"Oasis n'existe plus" : ce fameux soir d'août 2009 où le groupe de Liam et Noel Gallagher se séparait avec fracas à Rock en Seine
Dans l'histoire du rock, c'est une sortie de route de légende, dont la date est marquée d'une pierre noire. Le vendredi 28 août 2009 au soir, le groupe britannique Oasis emmené par Noel et Liam Gallagher, se disputait violemment en coulisses du festival parisien Rock en Seine et décidait dans la foulée de mettre fin à une aventure longue de dix-huit ans qui avait mené les Mancuniens au faîte de la gloire et de la britpop.
Au premier soir des trois jours de cette édition 2009 du festival, 30 000 personnes, dont un tiers de fans anglais, attendent la venue d'Oasis sur la pelouse du Domaine de Saint-Cloud, qui affiche complet. En dépit des frasques du groupe et des disputes médiatisées entre les deux frangins, personne ne se doute qu'un lapin monstrueux, impensable, va leur être posé par le quintet auteur de (What's The Story) Morning Glory? (1995), l'un des albums de rock les plus vendus de tous les temps.
"Le groupe ne jouera pas ce soir"
À 22h05, alors que le public s'impatiente au pied de la Grande Scène, un responsable du festival prend courageusement le micro : "Je vous annonce que malheureusement, sur le site de Rock en Seine, Liam et Noel se sont battus. C'est arrivé tout à l'heure, Noel est parti. Le groupe n'existe plus. Il ne jouera pas ce soir et annule le reste de sa tournée européenne."
Un an après l'annulation au dernier moment et au même endroit du concert d'Amy Winehouse, le public croit d'abord à une blague potache d'Oasis et de Rock en Seine pour faire passer un retard injustifié des sales gosses. C'est sûr, ils vont arriver.
Mais ils ne viendront pas. La foule est tellement sidérée qu'elle proteste mollement, se contentant de huer sa déception durant de longues minutes, d'autant que le groupe Madness, qui a joué un peu plus tôt sur une autre scène, prend la relève au pied levé moyennant une belle rallonge.
Mais c'est pire que ce que les fans imaginent alors : Oasis, c'est vraiment terminé, confirme Noel Gallagher peu après sur le site du groupe. "C'est avec un peu de tristesse et un grand soulagement que je vous dis que je quitte Oasis ce soir. Les gens écriront et diront ce qu'ils veulent, mais il m'est impossible de continuer à travailler avec Liam un jour de plus."
Des guitares ont volé
Que s'est-il passé ? Les témoins parlent d'une "violente bagarre" des deux frères survenue dans les loges. Une altercation brève, mais définitive, qui n'a laissé à personne le temps d'intervenir. Des insultes ont été échangées – "You fucking cunt!", aurait hurlé Liam à Noel alors qu'il tournait les talons, blême. Des guitares ont volé, dont une offerte à Noel Gallagher par Eric Clapton. Une guitare Gibson ES-355 (la même ?) n'est pas perdue pour tout le monde, elle sera revendue en 2022 après restauration pour le prix astronomique de 385 000 euros.
"L'ambiance était tendue dans les loges", témoignait dans Les Inrocks en 2019 Laurent Truel, le patron du pub musical parisien le Truskel, qui se trouvait en backstage durant la bagarre. "Les gens prévoyaient un clash, mais pas à Paris. Ils pensaient que ça péterait à Milan, la dernière date de la tournée. Les deux frangins ne se supportaient vraiment plus."
"Je n'en ai jamais eu marre d'Oasis. J'en ai eu marre de lui", dira Noel en juillet 2011 lors d'une conférence de presse. Selon lui, la dispute aurait éclaté lorsque Liam aurait demandé qu'une publicité pour sa ligne de vêtements Pretty Green soit insérée dans le programme de leur tournée. Pas question, aurait répondu Noel – "je ne trouvais pas ça normal qu'il fourgue ça à nos fans". Noel en voulait déjà à son frère pour des dizaines d'incidents, dont une gueule de bois qui les avait contraints à annuler un concert au V Festival britannique au prétexte qu'il souffrait d'une laryngite. Toutes choses que Liam nie. Et qui justifient difficilement un clash aussi fracassant.
Bad boy contre besogneux
Dans ce duo de frères ennemis issus d'un milieu ouvrier, le benjamin Liam est le bad boy éruptif et provocateur, tandis que Noel est le besogneux sérieux et compositeur principal. "Pour Noel Gallagher, le rock à guitare est un ticket pour une vie meilleure (…) alors que pour Liam, le groupe est un amusement", analysent Nico Prat et Benjamin Durand dans leur essai Oasis ou la revanche des ploucs (2021). Entre eux, deux visions de la vie s'opposent et ils ne cessent de s'asticoter, se rabaisser et s'humilier mutuellement.
En réalité, sous leurs hymnes fédérateurs, ces Wonderwall, Supersonic et autre Don't Look Back in Anger, les tensions étaient présentes dès le premier jour, et le torchon brûlait déjà depuis belle lurette entre eux avant la rupture. À Rock en Seine, ils faisaient d'ailleurs loges à part et chacun avait son bus de tournée. Ils ne se parlaient plus et voyageaient chacun de leur côté. Selon Noel, ce fameux soir, Liam, qui avait dû picoler plus que de raison, "est allé dans sa loge et il en est revenu avec une guitare qu'il agitait comme une hache (…) il m'a presque arraché la tête avec".
Oui, mais quelle pique a déclenché un tel accès de violence ? Les auteurs d'Oasis ou la revanche des ploucs, croient savoir : "Liam Gallagher aurait dit à Noel que sa fille, Anaïs, 9 ans à l'époque [dont la mère est Meg Matthews], n'était pas la sienne", écrivent-ils.
Depuis, les deux frérots ont chacun sorti des albums de leur côté, qui n'ont jamais égalé le quart du succès connu ensemble, et n'ont cessé ces quinze dernières années de s'envoyer des coups de pelle via les réseaux sociaux. Jusqu'à ces derniers jours où le ton a subitement changé.
Une reformation, vraiment ?
Selon le NME, Liam, 51 ans, qui se produisait ce week-end au festival de Reading, a joué notamment Half The World Away d'Oasis, sorti en 1994. Au micro, il a dédié cette chanson "à Noel fucking Gallagher". Puis, dans la nuit de dimanche à lundi 26 août, ce fut un rendez-vous énigmatique lancé sur les réseaux sociaux pour mardi 27 août au matin.
Selon la rumeur qui enfle depuis outre-Manche, Noel, 57 ans, aurait finalement accepté une reformation du groupe à l'issue d'un coup de fil nocturne. "Noel et Liam ne vont jamais devenir les meilleurs amis du monde, mais ils veulent ramener Oasis pour les fans. Ils ne sont plus tout jeunes et la demande est énorme. Ils ont décidé que c'était maintenant ou jamais", aurait indiqué "une source" au journal The Sun (qu'on n'est pas obligés de croire).
Quoi qu'il en soit, un certain festival français n'attend que ça depuis quinze ans. "Ce qu'on a en tête, et qui fait l'objet d'espérance pratiquement tous les ans, c'est une reformation. On ne peut pas s'empêcher d'y penser et on sera preneurs", confiait en 2020 à franceinfo Sarah Schmitt, alors patronne de Rock en Seine (de 2017 à 2020). Les deux mauvais garçons autoproclamés doivent bien ça au festival.
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