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Pitchfork 2015 : clôture d'enfer pour Halloween (compte-rendu)

La 5e édition du Pitchfork festival parisien s’est achevée au petit matin dimanche, après une soirée copieuse à la Grande Halle de La Villette. Une nuit d’Halloween sans temps morts (on les cherchait), démarrée garage rock et achevée 100% techno.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Curtis Harding et son maquillage d'Halloween samedi au Pitchfork 2015.
 (Gilles Scarella / Studio France Télévisions)
Les quatre madrilènes Hinds, promesse du garage rock européen, au Pitchfork Paris 2015.
 (Gilles Scarella / Studio France Télévisions)
HINDS
Les adorables sauvageonnes de Hinds ont ouvert le bal dès la fin d’après-midi avec leur garage rock réjouissant. Deux guitares, une basse et une batterie, les quatre madrilènes offrent un retour à l’essence du rock, sans application ni virtuosité inutiles, mais avec une gaieté juvénile contagieuse. Il faut dire que Hinds sont une équipe de petites souris rock hyper jolies, charmeuses et souriantes sachant couiner en chœur, tout en envoyant régulièrement quelques uppercuts vintage bien sentis. Ces fans des Black Lips en sont les petites sœurs idéales en plus douces. De retour d’une tournée de six semaines aux Etats-Unis, elles ont débarqué de New York la veille à l’aube et "on a dormi genre 13 heures", nous apprennent-elles. Rien n’y paraît, elles sont d’une fraîcheur désarmante. Leur premier album est attendu pour janvier et en dépit de son titre "Leave Me Alone" (lâche moi la grappe), on risque de ne plus les lâcher.
> Revoir le concert intégral de Hinds au Pitchfork Festival

Curtis Harding en mode Halloween samedi au Pitchfork Paris 2015.
 (Gilles Scarella / Studio France Télévisions)
CURTIS HARDING
Curtis Harding qui leur succède a cédé au déguisement d’Halloween : le soul brother joue le jeu et apparaît maquillé de blanc façon zombie. Chez ce musicien américain à la voix rauque, quelque chose nous échappe. On adore son album "Soul Power", mélange de soul et de rock moderne bien tempéré, paru en Europe en début d’année, mais sur scène c’est une autre histoire. On lui trouve toujours des excuses en espérant que la prochaine fois sera la bonne mais rien n’y fait. Curtis Harding ne met jamais la fougue ni le grain de folie dont ses chansons auraient besoin pour décoller en concert. Faute de quoi, son live reste désespérément moyen, constant, ni bon ni mauvais, middle of the road. Il est vrai qu’on ne l’a quasiment vu en France que dans des festivals, comme ce soir dans des sets de 30 minutes façon showcase, coincé entre deux groupes de saveurs différentes. Un jour on le sait, il sera seul en tête d’affiche sur 1h30 et il mettra tout le monde d’accord.
> Revoir le concert de Curtis Harding au Pitchfork Festival

La chanteuse et songwriteuse britannique Nao au Pitchfork Paris 2015.
 (Gilles Scarella / Studio France Télévisions)
NAO
Pas le temps de reprendre son souffle que Nao débute sur la scène en face. On a découvert cette chanteuse londonienne sur "Superego", un titre du dernier album de Disclosure, grand révélateur de voix anglaises depuis trois ans. Ce soir, et c’est un soulagement, sa voix est beaucoup moins trafiquée que sur "Superego" ou "Firefly" de Mura Masa. Car cette chanteuse qui est aussi songwriteuse présente ici ses propres compositions, et notamment celles de son EP "February 15" paru en mai dernier. Traversée d’influences diverses issues du bouillon british actuel – néo-soul, funk princier, deep-house, R&B électronique et échos de dubstep - , la mayonnaise ne prend pas à tous les coups mais laisse entrevoir de belles possibilités. Petite flamme énergique, Nao parle entre les morceaux comme une Janet Jackson avec l’accent british et on la sent bien capable d’accrocher un jour un gros hit dans les charts anglais.
Father John Misty, très expressif au Pitchfork Paris 2015.
 (Gilles Scarella / Studio France Télévisions)
FATHER JOHN MISTY
Il y a foule pour Father John Misty, le fantaisiste évangéliste folk. Il est de loin l’artiste qui ressemble le plus ce soir à son public de hipsters : barbe fournie, visage émacié. Ne lui manque que la chemise de bûcheron troquée pour un élégant costume qui n’entrave en rien son jeu de scène démonstratif et non dénué d’humour – à genoux, tombant en fausse syncope… Ancien du groupe culte de Seattle Fleet Foxes, Joshua Tillman donne un show généreux de folk baroque, entouré de cinq musiciens. Il ne jouera pas ce soir "The Angry River", la chanson utilisée par la série "True Detective" qui a boosté son audience. Il attaque en revanche pied au plancher avec son hit "I Love You Honeybear" écrit à l’origine en pensant au naufrage du Titanic, et poursuit avec un set tiré majoritairement de son dernier album paru en début d’année (avec notamment "Chateau Lobby #4", "True Affection" et "Bored in the USA" ponctuée de rires et d’applaudissements tirés de show télévisés), avant de terminer sur "The Ideal Husband".
> Revoir le concert intégral de Father John Misty au Pitchfork festival

Ruban Neilson de Unknown Mortal Orchestra, très électrique au Pitchfork Paris 2015.
 (Gilles Scarella / Studio France Télévisions)
UNKNOWN MORTAL ORCHESTRA
Emmené par Ruban Neilson, Unknown Mortal Orchestra est en mode électrique ce soir. Auteur ce printemps d’un très bel album de psyché-groove mutant, ce groupe basé à Portland (Oregon) est en tournée depuis plus de six mois et ça se sent. Très en forme, moins neurasthénique et plus castagneur que jamais, Ruban s’amuse avec ses chansons, appuie à fond sur la pédale wah wah, se tord sur sa guitare dont il tire des riffs hendrixiens ou princiers selon l’humeur. Pour qui connaît le groupe, cette fantaisie est pur bonheur. Pour les autres, l’accès à ses compositions imprévisibles est moins évident. Débuté avec "Like Acid Rain" et "Necessary Evil" du dernier album, son set fait ensuite un crochet par ses précédents opus avec "From The Sun" et "How Can You Luv Me" terminés tous deux sur des solos épiques, tirant des cris de joie des fans de la première heure, pour la plupart américains, venus en nombre comme chaque année au festival. Il clôt le show sur les irrésistibles "Multi-Love" et "Can't Keep Checking My Phone", marquant des points chez les novices.
> Revoir le concert intégral de Unknown Mortal orchestra au Pitchfork Festival

EL-P et Killer Mike = Run The Jewels, montés sur ressorts au Pitchfork Paris 2015.
 (Gilles Scarella / Studio France Télévisions)
RUN THE JEWELS
Ce soir c’est le dernier concert de la tournée européenne de Run the Jewels. Après avoir donné à peu près "10.000 concerts en 400 jours" comme l’écrit leur dj de tournée Dj Trackstar, nos deux mc’s sont frais comme des gardons, prêts comme au premier jour à en découdre et à tricoter à cent à l’heure leurs rimes aussi drôles que critiques. Montés sur scène comme d’habitude au son de "We Are The Champions" de Queen, une sorte d’alerte rouge qui permet aux fans d’arriver ventre à terre, le tandem fait les présentations avec l'énergique "Run The Jewels". Piochant dans leurs deux albums ("Oh My Darling Don’t Cry", "Blockbuster Night Part 1", "Lie, Cheat, Steal" du dernier mais aussi "Banana Clipper", "DDFH" ou "Pew Pew Pew" du premier), le show ne débandera pas une seconde durant une heure, honorant la promesse de EL-P de faire tout son possible pour faire de ce dernier concert une fête "et de ruiner vos sneakers toutes neuves". De fait, les premiers rangs sont au taquet, montés sur ressorts, et finissent les phrases de nos deux bolides comme un seul homme. Les galvanisants EL-P et Killer Mike disparaissent après un "A Christmas fucking miracle" de saison et reviennent saluer la foule qui continuait de scander "RTJ" plusieurs minutes après leur éclipse. Vivement le troisième album! (Lire notre interview toute fraîche de Run The Jewels)
> Revoir le concert intégral de Run The Jewels au Pitchfork

Jason Pierce de Spiritualized, concentré sur sa guitare, au Pitchfork Paris 2015.
 (Gilles Scarella / Studio France Télévisions)
SPIRITUALIZED
Le concert psychédélique de la soirée c’était Spiritualized. Le groupe culte anglais était très attendu des fans : on ne les avait pas vus à Paris depuis 2012 (festival des Inrocks à la Cigale) au moment de la parution de leur septième et dernier album "Sweet Heart Sweet Light". Démarré sur un nuage de douceur avec "Here it comes (The road, Let’s go)", un inédit déjà joué ici et là en concert et qui devrait figurer sur un prochain album, le set décolle avec "Hey Jane" le killer de 2012 alors accompagné d’un clip choc qui a beaucoup fait parler. Entouré de trois musiciens et de ses deux choristes vêtues de blanc, le leader Jason Pierce, en bon shoegazer, regarde davantage le bout de ses pompes que l'horizon derrière ses lunettes noires, et ne bougera pas de plus d’un centimètre durant une heure - le light show, épileptique, est censé compenser. Certains morceaux, comme "Shine a Light", s’étirent divinement avec des accents à la Neil Young, d’autres lorgnent davantage sur le mordant des Stooges comme "Electricity". Rien à redire, c’est excellent. Neanmoins, l’heure serait peut-être propice à quelque chose de plus relevé pour conjurer les premiers baillements.
> Revoir le concert intégral de Spiritualized au Pitchfork Festival 

RATATAT
Les deux New yorkais Ratatat attirent la foule la plus dense de la soirée. On doit jouer des coudes pour apercevoir le duo phénomène de rock-électronique instrumental. Pourtant il y a ceux qui aiment et ceux qui détestent. Jusqu’à présent, on ne savait pas dans quelle catégorie se placer. On le sait désormais. D’abord il y a le son, ultra puissant. Guitare et basse, renforcées de machines, tissent de petites mélodies simplettes aux notes détachées, mais jouées de façon tonitruante, épique et martiale. Des mélodies crétines mais qui vous rentrent direct dans les sinapses pour n’en plus ressortir. On comprend que la pub s’en soit emparée, en particulier du hit "Cream On Chrome". Mais la corde est raide : ce mélange entre rock progressif à solos et Daft Punk époque "Discovery" tombe régulièrement dans le kitsch absolu, lorsque ne surnage qu’une sorte de biniou électronique difficilement supportable. Heureusement, Mike Stroud et Evan Mast ont de l’humour et leur style pompier n’est pas à prendre au premier degré. A leur crédit, il y a aussi les projections et le light-show captivants et extrêmement soignés, au moins autant que leurs pochettes toujours magnifiques. "Magnifique" c’est d’ailleurs le titre de leur dernier album. De l’humour on vous dit !

La bass music de Hudson Mohawke donnait peu après minuit le top départ de la fête de clôture de cette édition, qui se poursuivait par un set de John Talabot et Roman Flugel, préparant celui du patron de la techno Laurent Garnier qui conduisait les festivaliers jusqu’au bout de la nuit.

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