Nick Cave en concert à Paris : des ténèbres naissent les frissons
Il y a un peu plus d'un an, le crooner électrique australien sortait son 16e album, Skeleton Tree. Un disque aussi magnifique que tragique, marqué du sceau du deuil. Pendant sa conception à l'été 2015, Cave avait perdu son fils de 15 ans, tombé accidentellement d'une falaise à Brighton, alors qu'il était sous l'emprise de LSD. La poignante chanson "I Need You" fut la seule de l'album écrite pour son enfant. Dans sa version studio, le déchirement s'entend dans la voix rauque et crépusculaire de Cave, cet homme qui a flirté avec la mort une bonne dizaine de fois à force d'excès autodestructeurs en tous genres et qui se voyait là infliger la plus insoutenable des blessures.
Sur la scène du Zénith, l'interprétation de ce titre est attendu fébrilement par son public, partagé entre la crainte de voir l'idole terriblement fragilisé par l'instant d'émotion et la nécessité de justement le soutenir dans sa catharsis. Et c'est bel et bien douloureux et magnifique: Cave, pour la seule fois du concert, doit s'asseoir et s'aider des paroles écrites sur une feuille pour trouver la force de chanter.
Le regard embué et dans un vide profond, il finit par se lever et s'approcher du public pour lui marteler ces mêmes "I Need You" initialement adressés à son fils. Les spectateurs ont compris que Nick Cave a besoin d'eux et portent littéralement, mains sur le torse dénudé sous la chemise, l'artiste blessé à jamais, mais bel et bien vivant devant eux.
Extatique
Une heure plus tôt, c'est le titanesque "Higgs Boson Blues" qui a été le premier sommet de la soirée. Il fallait voir Nick Cave, écartant les bras tel une figure christique, soulever la passion en face de lui, celle de fans transis qui touchaient déjà sa poitrine. "Can you feel my heart beat?" (sens-tu mon coeur battre?), chante-t-il alors comme un chamane, son corps se balance et ne fait qu'un avec ses fans envoutés. Derrière lui, imperturbables et précis comme les grands musiciens savent l'être, les Bad Seeds restent discrets, à l'exception du barbu Warren Ellis qui fait des sauts de cabri en jouant de son violon.Nick Cave hier au zenith dans le public juste à côté de moi ! Push the sky away !!! pic.twitter.com/x3Chkll8pg
— Mic frebert (@micfrebert) 4 octobre 2017
Le rappel en apporte la preuve éclatante. Sur "The Weeping Song", Cave baigne dans le public du gradin de droite, avant, chose rare pour lui, de faire monter des dizaines de spectateurs sur scène pour danser sur "Stagger Lee". Le maître dit ensuite à ses disciples de s'asseoir, Tous s'exécutent religieusement. Cave ne cache ni sa joie ni sa reconnaissance. Au milieu des gens, tous sourires béats, il grimpe cette fois sur le gradin de gauche et conclut en beauté avec "Push the Sky Away". Ce mardi soir, il a été bien plus haut que le ciel.
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