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Death, le premier groupe punk noir, en concert à Sons d'Hiver

En 1971, trois frères afro-américains de Detroit forment un groupe au nom provocateur, qu'ils défendront chèrement : Death. Bobby, David et Dannis Hackney, inspirés par le son de leur ville, celui des Stooges et du MC5, jouent dur et fort, un rock hargneux pré-punk. Ils ne percent pas et tombent dans l’oubli. Découverts 40 ans plus tard, ils font halte vendredi 31 janvier au festival Sons d’Hiver
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Death au début des années 70, avec de gauche à droite Bobby Hackney, David Hackney et Dannis Hackney.
 (Drafthouse Films)
Les Sugar Man du punk
L’histoire du groupe Death n’est pas sans rappeler celle de Sixto Rodriguez,  vieux chanteur de folk révélé récemment sur le tard grâce à un film oscarisé («Searching for Sugar Man »). Un destin, en tout cas, qui vaut d’être conté en attendant de les voir sur scène (et en streaming sur Culturebox).

1964. Les trois frères Hackney découvrent les Beatles à la télévision lors du fameux Ed Sullivan Show. Fils d’un pasteur baptiste, les gamins, alors âgés de 8, 10 et 12 ans, sont médusés. Peu après, David trouve une guitare dans la rue, la ramène à la maison et apprend de lui-même à en jouer. Au début des années 70, le trio a monté un groupe et donne ses premiers concerts.
 Au début, leur style est imprégné du son de Motown, le fameux label de R&B qui a offert ses lettres de noblesse à leur ville natale de Detroit au moins autant que les usines de General Motors,
 
Mais trois ans plus tard, Bobby, Dannis et David virent de bord musicalement après avoir assisté à un concert des Stooges d'Iggy Pop : cap vers un rock abrasif dont l'énergie colle davantage aux textes engagés de Bobby.

Une intransigeance punk qu'ils payeront cher
Ils se baptisent Death à ce moment-là et enregistrent une démo qui atterrit dans le bureau de Clive Davis de Columbia. Conquis, celui-ci leur offre une avance pour enregistrer un album, mais insiste à mi-parcours pour les voir changer de nom. Ils refusent. Cette instransigeance, très punk avant l'heure, mène rapidement à la rupture avec la maison de disques.
 
Avec le peu de dollars qui lui reste en poche, le trio édite en 1976 un 45 tours à 500 copies sur son propre label Tryangle ("Politicians in my eyes/Keep on knocking") et le distribue à ses concerts. L'histoire pourrait s'arrêter là puisque le groupe dont il ne subsiste que cette maigre trace tombe dans l'oubli, balayé par la vague disco.
 
Pour achever l'espoir, David, le guitariste, meurt d'un cancer des poumons en 2000. Or, "de nous tous, il était le plus convaincu que nous faisions quelque chose de totalement révolutionnaire", témoignait Bobby au New York Times en 2009.
 

La renaissance
Mais c'était sans compter avec la descendance des trois frangins. L'un des fils de Bobby entend par hasard en Californie la face B du 45 tours de Death, "Keep on Knocking", réédité à l'aube du XXIe siècle sur une compilation de groupes punks obscurs. Il reconnaît la voix de son père, qui ne lui avait jamais parlé de Death.
 
Bobby exhume alors du placard la fameuse démo vieille de plus de trente ans. Elle sort enfin au grand jour en 2009 sous le titre "For the World to see" (Drag City/PIAS). Soyons clairs, ce n'est pas l'album du siècle. Mais on a eu la chair de poule en écoutant "Keep on knocking" (ci-dessous) la première fois. Et pour qui aime le rock qui dépote, l'album tient la route et vaut l'écoute.

Wayne Kramer du MC5, interrogé à leur sujet (vidéo en anglais), souligne que ce qui différenciait Death des groupes punks c’est qu’ils jouaient très bien de leurs instruments. Leur malédiction vient sans doute selon lui du conflit entre le rock « high energy » proto-punk qu’ils jouaient et leur environnement culturel, pétri de soul et de R&B. Il se désole qu’ils n’aient pu jouer devant le public du MC5 qui était davantage leur cible. « Ils auraient été énormes », assure-t-il.
 


Death ? Même pas mort !
"Ces gars étaient pré-Sex Pistols, pré-Bad Brains, pré-tout ce truc, et personne ne les connaît. Je ne comprends pas comment le monde entier a pu les oublier", s’étonnait de son côté Mos Def dès 2009. Fasciné par leur histoire, le rappeur new-yorkais a contribué activement à les tirer de l'oubli en co-produisant un documentaire à leur sujet, «A Band Called Death », sorti en 2012.

Depuis, les deux survivants du groupe d’origine sont remontés sur scène avec un nouveau guitariste, et sillonnent les routes pour récolter enfin les lauriers que le destin a bien failli leur voler. Aujourd’hui, Death n’a jamais été aussi vivant.

Death est en concert vendredi 31 janvier 2014 à Fontenay-sous-Bois, dans le cadre du festival Sons d’Hiver.
Le concert est retransmis Live en direct sur Culturebox à 22h et sera disponible en replay durant  plusieurs mois.
L'affiche du documentaire "A Band Called Death" sorti en 2012.
 (Drafthouse Films)

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