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The Black Keys reviennent aux fondamentaux avec "Let's Rock"

Après cinq ans de hiatus, Dan Auerbach et Patrick Carney publient un neuvième album des Black Keys dédié à la guitare, où leur blues-rock explosif se teinte aussi de pop.

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le guitariste Dan Auerbach et le batteur Patrick Carney de The Black Keys. (ALYSSE GAFKJEN)

Let's Rock : on fait difficilement plus simple et plus explicite que le titre de cet album. De fait, il résume parfaitement l'intention de Dan Auerbach et Patrick Carney sur ce neuvième opus des Black Keys marqué par un retour aux guitares qui claquent et aux rythmiques cogneuses.

Retour à la base avec une guitare et une batterie

Avec leur précédent album Turn Blue, déjà vieux de cinq ans, les deux complices d'Akron (Ohio) avaient laissé la tristesse et la mélancolie de leur réalité (notamment un divorce difficile pour Dan Auerbach) infuser leurs compositions. Loin des chansons courtes et efficaces de El Camino, qui les avait hissés au statut de stars en 2011, cet album, qui mettait à l'honneur dès le premier titre une orchestration de cordes et un solo de guitare psychédélique plaintif, avait été accueilli tièdement par leurs admirateurs.

Aujourd'hui, dès les premières secondes de ce neuvième album, le tandem annonce la couleur avec le gros riff et la pulsation énergique de Shine a Little Light. Le message est clair : les Black Keys sont de retour aux affaires blues et rock'n'roll. Pas de gras et nul orchestre à l'horizon. Juste les guitares magiques de Dan et les dynamiques groovy du cogneur Patrick, augmentées ici et là de chœurs féminins. Avec un son ramassé et faussement minimaliste, l'enregistrement ayant été réalisé, précisent-ils, dans les conditions du live. 

"Par essence, les Black Keys, c'est Dan jouant de la guitare et moi de la batterie. Chaque chanson est bâtie sur cette base", rappelait Patrick Carney récemment dans les Inrocks (article payant), en revenant sur les expérimentations psychédéliques de Turn Blue qui, admet-il, avaient "loupé le coche de nos intentions originelles".

Dans ce clip, Dan et Patrick ironisent sur leur hiatus comme nous l'expliquions ici

Après 5 ans de hiatus, l'entente comme au premier jour

Exténué par une interminable tournée des stades qui faillit avoir raison d'eux, le duo avait annoncé une pause à durée indéterminée en août 2015. Elle a duré cinq ans. Entre-temps, les deux amis d'enfance n'ont pas compté les mouches. Dan Auerbach a produit une floppée d'artistes, en particulier Lana Del Rey (Ultra Violence). Il a publié un album en solo (Waiting on a song en 2017), un autre avec son groupe The Arcs (Yours, Dreamly en 2015) et monté un label, Easy Eye Sound. De son côté Patrick Carney a travaillé pour Tobias Jesso Jr, les Black Lips ou Karen Elson et composé la musique de la série animée de Netflix Bojack the Horseman.

Leur complicité, légèrement mise à mal durant ce hiatus, est revenue aussitôt qu'ils ont décidé de se remettre à travailler, racontent-ils. Dès leur premier jour en studio, ils avaient composé deux titres et cet album leur est venu rapidement et sans effort.

L'entente était telle entre le guitariste et le batteur qu'une tierce personne ne pouvait s'immiscer entre eux. Ainsi, Danger Mouse, producteur de leurs trois derniers albums et considéré dès Brothers en 2010 comme le troisième membre officieux des Black Keys, n'a pas été reconduit cette fois. Dan et Patrick ont produit seuls ce nouvel album enregistré au studio Easy Eye Sound de Dan à Nashville, capitale de la country où ils ont élu domicile il y a une dizaine d'années.

Ne pas s'y tromper : cet album de blues rock est finalement très pop

Patrick Carney, selon lequel Let's Rock est "un hommage à la guitare électrique", dit avoir toujours l'ambition de produire avec les Black Keys un rock "urgent" et "subversif" à la Stooges et assure que Dan et lui ne visent surtout pas les radios mainstream. Pourtant, si cet album de blues rock bien frappé met effectivement la six-cordes au centre du jeu tout du long, il se teinte simultanément d'une forte couleur pop, excepté sur Lo/Hi, Eagle Birds et Go, les trois premiers singles dévastateurs habilement mis en avant pour la promo.

Loin d'être dangereuses ou subversives, certaines compositions rappellent même la pop ciselée des Beatles sur Every Little Thing, Sit Around And Miss You et Walk across the Water (alors que Get Yourself Together n'aurait pas même dépareillé sur le dernier McCartney), quand ce n'est pas la suavité des Eagles sur Shine a Little Light, et sur le coup de maître Tell Me Lies qui sonne étrangement familier.

Le mot d'ordre Let's Rock est donc finalement un peu trompeur, le vernis euphorique et bulldozer de cet album étant tempéré d'une douceur pop en mode mineur, celle du rocker ayant déjà mis un pied à terre (mais ayant su se relever). Ce Let's Rock provient d'ailleurs d'un endroit beaucoup plus grave et sombre qu'il n'y paraît. "Nous étions en studio à Nashville et lisions les news locales", racontait le duo chez Zane Lowe (sur Beats 1 d'Apple) en avril. "Ils ont exécuté le premier condamné à mort depuis seize ans la semaine où nous enregistrions. Or, lorsqu'ils lui ont demandé son dernier mot, le condamné a juste dit : let's rock." Outre la guitare, cet album à la pochette ornée d'une chaise électrique lui est donc d'une certaine façon dédié.

Let's Rock des Black Keys (Warner) est sorti vendredi 28 juin 2019


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