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Mass Hysteria au Hellfest 2019 : "Aujourd'hui, les gros barbus tatoués du métal ne font plus peur"

Mass Hysteria existe depuis plus de vingt ans sur la scène métal française. Après la sortie de leur album "Maniac", fin 2018, ils participent au Hellfest sur un plateau 100% français. Rencontre avec Mouss Kelai et Yann Heurtaux, deux membres du groupe.

Article rédigé par franceinfo Culture - Mathieu Message
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10 min
Yann Heurtaux (guitare) et Mouss Kelai (chant), deux membres du groupe de metal Mass Hysteria. (MATHIEU MESSAGE / FRANCE TV INFO)

Depuis 1997, Mass Hysteria fait bouger les métalleux français, notamment en concert. Leur dernier album, Maniac, sorti en octobre 2018, a convaicu les puristes. Le 21 juin 2019, le groupe participe au Hellfest, avec un plateau "100% Frenchies" qui réunit les plus grands groupes de la scène métal française.

À quelques jours du festival infernal, Mass Hysteria a donné un concert au profit du secours populaire dans la discothèque le Yoyo, à Paris. L'occasion de rencontrer Mouss Kelai, le chanteur, et Yann Heurtaux, le guitariste, pour parler de la musique métal, du Hellfest, mais aussi de bière ou encore de PNL...

FranceInfo Culture : Votre dernier album, Maniac, marque une évolution dans votre discographie. Le dernier titre, We Came To Hold Up Your Mind, en est le parfait exemple, avec des samples, de l'électro, du rock… Cela vous représente bien ?

Mouss Kelai : Tout à fait… Il n'y a pas beaucoup de paroles : une phrase répétée en boucle et un extrait du braquage dans Pulp Fiction en intro. C'est Jamie, le bassiste, qui prête sa voix.

Yann Heurtaux : Pour tout avouer, j'avais composé ce morceau au piano et il était enregistré sur mon téléphone depuis pas mal de temps. On est juste reparti sur les bases de nos compositions, car il y a quelques années Mass Hysteria composait à partir de machines. Depuis deux ou trois albums, on fait le contraire, en composant d'abord et en les habillant par la suite. On a fait une boucle, puis les guitares ont été rajoutées.

Mouss Kelai : C'était aussi un moyen de montrer nos inspirations, que le groupe est aussi parti d'une base électro. On a travaillé avec Marc d'Animalsons, qui fait pas mal de musiques pour Booba, et ce morceau fusion nous ressemble… Un peu dans l'esprit Bloody Beetroots ou The Prodigy.

Et pour les autres morceaux ?

MK : Pour le reste, peu de choses ont changé. Mais c'est marrant, vous n'êtes pas les premiers à nous poser la question ! On n'a pas eu le parti pris de modifier quoique ce soit, de changer la manière dont sonnent les guitares, que ça ait une allure plus trash métal ou autre chose...

YH : De toute façon, L'armée des ombres, Matière Noire et Maniac, ont été faits exactement pareil. C'est un peu une trilogie. Pour celui-ci, le but était de ne pas se prendre la tête, de composer comme on le voulait, en essayant de faire mieux que les précédents.

Yann Heurtaux, guitariste de Mass Hysteria, avant un concert au Yoyo-Palais de Tokyo, le vendredi 7 juin 2019. (MATHIEU MESSAGE / FRANCE TV INFO)

Quelles sont vos inspirations quand vous devez écrire un album ?

YH : J'écoute beaucoup Yann Tiersen. C'est un mec qui a tous les sons que je kiffe avec l'accordéon, le violon, le piano… À l'origine, j'étais très death metal. Quand j'ai intégré Mass Hysteria, Mouss m'a dit de ne rien changer alors qu'ils étaient plus attirés par le reggae.

MK : Ouais, et d'ailleurs le guitariste et le bassiste de l'époque étaient des punks !

YH : Mais aujourd'hui on ne se prend pas la tête, il y a juste une alchimie entre mes compos et la voix de Mouss. Je peux aussi trouver de l'inspiration en me baladant dans le métro, et s'il y a une musique qui me plaît, je l'enregistre sur mon téléphone.

MK : On écoute pas mal Billie Eilish en ce moment. On aime le minimalisme qu'on peut retrouver chez Gesaffelstein ou Nine Inch Nails, avec cette espèce de cold wave derrière. Personnellement, les Beatles et Bob Marley sont les plus grands. Ils ont été très importants dans mon éducation musicale.

Et le rap, le hip-hop ?

YH : On a certains morceaux très inspirés de la scène trap…  Je crois que ça va évoluer dans ce sens car le rythme est prenant, les gens sautent sur cette musique en deux secondes. Je ne veux pas forcément de trucs guillerets mais qui envoient sur scène. Je suis toujours surpris quand je vois un groupe comme Suicideboys, qui livre un vrai combat sur scène ! Je suis un peu jaloux d'ailleurs, car ils sont déjà sur un projet avec Korn. On peut innover de ce côté-là…

Le groupe existe depuis plus de 20 ans. Comment évolue-t-on avec son époque ? Quel regard portez-vous sur ces années ?

YH : C'est la passion qui nous fait innover. On traverse les années, mais on ne change pas spécialement… Le fil directeur c'est de mettre la guerre sur scène surtout !

MK : On essaie de ne pas se trahir. Ce serait ridicule de se lancer dans un album expérimental qui nous sortirait complètement de notre univers ! Ou alors, il faudrait que ce soit un projet parallèle… Mais avec Mass Hysteria, on sait ce qui fonctionne, avec quelques libertés prises sur deux ou trois morceaux par album.  Les quatre premiers albums ont été faits avec des compromis, pour les maisons de disque et les radios. Mais depuis quelques années, on ne pense plus à tout ça et on réalise des morceaux pour les jouer en concert. Aujourd'hui, on essaie d'innover tout en restant authentiques.

Vous chantez en français, vos paroles sont plutôt engagées… On pourrait presque dire que vous êtes le Rage Against The Machine à la française, non ?

MK : Pas faux… Nos paroles sont engagées, sans prendre vraiment parti, mais je dis ce qui m'agace dans ce que je peux voir ou entendre. Je défends des valeurs très simples : l'amour, l'amitié, la vie en général. Mais entre les chansons engagées et celles plus sentimentales, notre public se retrouve et reste uni.

YH : Mouss le sait… Les messages à caractère politique, ce n'est pas trop mon délire. Mais je trouve qu'il a une force fédératrice sur scène, dans son attitude et sa manière de chanter. Et cette association avec mes riffs plutôt énervés marche bien.

MK : Rage Against The Machine ou Bad Brains connaissent cette fusion musicale, avec des paroles presque rappées, des textes forts, et des morceaux de guitare survoltés. Le premier album de RATM nous a mis une claque monumentale ! Et si je parle en français, c'est surtout pour être compris, même si mes premières chansons étaient en anglais. En français, c'est simple et efficace.

Votre succès vient aussi de votre énergie sur scène. Que préparez-vous pour le Hellfest, où vous serez dans quelques jours ?

YH : C'est simple : on a un énorme écran géant et on jouera en pleine nuit, donc il y aura trois morceaux avec de la vidéo, un jeu de lumières préparé par nos techniciens, et un peu de pyrotechnie. J'ai vu Iron Maiden l'an dernier, et même si ça peut paraître kitsch, quand les flammes et les pétards sont bien utilisés, ça rend bien.

MK : Il faut jouer au Hellfest comme on jouait dans des bars il y a vingt ans. On arrive sur scène et on fait en sorte que le concert soit lumineux. Il faut que ça détonne, tant musicalement que visuellement, donc on travaille beaucoup sur ça en ce moment. Par exemple, sur le titre World on fire, la pyro s'impose… Surtout que c'est un morceau très important ces derniers temps.

Le Hellfest fait vraiment honneur à tous les groupes qui bossent bien en France. Ça montre que la scène métal française existe et qu'elle a su se renouveler.

Mouss Kilai

chanteur de Mass Hysteria

Vous participez à la soirée "100% Frenchies" durant cette édition du Hellfest. Parlez-moi un peu de la scène métal en France, qui semble avoir bien évolué…

MK : Je trouve que l'initiative du Hellfest est géniale ! Je sais que le taulier du Hellfest (Ben Barbaud) n'est pas très fan du chant en français dans le métal. Mais progressivement, il a vu que le public était demandeur. Cette année, il fait vraiment honneur à tous les groupes qui bossent bien en France. Ça montre que la scène française existe vraiment et qu'elle a su se renouveler.

YH : Le gros problème, c'est qu'il y a plein de groupes dont on ne parle pas… En Suède, au Portugal, en Italie, c'est complètement différent ! En France, les groupes sont très écoutés et font des shows sur scène, mais on dirait qu'il ne faut pas en parler, et encore moins les diffuser à la radio. Depuis cinq ou six ans, quand un groupe vient au Hellfest, c'est toujours plein ! Aujourd'hui, l'un des groupes français les plus connus à l'étranger, c'est Gojira.

MK : Par exemple, je trouve ça fou qu'il n'y ait pas une récompense pour les musiques extrêmes aux Victoires de la Musique.

Il y a eu Shaka Ponk en 2018…

MK : Oui, mais ce sont bien les seuls. Si tu regardes du côté des États-Unis, lors d'une cérémonie grand public, personne ne sera choqué de voir un duo Metallica-Lady Gaga. En France, le public aurait du mal à comprendre, je crois…

YH : On n'est pas pris au sérieux dans les médias, mais les Américains le sont. Aujourd'hui, on s'en fiche un peu, car il y a le Hellfest qui prouve que cette musique existe en France. C'est le plus gros festival, qui arrive à vendre 60.000 billets en deux heures.

MK : Mais peut-être qu'être en marge, c'est la force du truc ! Si on passait trop à la radio ou à la télévision, ce serait peut-être dangereux, car notre public aurait l'impression qu'on se travestit.

Et, en même temps, on a l'impression que le métal est de plus en plus accepté par l'opinion publique.

MK : C'est vrai… Tout se démocratise. Aujourd'hui, ça ne fait plus peur des gros barbus tatoués… Avec les réseaux sociaux, ça devient très banal. Mais il ne faut pas que ça se démocratise trop. On voit ce que ça a donné sur le rap français actuel, qui a perdu du fond.

YH : C'est devenu la nouvelle variété française… Après, des mecs comme PNL sont très intelligents. Leurs paroles m'exaspèrent, mais je les trouve très forts en "trompant" le public sur ce qu'ils produisent. Leur musique est bien foutue et ils pourraient donner des cours de marketing dans des écoles.

Le public du club Le Yoyo monte sur scène durant un concert de Mass Hysteria, le 7 juin 2019. (MATHIEU MESSAGE / FRANCE TV INFO)

Justement, en termes de merchandising, vous sortez une bière et proposez des soins pour la barbe. Pourquoi ce choix ?

YH : Les gens parlent vachement, mais il faut savoir qu'on est obligé d'aller chercher des partenaires financiers pour vivre.

MK : Quand la tournée s'arrête, on n'a plus de cachets concert. On doit donc bosser à côté…

YH :  Pour la bière, on a voulu valoriser les artisans. Elle est faite avec un brasseur français, fan de métal et biker, qu'on a rencontré au Mondial du tatouage. C'est pareil pour la cire à barbe ou le reste.

MK : Ça reste correct… On n'est pas allés faire des dessous de tasses avec nos tronches, comme Frank Michael !

Peut-être que ça fait partie, là aussi, d'une peur de voir votre image dénaturée…

YH : Sûrement, oui… Mais, il n'y a pas de raison.

Après le Hellfest, quel est le programme ?

YH : On enchaîne avec les Eurockéennes de Belfort, Musilac, les Francofolies… Evidemment, le Hellfest c'est la messe. Et puis, on continuera notre petite tournée…

MK : On fait un Zénith à la fin de l'année, c'est un gros défi pour un groupe comme nous. Si quelqu'un m'avait dit ça il y a quelques années, je lui aurais rigolé au nez !

Pas encore d'idées pour un nouvel album ?

YH : On digère d'abord Maniac. Je pense qu'on prendra une petite pause pour bien se préparer, parce que le dixième album est un évènement un peu spécial. On rêvait d'aller jusqu'à dix albums, donc ce sera particulier, peut-être le dernier… On ne sait pas. On est aussi à un âge où on ne peut pas vraiment faire autre chose comme boulot. En tout cas, l'âge ne pose vraiment aucun souci pour être sur scène. Lemmy Kilmister (Motörhead) disait : "si à cinquante ans tu trouves que t'es trop vieux pour faire du rock, c'est que tu es déjà vieux". Je suis fan, il a totalement raison.

Mass Hysteria sera au Hellfest (Clisson) le 21 juin 2019, puis aux Eurockéennes, Musilac et les Francofolies de La Rochelle cet été.

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