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Tricky fait enfin la paix avec lui-même sur "Ununiform"

22 ans après "Maxinquaye", son impérissable premier album, Tricky prend le temps de renouer avec son passé sur son 13e album. Il reprend sur "Ununiform" quelques-unes des formules qui l'ont imposé comme l'un des inventeurs du trip hop de Bristol en compagnie de Massive Attack. Doté d'une poignée de pépites, ce disque ne fait hélas pas mouche à tous les coups.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Tricky en 2017.
 (Sebastian Pielles)

Une étrange conception du bonheur

"Ununiform" est présenté par sa propre maison de disques False Idols (montée en 2013) comme "un voyage dans le bonheur et la satisfaction". A moins qu'il ne s'agisse d'ironie, la conception du bonheur de Tricky est franchement tordue. Il est en effet beaucoup question de mort sur cet album crépusculaire qui ne voit que rarement la lumière. Mais Tricky y fait en partie la paix avec lui-même.

Dans les textes, il revient une fois de plus de sa voix cabossée et sussurée sur son passé, ses fantômes et son histoire familiale douloureuse (Tricky a été très tôt orphelin et son premier album "Maxinquaye" était dédié à sa mère, Maxine Quaye, suicidée lorsqu'il avait 4 ans).

"Mon premier souvenir est d'avoir vu ma mère dans son cercueil", rappelle-t-il. "Assis sur une chaise, je la regardais. Alors (dans cet album) je dis à cet enfant "Ça va aller. Tu vas tourner dans le monde entier, tu vas faire de la musique, et la belle vie va venir. Si tu n'acceptes pas la mort, tu n'acceptes pas vraiment la vie". 

Retour au style envoûtant des débuts

Bonne nouvelle, Tricky renoue musicalement en parallèle avec la sensualité rampante et vénéneuse de ses débuts. Envoyé en éclaireur il y a quelques mois, le magnifique premier single "When We Die", annonçait clairement cette volonté. Y figurait en effet pour la première fois depuis 14 ans son ancienne muse et compagne Martina Topley Bird, dont la voix, intacte en 2017, hantait ses premiers albums.

Non content de se réconcilier avec son style initial (et avec lui même), ce sorcier du son s'autorise même l'auto-référencement. Ainsi le poignant "The Only Way", avec sa splendide partie de cordes et son phrasé au bord des larmes, ne sonne pas familier par hasard : il s'agit d'une suite à "Hell is Round the corner", envoûtement musical majeur de l'année 1995. 

Rap russe et voix fragiles en invités

Après Paris, où il avait pris racine quelques années, Tricky vit désormais à Berlin depuis trois ans où il semble mener une vie équilibrée. C'est là qu'il a conçu cet album. Quatre titres ont cependant été enregistrés lors d'un bref séjour à Moscou en décembre 2016, d'où la présence de rappeurs et producteurs locaux. "J'écoute du rap russe depuis 20 ans", assure Tricky. "J'aime leur accent, je n'ai pas besoin de comprendre ce qu'ils disent. Là-bas les gens vivent chaque jour comme si c'était leur dernier."

Le rappeur kazakh Scriptonite, dont le timbre rappelle ici celui de Roman Rapak du groupe Breton, illumine ainsi le très réussi "Blood of my blood". On est beaucoup moins fan en revanche du rappeur russe Smoky Mo sur "Bang Boogie". Au rayon des invités au micro, la jeune anglaise Mina Rose impressionne de sa voix fragile et voilée sur "Dark Days" et surtout sur "Running Wild" tandis que l'actrice Asia Argento double avec délicatesse Tricky sur le délicieux "Wait for Signal".

Sur treize titres, on dénombre au final une moitié d'enthousiasmantes pépites, dont deux en clôture d'album. Le reste étant moins inspiré, voire quelconque (en particulier "Amor" et "Doll"), le risque est fort de passer à côté de cet album. Comptez trois écoutes minimum avant de jeter trop hâtivement le bébé avec l'eau du bain.

Tricky "Ununiform" (False Idols)
A écouter en priorité : "When We Die", "The Only Way", "Running Wild", "Blood of My Blood", "Wait for signal"


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