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Steve Hackett à Lyon : l'esprit de Genesis pour un unique concert en France

L'ancien guitariste de Genesis, Steve Hackett, était à Caluire près de Lyon dimanche 1er juillet, seule date française d'une tournée qui l'a mené aux Etats-Unis, au Japon et en Europe. L'ex acolyte de Peter Gabriel a interprété en première partie ses compositions solo puis des chansons issues des six albums de Genesis auxquels il a participé. Un moment hors du temps pour les fans de "rock prog".
Article rédigé par franceinfo
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Steve Hackett au Radiant de Caluire, le 1er juillet 2018
 (Jean-François Lixon)

Avec "Steve Hackett Genesis Revisited Solos Gems & GTR", sous titré en français "2018 tour de force !", le compositeur et guitariste devenu leader de son propre groupe a offert deux heures et demie de bonheur intégral aux spectateurs du Radiant de Caluire, dans la Métropole de Lyon.

Alors bien sûr, il serait vain de nier la part de la nostalgie. La majeure partie du public affichait des cheveux gris ou une absence de cheveux qui pointait le quinqua, voire le sexagénaire. Certains, comme l'auteur de ces lignes, ne l'avaient plus revu sur scène depuis la tournée 1976 de Genesis (enregistrements parus sous le titre "Seconds Out" en 1977). Mais une fois dissipée, cette nostalgie a rapidement laissé la place à un plaisir musical bien contemporain, fermement inscrit dans le présent. C'est ainsi que Steve Hackett a dédié sa chanson "Behind the Smoke" aux migrants, évoquant une partie de sa propre famille, venue de Pologne en Angleterre pour fuir la guerre.

"Supper's Ready" au Royal Albert Hall en octobre 2013

"Supper's Ready"


La première heure de la soirée a été consacrée à des compositions issues des albums solos de Steve Hackett. La seconde à des chansons de Genesis qu'il a composées ou cosignées de 1971 à 1976 sur les albums "Nursery Cryme" (1971), "Foxtrot" (1972), "Selling England by the Pound" (1973), "The Lamb Lies Down On Broadway" (1974), "A Trick Of The Tail" (1976) et "Wind and Wuthering" (1976), ainsi que le simple "Spot the Pigeon" en 1977. Des chansons adroitement choisies : "The Fountain of Salmacis", "Dance on a Volcano", "One for the Vine", "Firth of Fifth", "The Musical Box" et surtout l'inoubliable "Supper's Ready" sorte de pièce de théâtre musicale durant originellement 23 minutes et occupant toute une face (vinyle) de l'album "Foxtrot".

Le chanteur Nad Sylvan (à gauche) et Steve Hackett le 1er juillet 2018 à Caluire
 (Jean-François Lixon)

La voix de Nad Sylvan


Les puristes, ceux qui connaissent par cœur les albums de Genesis, pouvaient tout redouter d'une formation qui reprend les morceaux de l'époque sans la présence de la majorité des musiciens d'origine. Qu'attendre d'ailleurs d'un chanteur pouvant être tenté de contrefaire la voix légendaire et si hors du commun de Peter Gabriel ?

Celle de Nad Sylvan, voisine de celle de l'Archange, n'a heureusement jamais rien d'une copie. Il s'en approche souvent sans jamais donner l'impression d'imiter. Le chanteur à la longue chevelure blonde, physiquement plus proche de Robert Plant, parvient à substituer sa voix à celle de l'incomparable Peter Gabriel sans jamais la trahir et tout en conservant sa propre personnalité. On est loin des tentatives maladroites, chez Yes par exemple, éternellement à la recherche d'un clone de son ancien chanteur Jon Anderson.

Flûte traversière


Les spectateurs ont eu aussi la bonne surprise de voir (et d'entendre) Rob Townsend apporter sa remarquable contribution en jouant du saxophone, instrument absent des origines, mais aussi de la flûte traversière en un joli hommage à Peter Gabriel dont c'était l'instrument favori. Roger King aux claviers, Gary O'Toole à la batterie (merci au passage à ce batteur de nous éviter l'éternel étalage de muscles surgissant d'un débardeur !) et Jonas Reingold à la basse et à la guitare 12 cordes ont fait oublier un instant qu'il fut un temps où l'on écoutait ces chansons interprétées par Tony Banks, Phil Collins et Michael Rutherford.

Rob Townsend à la flûte traversière
 (Jean-François Lixon)

Humble et virtuose


Alors que Steve Hackett sait que les spectateurs sont venus pour son nom mais aussi pour celui de Genesis, il a l'humilité de souvent laisser Nad Sylvan prendre la première place sur scène, se cantonnant pour sa part à son rôle de guitariste. Aussi virtuose qu'il soit, il sait que les yeux du public, sinon ses oreilles, se portent naturellement sur le chanteur. C'est pourtant bien lui le cœur battant de cette scène, celui autour de qui tout s'articule. Il est non seulement l'auteur ou le co-auteur des chansons choisies, mais son adresse à la guitare est un spectacle à lui tout seul. Sans pourtant qu'il tente, comme nombre de "guitar heroes" d'en mettre plein la vue. Jamais d'esbroufe, Hackett en fait beaucoup avec une étonnante économie de gestes.

Rock progressif


On appelait ça le rock progressif. Allez savoir pourquoi ! C'était la musique à la mode, quand on n'aimait pas trop la disco et la variété française. Ses grands noms étaient Yes, King Crimson, Emerson Lake and Palmer et bien sûr, le géant Genesis. C'était une autre époque, c'était les années 70. L'âme de Genesis, on a longtemps été persuadé que c'était le génial et extraverti (à l’époque) Peter Gabriel. Le groupe a pourtant continué après son départ en 1975. Et Genesis est resté fidèle à lui-même... jusqu'en 1977, date du départ d'un autre musicien du groupe, le guitariste virtuose Steve Hackett. De là à se dire, avec le recul, qu'il était tout autant que Gabriel l'âme du groupe, il n'y a qu'un pas qu'on peut aisément franchir.

De gauche à droite Roger King, Rob Townsend, Steve Hackett et Jonas Reingold
 (Jean-François Lixon)

Prog not dead


Le punk et la new wave sont passés sur "la prog". Les groupes ont disparu à l'exception de quelques-uns, comme Yes resté fidèle à son esprit original, ou comme Genesis survivant jusqu'en 2007 sous la houlette de Phil Collins, le chanteur-ex batteur menant son groupe dans l'exploration de contrées musicales moins risquées, moins démodables, plus rentables.

Peter Gabriel a pris le chemin très personnel qu'on lui connait et Steve Hackett s'est ancré dans une "prog" moderne, ne reniant rien de ses origines et défrichant des pans entiers de cette tendance rock dite parfois symphonique, en tout cas très structurée, virtuose et pour ses détracteurs intellectuelle voire prétentieuse ! C'est cette musique à la fois théâtrale et souvent émouvante que nous ont servi Steve Hackett et ses acolytes. "Prog not dead", pourrait-on dire en paraphrasant les punks qui ont cru avoir sa peau.

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