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Nick Cave en concert à Paris : des ténèbres naissent les frissons

Les poils de 6.000 personnes en sont encore hérissés: en totale communion avec son public, Nick Cave, accompagné de ses fidèles Bad Seeds, a délivré un sublime concert, intense comme rarement et chargé en émotion comme jamais, mardi soir au Zénith de Paris
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Nick Cave - Europan tour 2017
 (Photoshot / Maxppp)

Il y a un peu plus d'un an, le crooner électrique australien sortait son 16e album, Skeleton Tree. Un disque aussi magnifique que tragique, marqué du sceau du deuil. Pendant sa conception à l'été 2015, Cave avait perdu son fils de 15 ans, tombé accidentellement d'une falaise à Brighton, alors qu'il était sous l'emprise de LSD. La poignante chanson "I Need You" fut la seule de l'album écrite pour son enfant. Dans sa version studio, le déchirement s'entend dans la voix rauque et crépusculaire de Cave, cet homme qui a flirté avec la mort une bonne dizaine de fois à force d'excès autodestructeurs en tous genres et qui se voyait là infliger la plus insoutenable des blessures.

Sur la scène du Zénith, l'interprétation de ce titre est attendu fébrilement par son public, partagé entre la crainte de voir l'idole terriblement fragilisé par l'instant d'émotion et la nécessité de justement le soutenir dans sa catharsis. Et c'est bel et bien douloureux et magnifique: Cave, pour la seule fois du concert, doit s'asseoir et s'aider des paroles écrites sur une feuille pour trouver la force de chanter.

  (Thc/Zjf/Wenn.com/Sipa)
Le regard embué et dans un vide profond, il finit par se lever et s'approcher du public pour lui marteler ces mêmes "I Need You" initialement adressés à son fils. Les spectateurs ont compris que Nick Cave a besoin d'eux et portent littéralement, mains sur le torse dénudé sous la chemise, l'artiste blessé à jamais, mais bel et bien vivant devant eux.

Extatique

Une heure plus tôt, c'est le titanesque "Higgs Boson Blues" qui a été le premier sommet de la soirée. Il fallait voir Nick Cave, écartant les bras tel une figure christique, soulever la passion en face de lui, celle de fans transis qui touchaient déjà sa poitrine. "Can you feel my heart beat?" (sens-tu mon coeur battre?), chante-t-il alors comme un chamane, son corps se balance et ne fait qu'un avec ses fans envoutés. Derrière lui, imperturbables et précis comme les grands musiciens savent l'être, les Bad Seeds restent discrets, à l'exception du barbu Warren Ellis qui fait des sauts de cabri en jouant de son violon.
Pour qui a autant chanté la mort, l'enfer semble être un endroit familier à Nick Cave, qui en compose la bande-son depuis plus de 30 ans. "From Her to Eternity", "Red Right Hand" et sa cloche qui sonne comme le glas, ou encore "The Mercy Seat" accompagnent furieusement la descente du Styx imposé par leur auteur. Mais à l'image de "Jubilee Street" et sa montée finale extatique, l'énergie de Nick Cave est positive en cette première étape parisienne, avant une seconde ce mercredi.

Le rappel en apporte la preuve éclatante. Sur "The Weeping Song", Cave baigne dans le public du gradin de droite, avant, chose rare pour lui, de faire monter des dizaines de spectateurs sur scène pour danser sur "Stagger Lee". Le maître dit ensuite à ses disciples de s'asseoir, Tous s'exécutent religieusement. Cave ne cache ni sa joie ni sa reconnaissance. Au milieu des gens, tous sourires béats, il grimpe cette fois sur le gradin de gauche et conclut en beauté avec "Push the Sky Away". Ce mardi soir, il a été bien plus haut que le ciel.

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