Son enfance au Liban, son arrivée en France, son tube "Femme like U"... K.Maro se dévoile dans une autobiographie
Il a été il y a vingt ans l'auteur de l'immense tube Femme like U, vendu depuis à plus de cinq millions d'exemplaires, et qui a dépassé les frontières françaises. Le chanteur libano-canadien K.Maro a publié il y a quelques jours et sous son vrai nom, Cyril Kamar, une autobiographie étonnante, Renaissances, aux éditions Faces Cachées. Il y évoque notamment son enfance au Liban pendant la guerre, ses premiers pas comme artiste, et son présent d'amateur d'art contemporain.
franceinfo : Vous citez le Liban au début et à la fin de ce livre, c'est une belle manière de rendre hommage à votre "premier" pays ?
Cyril Kamar : Oui j'essaie, en tous cas, de rendre hommage quand je peux à ce pays qui m'a beaucoup donné, en termes de culture et d'éducation. J'y suis né, j'y ai vécu, grandi, et passé les onze premières années de ma vie en famille, et j'espère y retourner bientôt avec un concert prévu sur place. Mais est-ce qu'il aura lieu par rapport au contexte de guerre en ce moment dans la région, c'est encore un peu tôt pour savoir.
Vous racontez cette enfance dans un Liban en guerre, donc un contexte terrible, voire traumatisant, mais aussi un quotidien protégé par des parents très aimants, qui ont tout fait pour bien vous éduquer ?
C'est ce fameux paradoxe dont j'ai souvent parlé : à la fois je ne souhaite à personne, et encore moins à un enfant de grandir dans des conditions de guerre, avec tout ce que ça engendre. Mais en même temps je dois reconnaître avoir été en quelque sorte "privilégié" parce que mes parents ont eu un mélange de plusieurs choses : sagesse, patience, résilience et autant de choses extraordinaires dont ils ont pu faire preuve à l'époque. Et je me rends d'autant plus compte en le réalisant toutes ces années après, et surtout en étant devenu père moi-même, gérer une famille de façon équilibrée quand la guerre fait rage autour de vous, que des obus éclatent pas loin, leur courage a vraiment été extraordinaire.
Le Liban puis le Canada, qui accueille votre famille plus tard en raison de la guerre, sont vos "deux pays", en tous cas vos deux nationalités. Mais il y en a un troisième, la France, dont vous vouliez qu'il vous adopte, mais ça a été plus difficile ?
C'était en raison de la différence de mentalité, surtout, entre le Québec et la France, ou plus largement entre l'Amérique du Nord et la France. Mon éducation ressemblait à la culture française, et aux valeurs inculquées par ma mère qui a toujours été francophile, et une mentalité américaine qui s'était déjà imprégnée en moi, sur les questions d'apparence, de réussite, de confiance. En France, je me suis senti tiraillé entre ces deux éducations et j'ai dû m'adapter à un pays que je pensais pourtant connaître.
J'explique très longuement dans le livre comment j'ai vécu ce paradoxe entre tout l'amour que j'ai pu recevoir en France quand j'ai commencé à avoir du succès, et les violentes critiques de ceux qui critiquaient le bling-bling, le style ou mon "franglais" sans même chercher à étudier mon parcours ou les raisons qui faisaient que j'avais ces références américaines. Ce contraste était assez fort.
"Avec le recul, certaines critiques ont pu me paraître injustes"
Vous avez eu du succès, mais on vous a aussi beaucoup moqué, vous citez aussi dans un passage quelqu'un qui vous dit "mais en fait tu es brillant", certains disaient que vous faisiez de la "variété commerciale" avec ce que cela comporte de péjoratif... Avec ces millions d'exemplaires vendus vous estimez avoir fait taire ces critiques où vous en êtes encore blessé ?
Mais je n'ai jamais vraiment cherché à les faire taire, j'ai même fait l'inverse, j'ai réagi avec beaucoup d'ego à l'époque, j'avais 24 ans, j'étais en pleine fougue, compétiteur, j'avais du succès et je m'étais battu pour ça. Je suis tombé dans la provoc, j'ai joué la surenchère avec le médias, il n'y avait pas encore les réseaux sociaux à l'époque, mais je pense qu'on aurait rigolé. Mais donc j'ai tenté de contourner tout ça et ces critiques en en rajoutant, en jetant un peu d'huile sur le feu, un peu à la Eminem, parce que je savais que ma musique et mon personnage était clivants. Je me suis amusé avec ça, parce que je savais que les débats sur moi allaient au-delà de cette chanson, est-ce qu'on aime ou pas, est-ce qu'on trouve ça génial ou au contraire que c'est de la merde ?
Ce n'est que plus tard, après plusieurs années et avec du recul, que oui j'ai pu trouver certaines de ces critiques injustes. Qu'on dise que je fasse de la variété, bon ça tous les goûts sont dans la nature et on peut en discuter, mais qu'on ne cherche pas à savoir d'où je venais, quel avait été mon parcours, et que j'avais déjà fait du rap depuis plusieurs années au Canada, c'était dommage.
Vous êtes sorti du star system de vous-même, quand vous avez senti que vous étiez devenu un "people", vous savez ensuite produit pour les autres, en particulier pour la chanteuse Shy'M, et le business vous a emmené vers la philanthropie et l'art contemporain. Vous êtes d'ailleurs propriétaire aujourd'hui d'une galerie à Montréal avec votre épouse, mais vous êtes assez discret sur cela ?
Oui, parce que c'est quelque chose de plus personnel et plus introspectif. Je m'intéresse à l'art depuis une quinzaine d'années, j'ai été aussi un peu collectionneur ou mécène, j'ai aussi fait un peu le médiateur entre un galeriste et un artiste. Je fais ça dans l'ombre, ça me passionne depuis longtemps, et j'ai toujours été du côté des artistes, et on accompagne les changements et innovations dans le domaine.
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