Guerre des festivals Rock en Seine vs Summer Jam : bras de fer américain sur le sol français
La bataille de deux festivals parisiens
L'enjeu est le même pour chacun: attirer 40.000 personnes, à 50 euros la soirée pour Paris Summer Jam, à 59 euros (39 en tarif réduit) pour Rock en Seine qui proposera en outre vendredi une vingtaine d'artistes rock, rap et électro, tels Mike Shinoda de Linkin' Park, Die Antwoord, The Limiñanas, Parcels et Carpenter Brut.
Des deux poids lourds américains du divertissement, qui l'emportera ? Au vu de la billetterie, aucun ne devrait sortir gagnant de ce premier affrontement sur le ring français : ni Paris Summer Jam ni Rock en Seine ne semble devoir faire le plein vendredi.
La rivalité des deux mastodontes américains
Le second, AEG, qui compte dans son écurie les Rolling Stones ou Madonna et organise le festival californien Coachella, vient d'ouvrir une antenne française et un bureau parisien. Déjà au capital de l'AccorHotel Arena (Bercy Paris), il est entré l'an passé au capital de Rock en Seine à 50%, à égalité avec la holding LNEI de l'homme d'affaires Matthieu Pigasse (qui avait lui même racheté Rock en Seine quelques mois plus tôt).
Le secteur a du souci à se faire. Comme le rapportait Les Echos en mars dernier, Live Nation pèse à lui seul 47 fois plus lourd que le premier acteur français du spectacle, Fimalac Entertainment détenu par l'homme d'affaires Marc Ladreit de La Charrière. Et elle est en phase ascendante : le chiffre d'affaires de Live Nation, compagnie cotée en bourse et qui est aussi leader de la billetterie dans le monde via Ticketmaster, a bondi de 24% l'an passé.
Comment le cas Kendrick Lamar a cristallisé la guerre
La première étincelle qui a attiré l'attention sur cette guerre en France concerne Kendrick Lamar, l'un des plus célébres rappeurs américains. Kendrick Lamar est un artiste de l'écurie Live Nation. Or, Rock en Seine avait prévu de le programmer cette année.
"C’était quasiment fait quand nous sommes partis en vacances à Noël", racontait fin janvier au Parisien Arnaud Meersseman, qui dirige AEG Presents France. "Quand nous sommes revenus, Live Nation avait dézingué notre offre, et l’avait récupéré pour organiser un mini-festival à la U Arena (qui plus est le vendredi d'ouverture de Rock en Seine NDLR). C’est un coup pour nous faire perdre du public et du temps dans notre programmation", accusait-il.
De son côté, Live Nation avait peu apprécié de se sentir "court-circuité" en apprenant que Rock en Seine avait négocié directement avec l'agent de Kendrick Lamar et non pas avec Live Nation.
Les festivals français artisanaux fragilisés
L'ancien ministre de la Culture Jack Lang avait été le premier l'an passé à s'indigner de "l'invasion des multinationales américaines dans la vie musicale française". "La prise de pouvoir par ces groupes risque de tuer la diversité, de mettre en péril les festivals indépendants, de favoriser une inflation destructrice des prix et d'encourager la spéculation dans l'art musical sous toutes ses formes", s'inquiétait-il en interpellant les pouvoirs publics.
Cette bataille de deux ogres industriels n'est de fait pas sans conséquence sur l'écosystème des festivals français, dont une bonne partie restent artisanaux et fonctionnent avec des bénévoles et des subventions locales. Les deux mastodontes américains ont en effet une force de frappe monumentale : non seulement des artistes dans leurs écuries respectives, des salles et des festivals pour les y produire mais surtout des moyens pour s'offrir de très grosses têtes d'affiche, une surenchère que les festivals français ont de plus en plus de mal à suivre.
Le gouvernement peut-il intervenir ?
Dès le mois de février, elle a désigné un expert interministériel, Serge Kancel, référent permanent et transversal pour les festivals. Sa mission ? "Identifier la meilleure réponse à apporter par l'Etat, prévenir les risques de monopole, assurer la régulation du secteur et garantir la juste répartition de la valeur sur toute la chaîne, des artistes aux tourneurs." On attend avec impatience ses premiers retours.
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