Cet article date de plus d'onze ans.
On y était : la deuxième nuit du festival des Inrocks 2013
Alors qu’Arctic Monkeys, tête de pont de l'écurie Domino Records, faisait salle comble au Zénith, le label indépendant anglais présentait jeudi soir à la Cigale ses jeunes poulains, dont Matthew E.White, Petite Noir et Austra, dans le cadre du festival des Inrocks. Le prince noir de l’électronique française Gesaffelstein prenait ensuite les platines au Palais de Tokyo. On vous raconte.
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AMAZING SNAKEHEADS
A 19h, c’est dans une Cigale quasiment vide que les Amazing Snakeheads ouvrent le bal. La bruine persistante qui sévit au dehors n’a pas du trop dépayser ce trio écossais : ils jouent vite et fort, comme si leur vie en dépendait. Vraies trognes de petites frappes, chemises à ramages, guitare, basse et cogneur en surpoids aux fûts, ils font un sacré boucan rock, très Cramps, avec une profondeur de son inattendue. « No hope, no more lies » (pas d'espoir, plus de mensonges) braille le chanteur-guitariste à s’en faire péter la glotte. Nous non plus on ne va pas mentir : tout juste signés chez Domino, ils méritent de mûrir encore un peu et de voir du pays (ils ne sont quasiment jamais sortis d’Ecosse) pour tutoyer la gloire, mais on sent un beau potentiel. Pourvu qu’ils gardent la hargne. MATTHEW E.WHITE
19h45 Matthew E.White, géant barbu à lunettes en chemisette blanche, dont on a découvert récemment l’album « Big Inner », mélange voluptueux de rock, de jazz et de gospel, se produit ce soir en formation réduite à quatre au total, sans cuivre, mais flanqué d’un musicien de pedal steel guitar en chaussettes ( !). Le groupe tarde à se chauffer, peinant au départ à convaincre qu’il est plus ample qu’un simple groupe de pub rock. Mais au cinquième titre, le tempo ralentit et la qualité hypnotique de l’album s’installe enfin avec le merveilleux « One of these days ». Le quatuor peace & love (ça sent la bohême et les dîners végétariens communautaires) déroule ensuite sa douceur chaleureuse jusqu’au bout, terminant sur « Brazos » et son splendide refrain gospel. Le rideau tombe un peu abruptement après 40 mn de concert, laissant un goût d’inachevé et le sentiment que les 30 minutes suivantes auraient pu nous faire atteindre la béatitude.
Matthew E. White au Festival Les Inrocks PETITE NOIR
20h40 Depuis son passage aux Trans Musicales de Rennes l’an passé, où le groupe avait impressionné la critique, la réputation de Petite Noir, qui n’a toujours pas sorti d’album, n’a cessé de grimper. Yannick Illunga, 22 ans, né à Bruxelles mais élevé en Afrique du Sud, a de faux airs d’Asap Rocky. Il débarque en noir de pied en cap, de la casquette à l’envers au jean’s ultra slim, accompagné de trois musiciens tout de blanc vêtus. Sa voix impressionne d’emblée mais il manque quelque chose à ses compositions à la lisière du math rock et du trip-hop pour convaincre : de vraies mélodies susceptibles de donner de la cohésion à cet ensemble un peu décousu. On écoutera toutefois son album avec attention…lorsqu’il sortira.
KITSUNE (YEARS & YEARS, PORTLAND)
Pendant ce temps là, à la Boule Noire, le label Kitsuné présente aussi ses dernières trouvailles en avant-première. Years & Years remporte l’adhésion générale. L’enthousiaste chanteur Olly Alexander y emmène de sa voix fraîche et juvénile de belles pop songs non formatées auxquelles on promet un bel avenir. Joli filet de voix aussi chez la chanteuse blonde peroxydée du groupe Portland, qui s’exprime en anglais et dont rien ne laisse soupçonner qu’elle vient de Metz. Leur pop-dance synthétique mériterait toutefois d’être dégrossie avant de pouvoir faire un carton à l’international…
AUSTRA
Lorsqu’on regagne la Cigale vers 21h15, les Canadiens d’Austra sont sur scène et on sent la différence. Pour la première fois de la soirée, un véritable effort est fait sur le décor (de gracieuses ombrelles blanches disposées sur scène), le light show et les tenues. Petite elfe en mode cosplay - robe de satin blanc très Alice au Pays des Merveilles et grosses tatanes noires gothiques -, la blonde Katie Stelmanis fait chavirer le public de sa voix pure. Bien sûr, elle rappelle furieusement Bjork et nous la fait forcément regretter, mais les hymnes synthé-pop de son second album « Olympia » sorti cette année tiennent bien la route. Nous on se dépêche de la prendre, la route, dès le concert fini pour rejoindre le club le Yoyo, récemment ouvert par un baron de la nuit parisienne, pour assister au dj set du nouvel astre de l’électro française Gesaffelstein.
GESAFFELSTEIN
A minuit, le Yoyo, belle salle de béton à angles droits située sous le Palais de Tokyo, est déjà noire de monde. Ce soir, les filles sont en surnombre, au ravissement des garçons. Sauf qu’elles ne sont pas venues les draguer eux, mais se pâmer pour le jeune prince noir de la techno Gesaffelstein. Elles en pincent toutes pour l’auteur de « Viol » et « Pursuit », beau brun ténébreux dont le premier album maléfique, « Aleph », vient de sortir. Précédé de Krikor, alias Crackboy, Gesa est annoncé pour 1h du matin. Il débarque aux platines avec 35 minutes de retard et démarre là où on ne l’attendait pas, sur un petit enchaînement électro-hip-hop.
Ce soir, Mike Levy (son vrai nom) fête un peu la sortie de son album. Mais il enterre aussi provisoirement sa vie de dj. Car il entame ces jours-ci une tournée où il joue en configuration « live » ses propres morceaux. C’est une chose à laquelle il aspirait, puisqu’il veut tourner un peu le dos aux clubs et aux remixes pour se concentrer sur ses productions. Pour autant, le dernier tour de piste se doit d’être vécu à fond et il ne s’en prive pas. Il joue des titres moins « dark » que son album, que son set citera très peu, et ne fait pas dans la nuance. Ca tabasse et ça concasse, ça monte et ça descend, il y a quelques sorties de route – « eh, il sait même pas mixer ! » lâche un voisin - mais Gesa, qui n’aime rien tant que surprendre (en bien ou en mauvais c’est idem pour lui), est tout à son affaire à tordre les corps (de douleur ?). On l’a rarement vu aussi survolté, sortant de sa gestuelle étudiée, minimale et hiératique (de petits saluts à angle droit, cigarette au bec), pour tournoyer sur lui-même ou esquisser un déhanché qui fait se balancer sa mèche, et même tomber la veste pour ne garder que la chemise blanche. Il est pourtant à l’eau minérale, dont il avale des gorgées à la dérobée, caché sous l’estrade (boire au goulot, comme ça, devant tout le monde, comme un soiffard, vous n’y pensez pas !). A 3h du matin, on quitte les lieux, il joue encore.
A 19h, c’est dans une Cigale quasiment vide que les Amazing Snakeheads ouvrent le bal. La bruine persistante qui sévit au dehors n’a pas du trop dépayser ce trio écossais : ils jouent vite et fort, comme si leur vie en dépendait. Vraies trognes de petites frappes, chemises à ramages, guitare, basse et cogneur en surpoids aux fûts, ils font un sacré boucan rock, très Cramps, avec une profondeur de son inattendue. « No hope, no more lies » (pas d'espoir, plus de mensonges) braille le chanteur-guitariste à s’en faire péter la glotte. Nous non plus on ne va pas mentir : tout juste signés chez Domino, ils méritent de mûrir encore un peu et de voir du pays (ils ne sont quasiment jamais sortis d’Ecosse) pour tutoyer la gloire, mais on sent un beau potentiel. Pourvu qu’ils gardent la hargne. MATTHEW E.WHITE
19h45 Matthew E.White, géant barbu à lunettes en chemisette blanche, dont on a découvert récemment l’album « Big Inner », mélange voluptueux de rock, de jazz et de gospel, se produit ce soir en formation réduite à quatre au total, sans cuivre, mais flanqué d’un musicien de pedal steel guitar en chaussettes ( !). Le groupe tarde à se chauffer, peinant au départ à convaincre qu’il est plus ample qu’un simple groupe de pub rock. Mais au cinquième titre, le tempo ralentit et la qualité hypnotique de l’album s’installe enfin avec le merveilleux « One of these days ». Le quatuor peace & love (ça sent la bohême et les dîners végétariens communautaires) déroule ensuite sa douceur chaleureuse jusqu’au bout, terminant sur « Brazos » et son splendide refrain gospel. Le rideau tombe un peu abruptement après 40 mn de concert, laissant un goût d’inachevé et le sentiment que les 30 minutes suivantes auraient pu nous faire atteindre la béatitude.
Matthew E. White au Festival Les Inrocks PETITE NOIR
20h40 Depuis son passage aux Trans Musicales de Rennes l’an passé, où le groupe avait impressionné la critique, la réputation de Petite Noir, qui n’a toujours pas sorti d’album, n’a cessé de grimper. Yannick Illunga, 22 ans, né à Bruxelles mais élevé en Afrique du Sud, a de faux airs d’Asap Rocky. Il débarque en noir de pied en cap, de la casquette à l’envers au jean’s ultra slim, accompagné de trois musiciens tout de blanc vêtus. Sa voix impressionne d’emblée mais il manque quelque chose à ses compositions à la lisière du math rock et du trip-hop pour convaincre : de vraies mélodies susceptibles de donner de la cohésion à cet ensemble un peu décousu. On écoutera toutefois son album avec attention…lorsqu’il sortira.
KITSUNE (YEARS & YEARS, PORTLAND)
Pendant ce temps là, à la Boule Noire, le label Kitsuné présente aussi ses dernières trouvailles en avant-première. Years & Years remporte l’adhésion générale. L’enthousiaste chanteur Olly Alexander y emmène de sa voix fraîche et juvénile de belles pop songs non formatées auxquelles on promet un bel avenir. Joli filet de voix aussi chez la chanteuse blonde peroxydée du groupe Portland, qui s’exprime en anglais et dont rien ne laisse soupçonner qu’elle vient de Metz. Leur pop-dance synthétique mériterait toutefois d’être dégrossie avant de pouvoir faire un carton à l’international…
AUSTRA
Lorsqu’on regagne la Cigale vers 21h15, les Canadiens d’Austra sont sur scène et on sent la différence. Pour la première fois de la soirée, un véritable effort est fait sur le décor (de gracieuses ombrelles blanches disposées sur scène), le light show et les tenues. Petite elfe en mode cosplay - robe de satin blanc très Alice au Pays des Merveilles et grosses tatanes noires gothiques -, la blonde Katie Stelmanis fait chavirer le public de sa voix pure. Bien sûr, elle rappelle furieusement Bjork et nous la fait forcément regretter, mais les hymnes synthé-pop de son second album « Olympia » sorti cette année tiennent bien la route. Nous on se dépêche de la prendre, la route, dès le concert fini pour rejoindre le club le Yoyo, récemment ouvert par un baron de la nuit parisienne, pour assister au dj set du nouvel astre de l’électro française Gesaffelstein.
GESAFFELSTEIN
A minuit, le Yoyo, belle salle de béton à angles droits située sous le Palais de Tokyo, est déjà noire de monde. Ce soir, les filles sont en surnombre, au ravissement des garçons. Sauf qu’elles ne sont pas venues les draguer eux, mais se pâmer pour le jeune prince noir de la techno Gesaffelstein. Elles en pincent toutes pour l’auteur de « Viol » et « Pursuit », beau brun ténébreux dont le premier album maléfique, « Aleph », vient de sortir. Précédé de Krikor, alias Crackboy, Gesa est annoncé pour 1h du matin. Il débarque aux platines avec 35 minutes de retard et démarre là où on ne l’attendait pas, sur un petit enchaînement électro-hip-hop.
Ce soir, Mike Levy (son vrai nom) fête un peu la sortie de son album. Mais il enterre aussi provisoirement sa vie de dj. Car il entame ces jours-ci une tournée où il joue en configuration « live » ses propres morceaux. C’est une chose à laquelle il aspirait, puisqu’il veut tourner un peu le dos aux clubs et aux remixes pour se concentrer sur ses productions. Pour autant, le dernier tour de piste se doit d’être vécu à fond et il ne s’en prive pas. Il joue des titres moins « dark » que son album, que son set citera très peu, et ne fait pas dans la nuance. Ca tabasse et ça concasse, ça monte et ça descend, il y a quelques sorties de route – « eh, il sait même pas mixer ! » lâche un voisin - mais Gesa, qui n’aime rien tant que surprendre (en bien ou en mauvais c’est idem pour lui), est tout à son affaire à tordre les corps (de douleur ?). On l’a rarement vu aussi survolté, sortant de sa gestuelle étudiée, minimale et hiératique (de petits saluts à angle droit, cigarette au bec), pour tournoyer sur lui-même ou esquisser un déhanché qui fait se balancer sa mèche, et même tomber la veste pour ne garder que la chemise blanche. Il est pourtant à l’eau minérale, dont il avale des gorgées à la dérobée, caché sous l’estrade (boire au goulot, comme ça, devant tout le monde, comme un soiffard, vous n’y pensez pas !). A 3h du matin, on quitte les lieux, il joue encore.
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