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Chanteuse belge à la voix d’or, Selah Sue est de retour avec "Persona", un album solaire et groovy très réussi

La chanteuse flamande Selah Sue met toujours beaucoup d'elle-même dans ses chansons, qui parlent notamment de dépression. Si vous aimez la chaleur des voix soul, la sensualité du groove et rêvez de danser sur des paroles qui ont du sens, ne passez pas à côté de son nouvel album "Persona".

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La chanteuse et musicienne belge Selah Sue au Dour Festival (Belgique) le 11 juillet 2018. (ALEXIS TAMINIAUX / BELGA MAG)

Elle avait 21 ans lorsqu’elle a conquis le monde avec son tube Raggamuffin et un premier album coproduit par Patrice, en 2011. Onze ans plus tard, et après un détour par Reason (2015) dans lequel elle abordait des rivages plus électroniques, Selah Sue est de retour avec Persona, un troisième album solaire et foisonnant, particulièrement varié. La chanteuse belge y explore cette fois sans distinction tous les styles qu’elle aime : hip-hop, jazz, soul, électro, pop et R&B.

Cet éclectisme musical s’inscrit particulièrement bien dans le concept plus large de cet album dont elle a écrit chaque chanson du point de vue d’un des différents aspects de sa personnalité : la mère, l’amoureuse, l’hédoniste, l’angoissée, la combattante... Mais avec la trentenaire aux yeux de chat, peu importe la facette explorée et peu importe le style, c’est sa voix singulière, une voix soul au grain délicieusement fêlé, qui prend chaque fois l’ascendant et emporte le morceau.

Dans tous les registres, y compris le rap, Selah Sue fait mouche

Qu’elle travaille en douceur ou en puissance, joue sur ses fêlures vocales de sirène blessée, sur une sensualité feutrée ou encore sur un registre plus enjoué, qu’elle rappelle son modèle Erykah Badu ou prenne des accents quasi Princiers (Prince qui l’avait repérée et dont elle avait assuré quelques premières parties, lui avait dit un jour qu’elle "respirait la musique"), l’album, en particulier la première moitié, enchaîne les tubes potentiels et les détails obsédants. Même les titres les plus visiblement taillés pour le succès bénéficient de la sincérité de Selah Sue et de trouvailles musicales qui les rendent captivants.

Dans le passé, la chanteuse et musicienne a toujours invité sur ses disques des rappeurs forts en flow comme le Français Nekfeu et l'Américain Childish Gambino. Sur Persona, elle convie trois rappeurs différents à partager le micro avec elle : le Belge Damso, qu’on ne présente plus, sur le dernier single Wanted You To Know, ainsi que le Canadien Tobi sur Hurray et l’Américain Mick Jenkins sur Celebrate. Autant de mariages réussis, qui coulent de source. 

Mais elle ose aussi pour la première fois rapper, sur le titre d’ouverture Kingdom, avec un débit impressionnant de maîtrise, qu’on croirait plus volontiers échappé du quartier jamaïcain de Brixton à Londres que d’une Flamande vivant près de Bruxelles.

Une dépression chonique sublimée en chansons

Son compatriote belge Stromae a marqué les esprits ces dernières semaines en racontant ses pensées suicidaires sur le single L’Enfer. Selah Sue, qui avait déjà trois ans d’études de psychologie derrière elle avant d’opter pour la chanson, parlait déjà sur son premier album en 2011 des affres de la dépression qui l’affecte depuis l'adolescence.

Sur Persona, elle aborde encore la question régulièrement, sur des rythmes qui conjurent pourtant toute tristesse. Elle évoque en particulier les anti-dépresseurs qu’elle a pris quotidiennement jusqu’à il y a peu avant de réaliser que s’ils l’avaient sauvé du cauchemar et du burn-out, ils l’avaient aussi coupé de sa personnalité. "J’ai perdu toutes mes émotions (…) J’aimerais pouvoir ressentir quelque chose", chante-t-elle sur Pills (qui n'est pas une chanson sur l'ecstasy, précise-t-elle). Dans Hurray elle raconte son combat intérieur permanent entre deux aspects opposés de sa psyché, alors qu’il est question dans Try To Make friends de faire la paix avec ses accès d’anxiété et ses différentes personnalités.


Ce troisième album studio, la jeune maman de deux petits garçons (2 et 4 ans) l’a élaboré en partie durant le confinement, une période harmonieuse passée autant à cocooner qu’à créer. D’autant que son compagnon et père de ses enfants, Joachim Saerens, tient les claviers sur ce disque et y a fortement contribué en tant que co-compositeur avec le Californien Matt Parad.

Le parcours de Selah Sue est celui d’une bataille sans fin contre les abysses de la mélancolie mais aussi un lent cheminement vers l’acceptation de soi. Depuis toujours, elle se raconte en chansons. Sur son premier album elle sondait la douleur, le second s’ouvrait aux chansons d’amour. Le nouveau, tout en déployant les différents masques de sa "persona", démontre une certaine sérénité, un apaisement. Selah Sue va mieux et son album en est le reflet : c’est tout simplement le plus réussi à ce jour.

L'album Persona de Selah Sue (Because Music) est sorti le 25 mars
Selah Sue est en tournée et sera dans de nombreux festivals cet été: le 10 avril à Saint-Jacques-de-la-Lande, le 27 avril à Bruxelles, le 11 juin à Amiens (toutes les dates ici)

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