Les Beatles ressuscités avec de nouveaux morceaux générés par l'intelligence artificielle
C'est une nouvelle version de New, un single de Paul McCartney paru en 2013, sur lequel un fan a rajeuni la voix du Beatles et lui a adjoint une partie chantée par son ancien partenaire John Lennon, mort il y a plus de quarante ans. Toute aussi impressionnante : une version de Grow Old With Me, l'une des dernières chansons écrites par John Lennon, sortie après son assassinat en 1980 et recréée par un amateur d'intelligence artificielle se faisant appeler Dae Lims. Le moment le plus émouvant de la chanson arrive lorsque Paul McCartney se met à chanter sur la mélodie.
Ces créations ont ému aux larmes de nombreux fans. "Je suis en pleurs ! C'est tellement magnifique !!!" a écrit un auditeur sur YouTube, sous la première version. "Je commence à pleurer", a dit dans une vidéo Steve Onotera, un youtubeur au million d'abonnés au sujet de la seconde. "Quand on les voit réunis artificiellement mais de façon convaincante grâce à l'intelligence artificielle, c'est très émouvant".
Comment sont fabriquées ces versions IA ?
La technologie utilisée analyse et capture les nuances d'une voix. Les créateurs chantent probablement les paroles eux-mêmes, avant d'y appliquer un "clone" de la voix désirée, comme on applique un filtre sur une photographie. Y arriver n'est pas simple et requiert des humains sachant manier l'IA, avec une réelle connaissance des logiciels de musique, selon Zohaib Ahmed, PDG de Resemble AI, une entreprise de Toronto spécialisée dans ce domaine.
"Je pense qu'il n'y a encore qu'une très petite partie de la population qui peut accéder à ces outils", dit-il. Il faut "lire dessus, avoir le bon ordinateur, et tout assembler." Son entreprise est l'une de celles offrant une plateforme pouvant être diffusée plus largement auprès du secteur du divertissement - dont un documentaire de Netflix soi-disant "commenté" par la voix du défunt Andy Warhol.
Pour Patricia Alessandrini, compositrice et enseignante à Stanford, le nombre croissant de morceaux générés par l'IA représente l'arrivée à maturité d'une technologie qui s'est développée de façon exponentielle durant la dernière décennie, tout en restant assez éloignée du grand public. "C'est un bon exemple de ce que l'IA fait très bien, c'est-à-dire tout ce qui à trait à la ressemblance", dit-elle. Mais "il n'y a vraiment aucun risque", selon elle, "que cela remplace la riche histoire de l'art et de la culture créée par des humains."
Qu'en est-il des droits d'auteur ?
Si ces créations mettent en évidence les récentes avancées technologiques, elles soulèvent aussi une ribambelle de questions éthiques et légales. Pour l'industrie musicale, les implications sont énormes. La technologie permettant aux gens de facilement transformer leur voix en celle de leur chanteur favori ne se fera probablement pas attendre très longtemps.
Si les artistes "sont payés pour une licence de leur voix, alors tout le monde est content", estime Steve Onotera. "Mais que se passe-t-il pour ceux qui sont morts depuis longtemps ?"
Dans le cas de Heart on a Sleeve, une chanson qui réunissait récemment de façon artificielle les artistes Drake et The Weeknd, le groupe Universal a fait retirer le morceau des plateformes de streaming - sans que cela n'empêche qu'il réapparaisse en ligne ça et là. Selon Marc Ostrow, un avocat spécialiste de ces questions, la musique générée par l'IA est une "zone grise".
L'industrie va devoir fixer des normes
Des droits peuvent être réclamés à la fois par les artistes et les labels de musique. Mais les créateurs de contenus utilisant l'IA peuvent se réclamer du concept juridique de "fair use" ("usage raisonnable"), sorte de clause d'exception. La Cour suprême américaine a elle penché en sens inverse le mois dernier en estimant qu'une photographe, dont un cliché du musicien Prince a été utilisé par le peintre Andy Warhol, aurait dû recevoir des droits d'auteur.
"Je pense que les normes seront fixées par l'industrie de façon délibérée (...) ou cela se finira en procès", estime l'avocat Marc Ostrow. Les labels devront en effet composer avec la mauvaise publicité entraînée par un procès contre le travail d'un fan, vu comme un hommage et non une source d'argent.
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