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Nick Cave sort “Skeleton Tree” au nom du père et du fils

C’était un album attendu et redouté. Le premier de Nick Cave depuis la mort accidentelle de son fils en juillet 2015.
Article rédigé par Olivier Flandin
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Kerry Brown)

Il est impossible de dissocier ce 16e  disque de Nick Cave du documentaire qui l’accompagne. Projeté au cinéma la veille de sa sortie, le long métrage montre le musicien chez lui et en studio, s’interroger, répéter et interpréter in extenso les huit nouvelles chansons de “Skeleton Tree”. Au-delà des magnifiques images en noir et blanc du réalisateur (et ami) Andrew Dominik, ce film bouleversant dévoile l’intimité de l’artiste après la mort de son fils de 15 ans, tombé accidentellement d’une falaise sous l’emprise de LSD, près du domicile familial de Brighton.

Nick Cave, présenté dans les premières minutes du film en personnage de cinéma avec son costume habituel de dandy qui se recoiffe sans arrêt, se raconte peu à peu, de manière de plus en plus intime, entre ses parts d’ombres et de lumières. Le musicien explique comment ce traumatisme l’a changé à jamais : " la vie continue mais le temps est élastique, il me ramènera toujours à cet événement, comme un boomerang”. Le ténébreux rockeur reconnaît qu’il ne parvient plus à être “dans le contrôle”, qu’il doute aussi de la pertinence de raconter son drame.

On ressent la difficulté de revenir en studio, six mois après l’accident. La proximité des fidèles Bad Seeds apporte son lot de réconfort : regards complices et solennels, et même quelques blagues. Et puis Nick Cave s’approche du micro, fébrile comme on l’a rarement vu. Il redoute d’avoir à poser sa voix sur des mélodies qui ont souvent étés improvisées avant l'accident, lors des premières séances de travail avec Warren Ellis, le musicien ami “sans qui rien n’aurait été possible".

Un album d’ombres et de lumières

La voix, magnétique, est particulièrement intense, proche et grave. De circonstance. Les premiers morceaux, à l’image de “Jesus Alone” sont presque exclusivement parlés. Seuls les refrains sont chantés, doucement, comme des berceuses, sous des notes de piano aux allures de requiem. Très en avant tout au long des huit précieux titres de “Skeleton Tree”, les mots, puissants et poétiques, se mêlent aux expérimentations sonores de Warren Ellis, plus rarement à son violon, et jamais aux guitares saturées qui ont contribué à la réussite de “Push the Sky Away” en 2013.

Cet album-là est d’une tout autre beauté. L’émotion, perceptible du début à la fin, prend une dimension toute particulière sur “Girl in Amber”, quand la question de la mort est directement abordée. La voix s'éclaircit d’un coup, sur “Anthrocene”, avec des chœurs lumineux qui accompagnent pourtant de sombres pensées sur le sort de l’humanité. La deuxième partie du disque est plus chantée (magnifiquement sur “I Need You “), plus rythmée aussi.
Cette œuvre, si particulière dans la carrière de Nick Cave, se referme sur une note (légèrement)  plus entraînante avec le titre “Skeleton Tree”. La vie continue.

A l'écoute du disque, les images du film reviennent sans cesse. On repense au sourire de Earl, le frère jumeau d’Arthur qui passe embrasser son père au studio; on revoit Susie, sa compagne, montrer le tableau réalisé par le fils disparu qui représente l’endroit exact d’où il est tombé, 10 ans plus tard.

Et quand le silence arrive, à la fin de la dernière chanson, une mélodie revient en tête, celle de “Deep Water"que Nick Cave avait composé pour Marianne Faitfhull. Le film se termine sur cette chanson, enregistrée  avec les voix enfantines des frères jumeaux et leur père au piano. Difficile de retenir ses larmes.
La pochette de deuil de  "Skeleton Tree"  de Nick Cave
"Skeleton Tree" de Nick Cave and The Bad Seeds est sorti vendredi 9 septembre (Kobalt/PIAS)

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