Ecoutez Nina Simone, la diva soul disparue il y a 10 ans
Grande prêtresse de la musique soul pour ses fans, chantre de la cause noire aux Etats-Unis, Nina tient aux titres de "docteur" décernés par l'Université du Massachusetts à Amherst et le College Malcolm X à Chicago.
Mais elle a passé sa vie à en attendre un autre. A l'avant-veille de sa mort, elle reçoit un diplôme honorifique du Curtis Institute de Philadelphie, le conservatoire qui lui refusa l'admission en 1950. Par racisme, sera-t-elle persuadée, tout en se demandant toujours si elle a bien joué son Chopin.
Eunice Kathleen Waymon, son vrai nom, née à Tryon (Caroline du Nord) le 21 février 1933, sixième des huit enfants d'une famille appauvrie par la crise de 1929, joue dès cinq ans dans l'église méthodiste de sa mère. Grâce à une collecte, elle intègre la Juilliard School à New York pour préparer le Curtis Institute. L'échec la brise.
"En colère et amère"
"Je ne l'ai jamais digéré", dira-t-elle trente ans après, "même si je suis maintenant plus célèbre que le Curtis Institute."
"J'ai été obligée de faire du showbiz pour gagner ma vie et obligée de chanter pour garder mon travail", racontera-t-elle. "Et je suis toujours en colère et amère à cause de ça."
Sa musique puise dans le gospel, le blues, le folk. Elle rejette l'étiquette trop "blanche" de jazz, "Je joue de la musique classique noire", et préfère être comparée à Maria Callas qu'à Billie Holiday. Exigeante, excentrique, elle ensorcèle son public, le lasse parfois.
La cause noire américaine
Dans les années 1960, elle fait corps avec la lutte des Noirs américains. Elle écrit des chansons révoltées ("Mississipi Goddam", "Old Jim Crow", "To Be Young, Gifted and Black" qui devient un hymne du mouvement noir), marche avec Martin Luther King malgré des désaccords sur la non-violence. Elle sera invitée au 80e anniversaire de Nelson Mandela en 1998. Ses atours flamboyants et ses lourds bijoux cachent mal ses fragilités. "J'aurais aimé que Dieu me prévienne qu'il fallait que je me sacrifie en tant que femme pour la musique."
Une diva inconsolée
Deux fois mariée, toujours volée par ses maris et agents, elle intitule le dernier de sa quarantaine d'albums officiels "A single woman" (1993). Elle a une fille, Lisa Celeste, aujourd'hui chanteuse sous le nom de Simone, avec Andy Stroud, ex-policier qui sera son manager: "Il me traitait comme une bête de somme".
Après 1970, elle délaisse les Etats-Unis, vit au gré de ses amours: La Barbade, le Liberia, la Suisse, Londres, Paris, les Pays-Bas, le sud de la France enfin, en 1992. Le fisc américain la pourchasse, le succès l'oublie.
Ses cendres sont dispersées dans plusieurs pays d'Afrique
En 1987, un clip publicitaire relance "My Baby Just Cares For Me" (1958). La gloire revient mais le pactole lui échappe : trente ans avant, inexpérimentée, elle en avait cédé les droits pour une poignée de dollars. Malade, affaiblie par l'alcool, elle s'isole. En 1995, elle écope de huit mois de prison avec sursis pour avoir blessé un voisin adolescent avec un pistolet à grenaille parce qu'il "faisait du bruit".
"Ne me quitte pas", la chanson de Jacques Brel dont elle a livré une interprétation déchirante, accompagne ses obsèques à Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône). Ses cendres sont dispersées dans plusieurs pays d'Afrique.
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