"John Lennon: un homicide sans procès" : une mini-série documentaire haletante d'Apple TV+ reprend l’histoire de son assassinat à zéro

Quarante-trois ans après le meurtre de l'ancien Beatles John Lennon en bas de son immeuble à New York, une mini-série documentaire d'Apple TV+ revient sur les dernières heures du musicien et sur les motivations de son assassin, avec de très nombreux témoignages, dont certains inédits. Car faute de procès, les faits n'avaient jamais été établis publiquement.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
John Lennon dans la mini-série documentaire "John Lennon : un homicide sans procès" de Nick Holt et Rob Coldstream (Royaume-Uni, 2023). (APPLE TV)

Le 8 décembre 1980, le musicien et militant pour la paix John Lennon est assassiné devant son domicile à New York par Mark David Chapman, âgé de 25 ans. "Fait incroyable pour un tel crime, l’affaire n’a jamais été jugée", et de ce fait, "ce qui s’est passé n’a jamais été établi publiquement", énonce d’emblée la voix off de Kiefer Sutherland, qui fait ici office de narrateur. Quarante-trois ans après les faits, cette mini-série documentaire en trois parties, à voir sur Apple TV+, reprend l’histoire de zéro, et c’est passionnant.

Les dernières heures de John Lennon

La première partie est franchement haletante. Elle raconte la dernière journée de John Lennon, établie minute par minute grâce aux témoignages des dizaines de personnes qui l’ont croisé ce jour-là et dont certaines témoignent publiquement pour la première fois. La journaliste qui l’interviewa plus tôt dans la journée après cinq ans de relatif silence. Le producteur de l’album que l’ancien Beatles terminait alors en studio, et dont il revenait avec sa compagne Yoko Ono lors du meurtre, survenu peu avant 23h. Le concierge et le portier du Dakota building, l’immeuble où le couple vivait avec leur petit garçon Sean Lennon, et qui lui portèrent secours lorsqu’il s’écroula, touché de plusieurs balles. Un taxi qui assista en direct au meurtre, puis les policiers arrivés les premiers sur les lieux du crime. Et enfin les infirmières et le médecin qui prirent John Lennon en charge aux urgences de l’hôpital Roosevelt et durent se rendre à l’évidence après plus de quarante minutes de vains massages cardiaques.

Décrite par le portier du Dakota building, l’image de Yoko Ono, tenant sur ses genoux la tête de son bien-aimé agonisant, est bouleversante. Celles, pourtant vues et revues, des centaines, puis bientôt des milliers, de personnes venues spontanément après l’annonce de la mort de Lennon en bas de son immeuble new yorkais, pour méditer, prier et chanter, le sont tout autant.

Le mystère Mark David Chapman

Les secondes et troisièmes parties se penchent essentiellement sur le meurtrier et tentent de percer le mystère du mobile de son crime, sur lequel psychiatres et enquêteurs se sont toujours cassé les dents. Mark David Chapman avait-il toute sa tête au moment des faits ? Pourquoi ne s’est-il pas enfui après avoir commis son forfait, et est-il resté au contraire calmement sur place à attendre son arrestation ? Le documentaire n’écarte aucune hypothèse pour expliquer son geste. Pas même la théorie complotiste selon laquelle Chapman aurait été manipulé par les services secrets américains pour éliminer la "menace politique" que représentait Lennon, célèbre militant pour la paix.

Une théorie douteuse que facilitent les contradictions de l’accusé. Un jour il affirme : "Je me suis tué, je suis John Lennon". Une autre fois, il dit avoir voulu devenir Holden Caulfield, le personnage adolescent du roman L’Attrape cœurs de JD Salinger, qu’il avait sur lui lors du meurtre. Une autre fois, il traite John Lennon de "plus grand hypocrite". Une ancienne petite amie et un ami d’enfance redisent face caméra que Chapman a eu un père violent, qu’il était dépressif et a tenté de mettre fin à ses jours, mais qu’il a aussi pris pas mal de drogues, et en particulier huit acides au cours d’un même week-end, une expérience durant laquelle il disait avoir "rencontré Jésus-Christ".

Un procès escamoté

Le troisième volet du documentaire montre la bataille en vue du procès : d’un côté les défenseurs de Chapman, qui comptaient plaider l’irresponsabilité pour troubles psychiatriques de leur client, de l'autre ceux qui l’accusaient d’avoir eu tout son discernement lors du crime et d’avoir cherché uniquement, en supprimant la vie d’une célébrité, à attirer l’attention sur lui. Mais de bataille, il n’y en eut pas. À la surprise générale, Chapman plaida coupable à l’ouverture de son procès à huis clos, le 22 juin 1981. Selon lui, c’est Dieu lui-même qui lui aurait dicté sa conduite. Chapman écopa de la perpétuité avec une période de sûreté de 20 ans et il est toujours derrière les barreaux. 

Ce documentaire minutieux, émaillé d'archives vidéos parfois surprenantes, dresse aussi un parallèle avec la tentative d'assassinat du président Ronald Reagan par un déséquilibré survenue trois mois plus tard, en mars 1981. Il soulève ce faisant des questions qui restent d’actualité aujourd’hui : celles de la santé mentale, de la justice face aux troubles psychiatriques et du contrôle des armes à feu. 

Et comment ne pas frémir en entendant Lennon s’exprimer dans la dernière interview conduite le jour même de sa mort ? Après avoir redit que "les gens ont le pouvoir, le pouvoir de créer la société qu’ils veulent", il espère que "les années 80 seront meilleures" que les "terribles" années 70, et conclut : "Mon travail ne s’arrêtera que lorsque je serai mort et enterré. Dans très longtemps j’espère."

"John Lennon: un homicide sans procès", une série documentaire de Nick Holt et Rob Coldstream en trois parties de 40 minutes environ chacune, avec la voix de Kiefer Sutherland (Royaume-Uni, 2023) à voir sur Apple TV+

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