussi pour réhabiliter ce qui a sans doute été une grande frustration à l'époque pour Townshend, que sort ce 15 septembre un colossal coffret regroupant toutes les briques de ce qui a permis d'aboutir au chef-d’œuvre Who's next.

Le coffret 10 CD "Who's next / Lifehouse" (Universal)

Pas moins de 10 CD où on peut entendre, outre l'album remastérisé, les demos de Pete Townshend - 22 titres répartis sur 2 CD, des prises alternatives et morceaux inédits lors des sessions en studio - 23 titres répartis sur 2 CD, tous les singles et chansons ne figurant pas sur l'album - 17 titres, et enfin deux concerts enregistrés en 1971, l'un au Young Vic Theatre de Londres en avril avant la sortie de Who's Next, et l'autre au Civic Auditorium de San Francisco en décembre. Le tout supervisé et remixé par Steven Wilson de Procupine Tree. Et enfin, un roman graphique vient compléter ce coffret somme.

Bien évidemment, une partie de ces enregistrements circulait déjà sous forme de pirates et était connue parmi les fans depuis longtemps. Mais on apprécie le soin apporté au nettoyage des bandes, les compléments d'informations donnés par Townshend dans les notes de livrets, ou encore certaines versions particulièrement différentes de ce qu'on connaissait jusqu'alors, comme ce remix de Pure and Easy, dont le premier titre était The Note.

Plus d'un demi-siècle après sa sortie, Who's Next continue de fasciner. Et même si les paroles de Won't get fooled again laissaient entrevoir un Townshend désabusé, cette réédition permet de mieux saisir son cheminement créatif et son esprit visionnaire. Bien plus que le fait qu'elles soient au générique de séries à succès, les chansons de cet album restent d'une incroyable modernité. 50 ans plus tard, on se surprend à redécouvrir le "prochain album des Who".

 

Le site officiel des Who

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