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The Velvet Underground à la Philharmonie : 7 pépites à ne pas louper

L'exposition "The Velvet Underground, New York Extravaganza" débute mercredi à la Philharmonie de Paris. Nous l'avons visitée pour vous. Malgré le peu d'archives vidéos disponibles sur le groupe de Lou Reed et John Cale, les photos et les films sont au coeur de cette exposition, qui a choisi de raconter les moments clés du Velvet en images. Sept documents rares ont retenu notre attention.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
The Velvet Underground au Castle de Los Angeles en 1966.
 (Gérard Malanga)

1. L'Enfance de l'art, le documentaire sur Lou Reed et John Cale

Ce film, réalisé comme cinq autres spécialement pour l'exposition, est un must qui dresse les portraits croisés des deux leaders du Velvet Underground. Ou la rencontre explosive de Lou Reed, né à Brooklyn dans un foyer de la moyenne bourgeoisie juive, fana de rock et guitariste autodidacte, et John Cale, fils de mineurs du sud du Pays de Galles au parcours musical académique mais passionné par l'avant-garde. Ce documentaire contient plusieurs témoignages précieux et en particulier celui, inédit, de la soeur de Lou Reed, Merrill, concernant les électrochocs subis par son frère.

Lou Reed traité aux électrochocs
A l'adolescence, Lou était devenu "de plus en plus anxieux, fuyant, réfractaire à la plupart des rapports sociaux", se souvient-elle. A 16 ans, il se met à tester de nombreuses drogues et ferme la porte à toute communication avec ses parents. Ce comportement les terrifiant, ils se décident à consulter un psychiatre. Le diagnostic tombe : shizophrénie, et avec lui le traitement préconisé : des électrochocs. "Mes parents croyaient qu'ils n'avaient pas le choix", plaide-t-elle. A son retour, Lou "était hébété, incapable de marcher". Mais il se rétablit finalement.

Lou Reed au Castle de Los Angeles en 1966. Il a alors 24 ans.
 (Lisa Law)

Lou Reed raconte sa vie à son prof de littérature dans une lettre de 1965
Ce documentaire comporte deux autres témoignages majeurs. D'abord une longue lettre que Lou Reed adressa en 1965 à Delmore Schwartz, son professeur de littérature à l'université de Syracuse. A ce "parrain spirituel", il raconte son année, et notamment sa rencontre avec John Cale, "un type venu du Pays de Galles arrivé ici grâce à une bourse Leonard Bernstein, complètement mort de faim". "Depuis mon retrour à New York", écrit-il encore, "j'ai vécu des choses étranges, tordues mais étranges et fascinantes voire, parfois, révélatrices, salutaires et utiles. Le milieu du disque est vicieux, comme la plupart des industries, mais celui là l'est encore un peu plus. New York abrite tellement de gens tristes, tordus, et j'ai le don de les rencontrer."

John Cale foudroyé par l'aspect littéraire de Lou Reed
Enfin, John Cale, qui en 1965 a déjà travaillé avec La Monte Young et John Cage, témoigne lui aussi de sa rencontre avec Lou Reed. "Lou m'a joué quelques chansons qu'il avait écrites, "Heroin" et "Waiting for my man", sur une guitare sèche, comme si c'était du folk. Je haissais le folk. Mais ses textes, bien écrits et érudits, présentaient de puissantes visions de la vie, à la manière d'un romancier. Je n'avais pas une vraie connaissance de la musique rock à cette époque, alors je me suis concentré sur l'aspect littéraire (…) C'était fascinant, il avait tellement de facilités avec le langage." 

John Cale et Lou Reed au Café Bizarre de Greenwich Village en 1965.
 (Adam Ritchie)


2. Les photos et le reportage autour du film "Venus in Furs"

En novembre 1965, Le Velvet vient tout juste d'être formé et le jeune réalisateur Piero Heliczer veut faire figurer le groupe dans le film qu'il baptisera "Venus in Furs". John Cale, Lou Reed et Sterling Morrison, qui jouent souvent alors pour accompagner des projections de leurs amis cinéastes d'avant-garde, y figurent torse nu et couverts de peinture.

Le film ne verra jamais le jour. Mais des images ont subsisté. Rares. Elles sont à l'exposition. Il y a d'une part un petit reportage de CBS qui avait choisi ce tournage de Heliczer pour évoquer le cinéma underground new yorkais. Il s'agit du seul reportage d'époque montrant le Velvet en activité, diffusé sur une télévision nationale. D'autre part, un jeune photographe, Adam Ritchie, était présent durant ce tournage sur le tournage. Ses photos en noir et blanc du groupe jouant torse nu et maquillé claquent fort.
Un reporter de CBS sur le tournage du film "Venus in Furs" de Piero Heliczer en 1965.
 (Adam Ritchie)

3. Le documentaire autour de l'album à la banane (projeté sous la charpente)

C'est peut-être la pochette la plus connue au monde : celle à la banane du premier album du Velvet Underground and Nico. Et c'est sans doute aussi l'œuvre la plus reproduite d'Andy Warhol. Dans le petit documentaire qui lui est consacré à l'exposition, on voit la version originale des tout premiers pressages, celle qui ornait les 5.000 premiers exemplaires du disque sorti en mars 1967. Dans cette version, très sophistiquée pour l'époque, la banane se "pelait" et apparaissait dessous une banane rose extrêmement phallique. Une idée d'érection à laquelle tenait beaucoup Warhol et que l'on retrouve sur la pochette qu'il réalisa pour le "Sticky Fingers" des Rolling Stones.

Mais cette pochette du Velvet, la première de l'histoire customisée (c'est à dire pas uniquement imprimée) ne fut pas une mince affaire à réaliser. Les commissaires ont retrouvé l'homme qui avait été chargé de la confectionner. Il fallut trouver le bon système, la bonne colle, le bon papier adhésif pour que ça marche. Le jeu en valait la chandelle : presque 50 ans après, cette banane est encore sur toutes les lèvres… Quant à la légende selon laquelle de la drogue était présente sous le sticker si on le léchait, le mystère reste entier. Et avec lui le permis de fantasmer.
Sur les pochettes originales du premier album du Velvet Underground and Nico conçues par Warhol, il était écrit "Peel slowly and see" (pelez doucement et regardez). Une banane rose, très phallique, émergeait alors.
 (Andy Warhol)

4. L'arrivée du Velvet à la Factory, deux films de Danny Williams (projetés sous la charpente)

Andy Warhol découvre le Velvet Underground en décembre 1965, alors que le groupe se produit au Café Bizarre, un bar à touristes de Greenwich Village (New York). Scotché par les textes crus et les trouvailles sonores du groupe, le pape naissant du pop art leur propose aussitôt l'asile artistique à la Factory, épicentre du bouillonnement créatif d'alors.

Discret dans la tribu qui hante les lieux, Danny Williams est le premier à filmer l'arrivée du Velvet Underground à la Factory début 1966. Deux de ses petits films en 16 mm, qui dormaient sur les étagères du MOMA car mal étiquetés, sont au nombre des pépites de l'exposition pour leur rareté. Longs de 8 minutes chacun, il s'agit de films muets en noir et blanc où l'on voit le Velvet répéter et se détendre. Des images qui font écho aux photos de Stephen Shore, réalisées elles aussi durant les temps de pause à la Factory. 
John Cale, Maureen Tucker et Lou Reed au Café Bizarre (New York) en 1965.
 (Adam Ritchie)

5. Le documentaire sur Nico (dans une alcôve qui lui est consacrée)

Lorsque Nico est poussée par Warhol à prendre le micro du Velvet Underground, début 1966, elle ne vient pas de naître. Mannequin depuis l'adolescence, la blonde magnétique à la voix grave a fait la couverture des plus prestigieux magazines de mode et a déjà entamé une carrière d'actrice – on l'a vue dès 1959 donner la réplique à Mastroïani dans "La Dolce Vita" de Fellini.

Dans le documentaire d'une dizaine de minutes que lui consacre l'exposition, et qui commence par un témoignage du chanteur Antoine déambulant dans les rues main dans la main avec la belle, on voit des extraits d'un film rare tourné à Montparnasse par Willie Meywald en 1958 et dans lequel l'Allemande court les shootings de mode. On voit également des extraits du film "Strip Tease" de Jacques Poitrenaud dans lequel elle tient le premier rôle, celui d'une strip-teaseuse (brune !) dans le Paris de cette époque. "Un film assez cocasse et une drôle de curiosité", comme nous l'avait promis le commissaire d'exposition Christian Fevret.
Nico et Lou Reed au Castle à Los Angeles en 1966.
 (Lisa Law)

6. La version inédite de "Héroïn" 3'45 (sur une borne discrète titrée "Naissance du Velvet 1965")

Recommandée par le commissaire de l'exposition Christian Fevret comme une rareté. Il s'agit d'une démo enregistrée par Lou Reed pour Pickwick Records. Une version primitive, plus lente que l'originale, où il est seul à la guitare sèche. Lou Reed la chante comme une berceuse, une comptine, d'un ton tendre, doux et candide, en contradiction totale avec les paroles. Qui évoquent, elles, la drogue, les pulsions de mort et l'annihilation.

Une version Live en 1969 de "Heroïn" (pas la version évoquée ci-dessus)


7. Les photos de Nat Finkestein "Sur la route de Ann Arbor, mars 1966"

Le happening mêlant concert expérimental, projections, danse du fouet et light shows initiée par Warhol en collaboration avec le Velvet Underground est d'abord donné sur St Mark's Place, dans l'East Village. Il met un pied hors de New York pour la première fois en mars 1966. La performance, qui porte encore le nom de Up-Tight avant de devenir le Exploding Plastic Inevitable, se transporte avec toute l'équipe à Ann Arbor (Michigan).

Le photographe Nat Finkestein est du voyage. Son témoignage photo mérite le détour. On y voit Nico au volant du van. La vie à bord, souvent studieuse. Mais aussi la promiscuité joyeuse et notamment Lou Reed riant, allongé (tout habillé) au côté de Warhol qui l'enlace tendrement. On repense à cette phrase que nous glissait Christian Fevret : "Le côté sulfureux du Velvet plaisait à Warhol. Mais je pense que Lou Reed lui plaisait pas mal aussi…"

 

The Velvet Underground "New York Extravaganza" 
Du 30 mars au 21 août 2016 à la Philharmonie de Paris
221 avenue Jean Jaurès, Paris 19e

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