"Very Good McCartney Trip" de Michka Assayas, une biographie rock du déjanté Sir Paul McCartney
Le Beatles, le musicien aux 60 disques d'or, le bassiste décoré par la reine Elisabeth II, le performeur sur scène qu'il est toujours et encore aujourd'hui, tout semble avoir été dit sur lui.
McCartney sera à Paris les 4 et 5 décembre pour deux concerts avec sa tournée Got Back. La rumeur de sa présence en chanson lors de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame court depuis quelques semaines. C'est donc l'occasion de réviser son "Macca" avec la biographie écrite par Michka Assayas et Maud Berthomier. Et de suivre leur volonté de démonter quelques idées reçues sur le musicien.
Paul n'est pas le gentil et John le méchant
Sur la photo, McCartney est toujours bien peigné, souvent souriant, bien habillé et il ressemble au gendre idéal. Quand Lennon fait la gueule, Harrisson semble souvent loin de tout et Ringo toujours un peu potache. Les clichés collent à la peau des quatre Beatles. Rançon d'avoir été les inventeurs du groupe cultissime et de demeurer les plus grandes stars que la musique rock et pop n'ait jamais créés.
Mais cette apparence est plus que trompeuse, écrit Assayas. En plongeant dans les débuts, loin de Liverpool, mais à Hambourg en 1960, il dévoile "la face cachée" de Paul. Une voix parfois "d'une sauvagerie rugissante dans ce rock'n'roll à la Chuck Berry". Les Beatles jouent à l'Indra, une salle miteuse, quatre sets par soir et le public en face ne songe qu'à se battre et à conquérir les filles. Assayas conclut cette période par : "Paul n'était pas le moins fou de la bande."
Michka Assayas confie à Franceinfo Culture : "J'ai peut-être un côté redresseur de torts, j'avais envie de raconter un McCartney plus sauvage, plus fou, par exemple, écoutez Helter Skelter". Cette chanson des Beatles écrite par Macca en 1968 est considérée par certains comme le premier morceau de heavy metal.
Et avec humour, Assayas rajoute : "Si Lennon est le mauvais garçon du groupe, il faudra m'expliquer en quoi Imagine est une chanson punk."
Des chansons d'amour pas niaises
"Beaucoup jugent que l'amour est un sujet de chanson débile alors que c'est exactement le contraire. (...) Non, l'amour n'a rien de niais", a déclaré Macca dans Paroles et souvenirs de 1956 à aujourd'hui (Buchet-Chastel). Et Assayas de rappeler l'humour légendaire du Britannique qui ose intituler une de ces chansons avec les Wings en 1976 Silly Love Song, soit "chanson d'amour bébête".
Assayas explique surtout que McCartney a ce talent inégalable de faire croire que la chanson a été écrite pour celui qui l'écoute, "chacun croit y entendre un message personnel". L'exemple est bluffant avec Hey Jude, titre au début dédié à Julian, le fils de Lennon que son père délaisse. Mais ce même John le pense écrit pour l'encourager à rejoindre Yoko. "You have found her, now go end get her" ("Tu l'as trouvée maintenant, prends-la"). Qui du père ou du fils a raison, aucune raison d'arbitrer.
Hey Jude est à 100% l'œuvre de Paul et mérite aussi d'être réécoutée attentivement. C'est "la" chanson plébiscitée en concert, mais aussi sûrement la plus déjantée. Une chanson de 7 minutes 11 secondes, quand le diktat des 2 minutes 30 secondes maximum s'imposait dans l'industrie musicale. Écoutez à la cinquième minute Lennon et Macca noyant les paroles dans une presque improvisation et "hurlant une espèce de gospel païen" dit Assayas. Une ritournelle de réconfort devenue un hymne fantaisiste. Le tour de force de McCartney.
Michka Assayas nous dit : "C'est plus compliqué d'échapper à la banalité quand on écrit sur l'amour. Oui, mon sentiment, c'est que quand il le fait, c'est jamais plat. Et on est dans une époque, effectivement, où c'est plus facile d'être cynique. Et le cynisme, comme on dit, ça met toujours les rieurs de votre côté. C'est un courage et moi, je trouve que c'est encore plus fort quand le mec est capable d'écrire une chanson d'amour extrêmement bien sentie."
Les Wings réhabilités
Le 10 avril 1970, à la Une du quotidien britannique Daily Mirror, ce gros titre signe la fin du monde pour des millions de fans. "Paul is quitting The Beatles". En lettres capitales, Paul McCartney annonce qu'il quitte le groupe et que son premier album solo, McCartney, sera bientôt dans les bacs, soit le 17 avril. À peine une semaine après le divorce, Paul trace la route.
Six ans plus tard, en mai 1976, Michka Assayas assiste au concert des Wings, le groupe que Paul a créé avec Linda, sa femme.
"Comme tant de fanatiques des Beatles endeuillés (...) je grimaçais face aux Wings", écrit l'auteur. "Je considérais qu'il était devenu l'ombre de lui-même", poursuit-il. Mais aujourd'hui, Michka Assayas rend hommage au demi-siècle de McCartney depuis la fin des Beatles. "Le musicien a suivi bien des méandres (...) sa barque a parfois semblé s'enliser, mais Paul a toujours su trouver dans son jardin d'enfance un sentier nouveau, une autre lumière. "Il cite cette chanson signée des Wings, Warm and Beautiful, dont la version interprétée avec un quatuor à cordes en hommage à Linda morte d'un cancer arrache des larmes.
Trente-cinq ans plus tard, l'auteur nous avoue que "quand on écoute la musique sans les préjugés de l'époque, sans les images – parce qu'il y avait quelques images des Wings en effet qui ne me plaisaient pas, surtout à l'époque punk – enfin bref, j'ai été frappé de voir qu'il était allé vers un style funky soul qui aujourd'hui me semble vraiment très réussi, extrêmement réussi".
L'auteur de Very Good McCartney Trip conclut que Paul n'a jamais rien exclu dans son horizon musical : le rétro et l'avant-gardisme, le ringard et l'expérimental, la comptine pour enfant et le cri sauvage du blues et même son goût pour... Alfred Jarry ayant écrit une musique pour un Ubu cocu au théâtre. Le résumé du talent inoubliable de Paul McCartney et des Beatles est ainsi résumé par Michka Assayas.
"Very Good McCartney Trip" de Michka Assayas aux éditions GM, 176 pages, 20 euros
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