"La filière musicale refuse de rester à quai" et réclame au gouvernement des décisions claires dans une lettre ouverte
Quand les concerts pourront-ils reprendre en salles et en configuration debout ? C'est la grande question que se pose l'ensemble de la filière musicale dans une lettre pressante au gouvernement lui réclamant un positionnement clair et rapide.
La filière des musiques actuelles est à bout. A genoux. Après plus de quatre mois d’arrêt complet, elle n’entrevoit toujours aucune lumière à l’horizon. Quand les concerts en salles pourront-ils reprendre ? Personne ne le sait et cette incertitude la ronge. Alors que la rentrée arrive à grands pas, d'ici moins de quarante jours, les acteurs de la filière n’en peuvent plus d’attendre un signe des autorités qui ne vient pas. Le 11 juillet, à la fin de l’état d’urgence sanitaire, ils espéraient une annonce. Ils attendent toujours.
Aujourd'hui, la filière tire la sonnette d'alarme et prend la plume, dans un bel élan solidaire et unanime : une lettre ouverte (*) a été envoyée mercredi 23 juillet au gouvernement, à l’initiative des directeurs de deux salles de musiques actuelles, Didier Veillault de La Coopérative de Mai (Clermont-Ferrand) et David Fourrier de La Sirène (La Rochelle), épaulés par une nuée de salles amies (L’Aéronef, La Laiterie, Le Bikini…).
La reprise des concerts "en configuration debout" au coeur de la requête
Titrée "Concerts debout touchés en plein cœur, Tous debout contre la mise à genoux de la musique", et signée en moins de 48 heures avant envoi par plus de 1.500 salles, producteurs de concerts, tourneurs, artistes, labels et festivals, elle réclame "un positionnement quant à une possible échéance de reprise des concerts en configuration debout". Depuis le 31 mai dernier, il est en effet interdit par décret "de produire, interpréter, organiser des spectacles en station debout pour le public", rappelle cette lettre ouverte adressée au Président de la République, au Premier ministre et au ministre de la Culture.
"Le gouvernement doit avoir le courage de prendre des décisions claires", nous explique Didier Veillault de La Coopérative de Mai, joint par téléphone.
Nous demandons qu’on nous donne une date précise de réouverture dans des conditions normales de jauge, c’est à dire avec un public debout. Si nous avons un concert prévu pour 1.500 personnes et qu’on ne nous en autorise que 300 ce n’est tout simplement pas viable économiquement.
Didier Veillaultà France Info Culture
"Cette échéance doit bien sûr s’accompagner d’un protocole d’accueil sanitaire du public (gel hydro-alcoolique, rappel des gestes barrière, circulation et éventuellement masques) que nous nous engageons à respecter", précise-t-il. "Sinon, il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités. Qu’il nous dise par exemple que jusqu’au mois d’octobre ce n’est pas possible, qu’on sache à quoi s’en tenir."
Les artistes sont aussi dans l'incertitude
Vendredi 24 juillet se tenait un Conseil de Défense à l’Elysée pour faire le point sur l’épidémie. Une réunion dont la filière musicale attendait une fois encore beaucoup. Car il y a urgence à relancer l’activité. "Nous sommes aujourd’hui dans une situation économique, sociale et morale plus que délicate", souligne la missive, et ce "malgré les dispositifs d’accompagnement économique et financier mis en place que nous saluons".
La problématique n’est pas simple. Par exemple, "Matthieu Chedid part en tournée en septembre. Comment fait-il ?", demande Didier Veillault. "Ses concerts sont complets. Il fait autour de 10.000 personnes par soir. De toutes façons quand il monte sur scène le public est debout. Je lui ai parlé, il a signé la lettre. Et bien il ne sait pas, lui et son manager sont dans l’incertitude totale. Mais la tournée est maintenue, on est dans le déni absolu."
C’est aussi le cas de Zazie, de Dionysos ou de Patrick Bruel, et de tous les artistes français qui ont maintenu leur tournée en septembre. Faudra-t-il renvoyer plus de la moitié des spectateurs à chaque concert avec remboursement ? Devra-t-on faire un tri dans le public - premiers arrivés, premiers entrés ? Et quand bien même l'autorisation de reprendre serait donnée, la reprise ne se fait pas en claquant des doigts : il faut des semaines pour remettre en route une salle et une tournée, huit semaines au moins de répétitions, d'information du public, de mises en places.
Sentiment d'injustice
"Je ne comprends pas l’attitude des autorités. On nous prend pour des saltimbanques, on nous infantilise alors que nous sommes des professionnels. La filière musicale est structurée, organisée, et pèse aussi lourd que l’industrie automobile", reprend Didier Veillault, chez qui perce à la fois la colère et une forme de lassitude.
Des protocoles ont été mis en place pour les cafés, les restaurants, les cinémas, pourquoi pas pour nous ? Je considère qu’il y a là une injustice mêlée à une méconnaissance de notre filière.
Didier Veillaultà France Info Culture
"On constate une reprise d’activité partout : les entreprises remarchent, les bus, les métros et les trains roulent, mais nous on reste à quai", se désole-t-il. "Je le répète, la réouverture de nos salles avec des spectateurs à un mètre de distance, c’est économiquement im-po-ssible. Il y a là une incohérence. Le gouvernement doit l’entendre."
"Le public est manifestement prêt à revenir puisqu’il n’a que très peu demandé à être remboursé", veut croire le directeur de la Coopérative de Mai. "Les concerts sont des moments forts dans la vie des gens. Nos lieux sont des endroits qui rapprochent, on propose de belles choses, de quoi tisser de beaux souvenirs. Alors soit on nous dit on ne peut pas, soit on nous donne le feu vert."
(*) La lettre ouverte "Concerts debout touchés en plein cœur" (à lire ici) adressée le 23 juillet 2020 au gouvernement Castex est signée par des dizaines de salles dont le Bataclan, La Cigale, L’Olympia, L’Elysée Montmartre, Le Trabendo, La Maroquinerie, Le Zénith de Paris, Le Rex Club (Paris), L’Aéronef (Lille), Le Bikini (Toulouse), Le Chabada (Angers), Le Paloma (Nîmes), La Coopérative de Mai (Clermont-Ferrand), La Laiterie (Strasbourg), Le Rocher de Palmer (Bordeaux), La Sirène (La Rochelle), Le Stéréolux (Nantes), La Vapeur (Dijon) et L’Ubu (Rennes). Elle est également signée par des dizaines d’artistes et notamment Jeanne Added, Jane Birkin, Yaël Naim, Zaz, Pomme, Matthieu Chedid, IAM, Cali, Vitalic, Dominique A, Disiz, Rone, Sanseverino, Feu! Chatterton, Tryo, The Liminanas, Miossec, Gauvain Sers, Christophe Chassol et Erik Truffaz. Des producteurs, des tourneurs, des labels, des festivals et des syndicats, à commencer par le SMA (Syndicat des Musiques Actuelles) mais aussi le Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de variété), l’ont également paraphée. (Consulter la liste des premiers 1.500 signataires)
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