Le documentaire "Punk Is Not Vraiment Dead ?!" pose la question aux acteurs du rock alternatif français des années 1980

Un documentaire proposé sur France 5, vendredi 12 janvier, revient sur le rock alternatif français des années 1980, va à la rencontre de certaines de ses figures et s'interroge sur ce que la rébellion punk est devenue. Réjouissant.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
Le documentaire "Punk is Not Vraiment Dead ?!", proposé sur France 5, revient sur le rock alternatif français des années 1980. (SOMBRERO & CO)

Ils s’appelaient Bérurier noir, Les Olivensteins, Oberkampf, La Souris déglinguée, Washington Dead Cats, Ludwig Von 88 ou Les Endimanchés : si vous aviez entre 15 et 25 ans dans les années 1980, vous vous souvenez forcément de ces noms de groupes, qui ont fait les riches heures du punk français, dit aussi mouvement du rock alternatif.

Engagés, notamment contre l'extrême droite, anticonformistes et pour certains légèrement déconnants, ils fédéraient toute une jeunesse rebelle, avide de liberté, qui n’aimait rien tant que choquer le bourgeois et "faire chier la société", comme le résume Pat Kebra d’Oberkampf.

Une aventure musicale et politique collective

Pour Punk Is Not Vraiment Dead ?!, un documentaire de 52 minutes proposé sur France 5, vendredi 12 janvier à 22h35 (puis en replay sur France.tv), le réalisateur Lionel Boisseau est allé à la rencontre de plusieurs membres de cette scène, comme MastO (ex-Lucrate Milk et ex-Bérurier Noir), Loran (ex-Bérurier Noir, qui mène aujourd’hui les Ramoneurs de Menhirs), Mat Firehair des Washington Dead Cats, Pat Kebra de Oberkampf et Roger des prés des Endimanchés. Avec quelques autres, dont l’actrice et égérie punk Béatrice Dalle, le Pr Shoum (alias Marsu, ex-manager des Bérurier Noir) et le journaliste Jean-Lou Janeir (qui animait l’émission Décibels sur France 3), ils racontent "une aventure musicale et politique collective", mais aussi, en filigrane, toute une époque.

Une image extraite du documentare "Punk Is Not Vraiment Dead ?!" de Lionel Boisseau. (SOMBRERO & CO)

Ponctué de nombreuses images d’archives réjouissantes, y compris de lancements de journaux télévisés montrant des présentateurs totalement dépassés par ce mouvement et d’émissions de télévision d’époque, mais aussi de vidéos inédites amoureusement conservées par un certain René, le film revient brièvement sur le punk anglais.

Ensuite, il bascule sur l’arrivée de la gauche au pouvoir en France avec Mitterrand en 1981, l’explosion des radios libres et l’avènement de tous ces "petits agités" punks exprimant leur rébellion dans la langue de Molière.

Pochoirs, fanzines et autogestion

Loran (ex-Bérurier Noir) tient à souligner que ses "premières actions directes artistiques en tant que punk", ce n’était pas la musique mais "les pochoirs" de rue dont il ornait les murs. Et de rappeler qu’Oberkampf avait écrit une chanson sur le sujet, Couleurs sur Paris, qui disait notamment "Prends des bombes de peinture et bombe tout / Écris ce que tu penses sur les murs (…) Imagine un peu les rues de Paris / Ainsi bombées seraient bien moins tristes / Les murs remplis de graffiti / Ça égaierait enfin tes yeux."

Sont aussi évoqués les fanzines, réalisés par des passionnés, qui faisaient office à l’époque de réseau social pour les groupes qui s’y racontaient, à l’instar du mythique fanzine Canoë, vendu alors avec sa cassette audio dans un réseau d’une vingtaine de boutiques.

Mat Firehair, le chanteur des Washington Dead Cats, groupe de rock alternatif français toujours en activité. Une image extraite du documentaire "Punk Is Not Vraiment Dead ?!" de Lionel Boisseau. (SOMBRERO & CO)

Un extrait édifiant d’une émission de Christophe Dechavanne avec les Bérurier Noir nous rappelle à quel point ce mouvement de la jeunesse était incompris et rejeté, mais aussi méprisé par les maisons de disques, ce qui poussa à créer une scène alternative (d'où son nom) capable de se passer des majors du disque, des producteurs de spectacles et des médias traditionnels.

Ainsi, nombre de groupes décidèrent de s’autoproduire et montèrent des labels de disques indépendants comme Bérurier Noir avec Bondage Records, hôte également des Nuclear Device, Washington Dead Cats et Ludwig Von 88, entre autres.

L'écologie, nouveau combat punk ?

Le grand mérite de ce film est finalement de poser la seule question qui vaille : que reste-t-il du punk ? L’esprit de ce mouvement bouge-t-il encore ? Il survit en tout cas chez bon nombre de membres interrogés, en particulier Loran des Bérurier Noir, qui a le combat politique chevillé au corps et invoque toujours l’esprit d’insoumission avec ses Ramoneurs de Menhirs. Si ce groupe de punk folklorique breton peut prêter à sourire, il continue de se produire pour la bonne cause et à éveiller les consciences partout où il passe. Loran épate aussi par sa philosophie tranquille : s’il se targue d’être un "non-musicien" qui se contente depuis toujours de trois accords, c’est pour mieux, dit-il, mettre son ego entre parenthèses. On n’en attendait pas moins de cet ex-membre des Bérurier Noir, un groupe qui sut avec panache se faire hara-kiri en pleine gloire par rejet du grand cirque du star-system, avec trois concerts d’adieu mémorables à L’Olympia les 9-10 et 11 novembre 1989, dont les images ici remontrées demeurent toujours aussi galvanisantes plus de trente ans après.

Mais alors, quels sont les combats des punks aujourd’hui ? "L’urgence politique majeure, c’est l’écologie", répond l’ex-Endimanchés Roger des prés, car "comment va-t-on survivre à ce merdier ?". Les dernières images du documentaire, qui le montrent à pied d’œuvre dans ses plantations de maïs, de chanvre textile et de sarrasin, dans sa Ferme du bonheur, coincée entre une bretelle d’autoroute et le RER de Nanterre, et bataillant avec la mairie, sont admirables. Définitivement pas dead, le punk n'est pas encore prêt à manger les pissenlits par la racine.

"Punk Is Not Vraiment Dead ?!" de Lionel Boisseau (52 minutes) a reçu le prix 2023 du Documentaire musical de la Sacem. Il est à voir vendredi 12 janvier sur France 5 à 22h35 puis en replay sur France.tv

L'affiche du documentaire "Punk Is Not Vraiment Dead ?!" réalisé par Lionel Boisseau. (SOMBRERO & CO)

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