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Le chanteur brésilien Moraes Moreira, cofondateur des Novos Baianos, emporté par une crise cardiaque

Cofondateur, compositeur et chanteur des Novos Baianos, groupe de rock et de musique brésilienne culte des années 70, il avait mené par la suite une brillante carrière solo.

Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Casquette, moustache et longues boucles noires, Moraes Moreira, chanteur et compositeur du légendaire groupe Novos Baianos, posait avec ses vieux amis le 19 juillet 2016 à Rio de Janeiro. De gauche à droite, Pepeu Gomes, Paulinho Boca de Cantor, Baby do Brasil, Moraes Moreira et Luiz Galvão (MAURO PIMENTEL / AFP)

Depuis lundi 13 avril, tout ce que le Brésil compte d'amoureux du rock, de MPB (musique populaire brésilienne) mais aussi du tropicalisme, jusqu'à l'ancien président Lula, lui rend hommage. Moraes Moreira est mort dans son sommeil, victime d'un infarctus du myocarde, à son domicile de Gávea, un quartier de Rio où il vivait seul. Il avait 72 ans.

Cofondateur, compositeur, chanteur, guitariste des Novos Baianos ("Nouveaux Bahianais"), groupe culte de rock et de MPB des années 70, Moraes Moreira avait mené également une foisonnante carrière solo, et il était toujours en activité. Il était l'un des cadets d'une génération dorée de la musique brésilienne aujourd'hui septuagénaire à laquelle appartiennent entre autres Caetano Veloso, Gilberto Gil ou Chico Buarque. Et il était l'un des compositeurs les plus créatifs et éclectiques de la scène brésilienne, ayant abordé de multiples genres parmi lesquels le rock, la samba, le choro, le baião... Il avait à son actif une quarantaine d'albums dont une dizaine avec les Novos Baianos et près d'une trentaine en solo ou dans le cadre de diverses collaborations.

Esprit rebelle

Moraes Moreira, de son vrai nom Antonio Carlos Moraes Pires, est né à Itaçu, dans l'État de Bahia (nord-est) le 8 juillet 1947. Il commence à jouer de l'accordéon puis se met à la guitare à l'adolescence tout en suivant des études scientifiques. Il part vivre à Salvador où il rencontre le musicien Tom Zé, l'un des fondateurs du mouvement tropicaliste. Par la suite, Moraes Moreira fait la connaissance des futurs membres du groupe Novos Baianos : Pepeu Gomes (guitare), Paulinho Boca de Cantor (chant), Baby do Brasil (chant), la seule à ne pas être native de l'État de Bahia, et Luiz Galvão (parolier). Il joue à leurs côtés entre 1969 et 1975. Le groupe se séparera en 1979, avant des réunions en 1995 et 2015.

Entre 1970 et 1978, les Novos Baianos vont enregistrer huit albums studio qui marqueront profondément la musique populaire brésilienne. Moraes Moreira signe la majorité des chansons des Novos Baianos avec Luiz Galvão, auteur des textes. Sur scène, les cinq membres fondateurs seront renforcés par d'autres musiciens dont le bassiste Dadi et le batteur Baxinho.

Influencés par le tropicalisme et la contre-culture, ils entretiennent un esprit rebelle, refusant de se soumettre aux dictats des labels et du show business. Ils en font la démonstration dès 1969 au célèbre Festival de musique populaire brésilienne, à São Paulo. Venus présenter leur premier titre De Vera, ils dépassent le temps qu'il leur a été imparti dans ce concours retransmis à la télévision. Or au Brésil, alors dirigé depuis cinq ans par une junte militaire, on ne rigole pas avec les règles.

João Gilberto, le mentor

Disqualifiés du concours, Moreira et ses amis partent vivre en communauté à Rio où ils affinent leur son de groupe. Ils reçoivent la visite et le soutien d'un autre Bahianais déraciné et éternel indomptable : João Gilberto. Sous son aile, ils glissent de la samba et de la bossa dans leur musique déjà pétrie d'influences. C'est avec leur deuxième album parrainé par Gilberto, Acabou Chorare (1972) qu'ils connaissent la consécration absolue. Presque cinquante ans après sa sortie, cet album, qui comporte plusieurs perles dont son titre éponyme, figure toujours au panthéon des plus grands disques de MPB.

Dans son troisième album Novos Baianos FC (1973), le groupe enregistre une version d'anthologie, exaltée, électrisante, de Samba da Minha Terra, un classique de Dorival Caymmi qui figure également en bonne place dans le répertoire de leur mentor João Gilberto.

Puis les Novos Baianos s'installent dans une ferme à São Paulo. Ils y réalisent leur quatrième disque, Novos Baianos (1974). Cet album a la particularité d'abriter l'une des rares compositions de João Gilberto, Isabel. Mais il ne connaît pas le succès de ses prédécesseurs, ce qui cause des tensions avec le label du groupe, Continental. Moraes Moreira, jeune père de famille, lassé de la vie en communauté avec ses comparses, quitte la formation et entame une carrière solo en 1975.

En solo, il devient un roi du carnaval

Dans sa nouvelle vie, Moraes Moreira met ses talents de chanteur au service du duo des musiciens vétérans bahianais Dodô et Osmar, pionniers du trio électrique ("trio elétrico") au Brésil, un camion combiné avec une scène mobile équipée du matériel de son, idéal pour le spectacle de rue. Moreira va composer des chansons qui deviendront incontournables parmi les musiques de carnaval, comme Pombo Correio, Bloco do Prazer, Vassourinha Elétrica.

Puis, dans les années 80, il prend des distances avec le carnaval de Bahia, devenu trop touristique à son goût. Dans les années 90, avec le renfort de cordes, il réalise l'album O Brasil Tem Concerto (1994), enregistre un Acoustic MTV (1995), et continue de se diversifier, abordant même le hip-hop dans Suddenly en 2005.

En 2007, Moreira raconte l'histoire du groupe qui lui a valu le succès dans le livre A História dos Novos Baianos, un ouvrage accompagné d'un CD, avant d'enregistrer ses derniers disques de compositions inédites, A Revolta dos Ritmos (2012) et Ser Tão (2018). Les années 2010 auront été marquées par deux grandes tournées commémoratives au Brésil, l'une en 2012 avec son fils Davi Moraes, également musicien, afin de fêter les quarante ans de l'album emblématique Acabou Chorare, l'autre en 2016 avec les Novos Baianos. Mais le groupe n'a pas pu honorer toutes ses dates, Moreira devant être hospitalisé en raison d'un ulcère.

Moraes Moreira s'était produit sur scène à quelques reprises cette année. En janvier, il avait joué à Pelourinho, un quartier de Salvador de Bahia, avec son fils. Il y était apparu affaibli, selon le site du Correio, un organe de presse bahianais. Il était retourné y chanter en février pour le carnaval. Il a donné son dernier concert le 13 mars à Rio, au Clube Manouche, selon le site de Veja Rio qui en a posté un bref extrait.

Quelques jours plus tard, en quarantaine à cause de la pandémie du coronavirus, il avait publié un dernier post le 18 mars sur Instagram : "Je suis à Gávea, entre mon domicile et mon bureau qui sont tout proches, faisant ma quarantaine, à jouer et écrire sans arrêt."  Il proposait ensuite un texte en prose qu'il avait écrit la veille, confiant d'emblée avoir "peur du coronavirus", tout autant que d'une "balle perdue" et abordant différents sujets de société - le viol, le machisme, les milices - avec des allusions à peine voilées au régime politique en place au Brésil.
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Oi pessoal estou aqui na Gávea entre minha casa e escritório que ficam próximos,cumprindo minha quarentena,tocando e escrevendo sem parar. Este Cordel nasceu na madrugada do dia 17, envio para apreciação de vocês .Boa sorte Quarentena (Moraes Moreira) Eu temo o coronavirus E zelo por minha vida Mas tenho medo de tiros Também de bala perdida, A nossa fé é vacina O professor que me ensina Será minha própria lida Assombra-me a pandemia Que agora domina o mundo Mas tenho uma garantia Não sou nenhum vagabundo, Porque todo cidadão Merece mas atenção O sentimento é profundo Eu não queria essa praga Que não é mais do Egito Não quero que ela traga O mal que sempre eu evito, Os males não são eternos Pois os recursos modernos Estão aí, acredito De quem será esse lucro Ou mesmo a teoria? Detesto falar de estrupo Eu gosto é de poesia, Mas creio na consciência E digo não a todo dia Eu tenho medo do excesso Que seja em qualquer sentido Mas também do retrocesso Que por aí escondido, As vezes é o que notamos Passar o que já passamos Jamais será esquecido Até aceito a polícia Mas quando muda de letra E se transforma em milícia Odeio essa mutreta, Pra combater o que alarma Só tenho mesmo uma arma Que é a minha caneta Com tanta coisa inda cismo.... Estão na ordem do dia Eu digo não ao machismo Também a misoginia, Tem outros que eu não aceito É o tal do preconceito E as sombras da hipocrisia As coisas já forem postas Mas prevalecem os relés Queremos sim ter respostas Sobre as nossas Marielles, Em meio a um mundo efêmero Não é só questão de gênero Nem de homens ou mulheres O que vale é o ser humano E sua dignidade Vivemos num mundo insano Queremos mais liberdade, Pra que tudo isso mude Certeza, ninguém se ilude Não tem tempo,nem.idade

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