"Rock" de Philippe Manoeuvre : mille anecdotes croustillantes d'une vie à cent à l'heure
Une mine d'anecdotes rock'n'roll
Oui, sa vie est un roman. Et ses activités (écrites, radiophoniques ou télévisées) nous tiennent en haleine depuis plus de 40 ans. Dans "Rock" (HarperCollins), Philippe Manœuvre reprend plus ou moins le fil de sa biographie où il l'avait laissée dans "L'Enfant du rock" en 1990. Lire Philippe Manœuvre, c'est l'assurance de passer un bon moment: "Rock" est le genre de bouquin qu'on se réjouit d'entamer, le dos bien calé et les pieds sur le bureau.Comme prévu, Philman y partage une nouvelle mine d'anecdotes, plaçant le lecteur aux premières loges des coulisses du grand barnum rock'n'roll. Pas d'effets de style littéraire : notre rock critic préféré écrit comme un bolide, comme on parle, à cent à l'heure. Son style est vif, jubilatoire, bourré d'anecdotes et de traits d'humour.
Iggy Pop, les Stones, Prince et Madonna
On se retrouve, presque aussi excité que lui, à bord des tour bus des cadors du rock – "la plus haute marque de béatitude dans ce métier" – et en particulier celui des Stooges d'Iggy Pop. On apprend au passage que les Rolling Stones n'ont pas de tour bus. "Eux se déplacent en véhicules blindés, fourgons de la Brinks et SUV. Et ils mettent un Stone par véhicule entre l'hôtel et la salle, les assurances préfèrent".On se marre lorsqu'il offre sa première télé française à Madonna, starlette inconnue autoritaire qui "ne s'excusait pas d'être là" et "était venue mettre tout le monde au pas". Et on retient son souffle lorsque Prince l'entourloupe sévèrement - on ne vous dit pas pourquoi ni comment pour ne pas vous gâcher le plaisir.
James Brown, Clash et Métal hurlant
On hallucine quand il se retrouve à bord d'un Concorde en compagnie d'un aréopage de journalistes pour écouter en avant-première l'album "Dangerous" de Michael Jackson. On se pince pour y croire lorsqu'il filme une rencontre avec James Brown au nez et à la barbe des flics alors que le parrain de la soul croupit en prison depuis deux ans.On boit ses paroles lorsqu'il évoque sa période Métal Hurlant et tous les maîtres de la BD qu'il a cotoyés alors, en particulier Moebius, Druillet et Hugo Pratt. On ricane lorsqu'il se retrouve ligoté par les Stranglers au premier étage de la tour Eiffel et on se ronge les ongles lorsqu'il cache les Clash dans un placard à balais chez Columbia.
Bien sûr, la drogue et l'alcool coulent à flot tout du long, au point qu'on n'y fait même plus attention. Le LSD ? Avec les copains de jeunesse. Les pochons d'herbe ? En urgence pour Keith Richards et Anita Pallenberg. L'héroïne ? Avec Marianne Faithfull. Les champignons ? Avec Virginie Despentes. Et même l'impensable, pour un soir, avec ce fada de Joey Starr.
Du coup, sa tête fume parfois. Par crainte que sa mémoire ne lui joue des tours, quand ce n'est pas ses exagérations de rock critic, Philman précise en sous-titre que "Rock" est un "roman autobiographique". A lire très fort, avec la playlist idéale de 105 titres qu'il a amoureusement concoctée en accompagnement. (Player ci-dessous)
"Rock" de Philippe Manoeuvre (HarperCollins) est sorti le 3 octobre 2018
Cinq extraits de "Rock" de Philippe Manoeuvre
MICHEL POLNAREFF
"Oui, je sais. C'est une question normale quand on lit un livre de rocker : "A-t-il vu la bite de Mick Jagger? Jagger, non, Polnareff, oui. Dans les grands moments, dans son studio privé, Michel aime débouler intégralement à poil pour régler sa console. Gwen, l'ingénieur du son, m'explique que c'est Michel, c'est comme ça, c'est normal." (P. 220)
IGGY POP
"Iggy cesse de manger vingt-quatre heures avant un show. Dès son arrivée en scène, de l'adrénaline pure coule dans ses veines. (...) "Après le concert, généralement, Iggy se retire en solitaire dans sa loge, dévore un foie gras, descend quelques verres de bordeaux. Un moment intime, privé, auquel personne n'assiste jamais" (P.22-23)
JOHNNY HALLYDAY
Après un épisode énervé dans un restaurant d'Avoriaz, durant lequel Johnny renverse la table en hurlant, "nous rentrons nous terminer dans un club jusqu'au petit matin. Au final, je vais ramener Johnny en le portant sur mon dos, dans la neige, jusqu'à son hôtel. Il pèse lourd le dieu. Ses santiags traînent dans la poudreuse, l'attachée de presse ouvre la voie en trébuchant. (…) Je lui enlève ses bottes, le borde. Johnny reprend connaissance : "Merci rocker"… Puis, au moment où je vais quitter la pièce, il me rappelle pour me dire dans un souffle : "Tu sais… je suis le dernier… le dernier des rockers. Après moi… il n'y en aura plus." (P.143)
JOEYSTARR
"Le grand mystère reste la séparation de NTM. Que s'est-il putain de passé ? Pourquoi ? Comment ? JoeyStarr n'a jamais parlé de ça à personne. Ni à sa mère, ni à ses femmes, ni à son manager. Lorsque nous évoquons enfin ce moment, après bien des atermoiements, JoeyStarr s'écroule. Il pleure. Je ne trahis pas un secret d'Etat. JoeyStarr miaule. De rage, de douleur, de tristesse, de tout." (P.229)
SERGE GAINSBOURG
Missionné par Playboy en 1979 pour interviewer Serge Gainsbourg, Philman va finalement passer trois jours rue de Verneuil. "Trois jours alcoolisés, très. Dans mon souvenir, on attaque au chablis et si l'on dîne, on boit des rouges choisis par Serge. Ensuite, on sort ou pas, mais on boit des cocktails; Serge en a inventé un, le Scorpion. (…) Le Scorpion est un mélange foudroyant, pernicieux, d'une étrange couleur fluorescente. Recette : 5/10 de rhum Bacardi. 2/10 de liqueur d'abricot. 1/10 de jus de citron. 2/10 de jus d'ananas. Une jetée de grenadine. Passer au shaker." (P.115)
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